Malgré une défense passionnée de son amendement, le député MoDem Richard Ramos n'a pas réussi à convaincre la ministre de la Santé Agnès Buzyn, qui a émis des doutes sur la "robustesse" scientifique du dispositif proposé ainsi que sur son "efficacité".
L'amendement de Richard Ramos a finalement été rejeté (32 voix pour, 44 contre). L'élu MoDem souhaitait, dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020, taxer les produits de charcuterie contenant des additifs nitrés (nitrates, nitrites, sel nitrité) à hauteur de "0.10 centimes d’euros par kilogramme".
Son but ? Défendre une "certaine vision du 'bien manger' français". Le député du Loiret espérait surtout, avec cette taxe comportementale, contraindre les industriels à modifier leur mode de production :
Le caractère cancérigène de la charcuterie tient à l’ajout d’additifs nitrés dans les produits de charcuterie alors que ces additifs ne sont pas nécessaires.Exposé des motifs de l'amendement
Mais son dispositif, adopté en commission des Affaires sociales la semaine dernière, a reçu en séance un avis défavorable d'Agnès Buzyn.
"Je suis convaincue que sur ces bancs 100% des députés veulent améliorer la qualité nutritionnelle des aliments, le bien-être et la santé publique de nos concitoyens", a d'emblée affirmé la ministre de la Santé. Elle répondait ainsi à l'apostrophe de Richard Ramos, qui en avait appelé à la "conscience des députés".
Agnès Buzyn a également prévenu qu'elle n'était pas "soumise à la pression des lobbies" alors que selon l'élu MoDem, les députés ont tous "reçu hier par les lobbyistes des choses fausses sur la santé".
"J'ai un combat, c'est la science", a expliqué la ministre, qui a émis des doutes sur la "robustesse" scientifique de l'amendement :
On a très longtemps pensé que les nitrates pouvaient avoir un lien avec le cancer, maintenant on est plus sur l'idée que c'est le sel.Agnès Buzyn
Agnès Buzyn a également assuré que "les additifs contenus dans les aliments, notamment la charcuterie, contribuent selon des études à moins de 5% de l'exposition totale aux nitrates".
La ministre a donc proposé à Richard Ramos d'attendre les conclusions des travaux de l'ANSES sur "les expositions aux nitrates par voie alimentaire propres à la France". La taxe de l'élu MoDem, a-t-elle conclu, serait de toute façon "imperceptible", "difficilement applicable et vraisemblablement inefficace".
"Moi aussi, je suis un peu dans le doute", a indiqué le député Les Républicains Thibault Bazin, qui craint les conséquences d'une telle taxe sur les producteurs français de charcuterie, qui "sont [déjà] en deçà de la norme européenne". L'amendement Ramos a divisé le groupe LR : cinq députés ont voté pour, six ont voté contre et un s'est abstenu.
La taxe a en revanche été soutenue par les neuf élus MoDem présents, mais aussi par dix députés La République en Marche et par les quatre députés socialistes.
Prenant la parole au nom des députés LaREM, Julien Borowczyk a justifié la large opposition de son groupe au dispositif (35 voix contre) : "On taxerait les plus modestes avec un droit à consommer des nitrites", a expliqué l'élu de la Loire.