Sabotages, cyberattaques, désinformation, et désormais survols de drones : la guerre hybride que mène la Russie de Vladimir Poutine aux européens, mélange d'intimidation et de manipulation, a pris une nouvelle ampleur ces dernières semaines. Les survols sauvages de l’espace aérien d’une douzaine de pays de l’UE ont mis à l'épreuve l'unité des 27 et de l'OTAN. Face à cette menace de plus en plus concrète, les européens tentent d’orchestrer une réponse commune. Mais des questions demeurent : analyse et débat avec les eurodéputés Chloé Ridel (S&D, France) et Radan Kanev (PPE, Bulgarie) dans "Ici l'Europe".
"Si nous pensons que nous ne sommes pas en guerre contre la Russie, la Russie, elle, est en guerre contre nous" : le constat, dressé par Chloé Ridel, a le mérite de la clarté. Face à lui, l'eurodéputée socialiste appelle à répondre fermement sur tous les fronts. Les survols répétés de l'espace aérien par des drones ? "Il faut par principe détruire ces matériels qui survolent notre espace sans y être invités", tranche-t-elle : "L’enjeu c’est de montrer aux Russes qu’on ne laissera pas violer notre espace aérien".
À l'autre bord de l'échiquier politique européen, le bulgare Radan Kanev (PPE), abonde tout en nuançant : "On doit les détruire : c’est clair et définitif ; mais c’est la question des moyens techniques [qui se pose] : les moyens dont disposent les ukrainiens pour battre les drones, on ne les a pas", constate-t-il.
Un manque rendu visible par l'envoi d'avions de chasses de l'OTAN, en Pologne, pour abattre ces aéronefs. Un moyen jugé disproportionné et inadapté, qui a conduit la Commission européenne à esquisser une nouvelle approche en annonçant le projet d'un "mur anti-drones". Une réponse qui a suscité des réactions diverses des capitales européennes : sursaut salutaire pour certains pays, l'idée est vue par les autres comme une entorse à l'autonomie des États en matière de défense. Un faux-procès, pour Chloé Ridel : "Si la Commission peut aider à coordonner un mur de drones, c’est quelque chose de positif ; il ne faut pas être idéologue, mais pragmatique, défend-elle. Ce qui empêche une défense du continent européen d’être efficace, c’est le manque de coordination", argumente l'eurodéputée : "Si on additionne les défenses de tous les pays, on est à 300 milliards, plus que la Chine et la Russie !".
Une coordination, aussi vue comme nécessaire par Radan Kanev : " Il est important non seulement d’être coordonnés, mais aussi d’avoir une certaine spécialisation des productions, précise l'eurodéputé. Car le risque principal, c’est qu’il y ait le drone français, le drone suédois, le drone bulgare…"
Autre sujet sur la table des dirigeants européens : la flotte fantôme de la Russie. La décision de la France d'arraisonner un navire suspect au large de Saint-Nazaire, le 29 septembre, a ouvert un débat sur la riposte européenne face à ces navires, téléguidés par la Russie pour contourner les sanctions contre son économie, en particulier sur le gaz et le pétrole. "Ces navires fantômes représentent non seulement une menace économique mais aussi de sécurité et militaire" prévient Radan Kanev. "Quand il n'y a pas de pavillon, il faut arraisonner" confirme Chloé Ridel, pour qui le Président français Emmanuel Macron a "eu raison" de prendre cette décision : "C’est un navire qui était parti de Saint-Pétersbourg, qui avait fait des arrêts suspects près du Danemark au moment où des drones avaient été lâchés dans l’espace aérien danois, puis s’était avancé dans les côtes françaises...", justifie-t-elle.
Alors que 30 à 40 % de l'effort de guerre russe est aujourd'hui financé par les revenus de la flotte fantôme, l'eurodéputée appelle ainsi à ne "pas se priver de [prendre de telles mesures d'arraisonnement] car c’est ce qui permet de frapper Poutine au portefeuille".
Retrouvez l'intégralité du débat entre les eurodéputés Chloé Ridel (S&D, France) et Radan Kanev (PPE, Bulgarie) sur la page de l'émission "Ici l'Europe".