Vidéosurveillance algorithmique, taser... L'Assemblée nationale muscle la proposition de loi sur la sécurité dans les transports

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Philippe Tabarot LCP 11/02/2025
Le ministre chargé des Transports, Philippe Tabarot, à l'Assemblée nationale, le 11 février 2025 (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Mercredi 12 février 2025 à 06:45, mis à jour le Mercredi 12 février 2025 à 08:57

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture, dans la nuit de mardi 11 à mercredi 12 février, la proposition de loi relative au "renforcement de la sûreté dans les transports", par 139 voix contre 59. Les députés ont durci le texte, d'origine sénatoriale, par rapport à la version issue de la commission. La proposition de loi va désormais faire l'objet d'une commission mixte paritaire pour tenter de parvenir à un texte commun aux deux Chambres du Parlement. 

"Nous aurons un peu de toilettage." Le rapporteur de la proposition de loi "relative au renforcement de la sûreté dans les transports" à l'Assemblée nationale, Guillaume Gouffier Valente (Ensemble pour la République), n'a pas caché sa circonspection quant à plusieurs aspects du texte adopté en première lecture, dans la nuit du mardi 11 au mercredi 12 février, par 139 voix contre 59. La raison ? Lors des débats dans l'hémicycle, plusieurs amendements ont été adoptés contre son avis. Et à quelques reprises, le tandem qu'il formait avec le ministre chargé des Transports, Guillaume Tabarot, a déraillé.

L'actuel ministre est d'autant plus investi sur la proposition de loi que c'est lui qui l'a déposée en décembre 2023 au Sénat, où il siégeait au sein du groupe Les Républicains avant d'entrer au gouvernement. Il n'a donc, par exemple, pas désavoué le rétablissement de la peine complémentaire d'interdiction de paraître dans les transports, qui avait été supprimée en commission à l'Assemblée. Dans l'hémicycle, la mesure a pourtant été jugée "totalement inopérante" par Guillaume Gouffier Valente.

Plus généralement, la droite de l'hémicycle a durci le texte par rapport à la version issue de la commission des lois. Dans certains cas, en suivant les avis exprimés par le ministre ou le rapporteur. Il en va ainsi de la confiscation temporaire d'objets dangereux par les agents des services de sécurité de la SNCF - la Suge - et de la RATP - le GPSR -, ou de la dotation d'un taser à certains agents de la Suge. Dans d'autres, en outrepassant l'opposition du ministre et du rapporteur. Il a ainsi été décidé d'autoriser la consultation d'images de vidéosurveillance à des agents de sécurité privée et de confier un pouvoir de coordination de la sécurité aux agents de la région Île-de-France. Pas de quoi réjouir la gauche, déjà largement opposée à la proposition de loi initiale. 

Les députés ont, dans ce contexte, approuvé les principales dispositions du texte : autorisation pour les agents de sécurité de la RATP et de la SNCF de réaliser des palpations de sécurité, ou de collecter une amende forfaitaire pour certains délits, création d'un délit de bus et trainsurfing, renforcement des sanctions pour abandon de bagage - tout en édulcorant cette mesure. Après une expérimentation qui a pris fin le 1er octobre dernier, le port des caméras-piétons pour les agents de contrôle a, en outre, été pérennisé. La création d'un délit d'incivilités d'habitude a, en revanche, été supprimé contre l'avis de Guillaume Gouffier Valente. 

L'expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique prolongée

Un point a particulièrement cristallisé les tensions : le gouvernement a décidé d'introduire par voie d'amendement la prolongation de l'expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique, ces "caméras intelligentes" utilisées dans le cadre des Jeux olympiques de Paris, dont l'usage devait s'éteindre le 31 mars 2025. Malgré un rapport d'évaluation en demi-teinte, Philippe Tabarot a jugé que ce dispositif "présente un intérêt réel dans certaines situations", regrettant une certaine absence de "recul" pendant les JO. "Il y avait une surreprésentation des forces de police et gendarmerie, ce qui n'est pas une situation normale", a abondé Eric Pauget (Droite Républicaine).

Les députés ont approuvé la prolongation de l'expérimentation jusqu'à la fin de l'année 2027, malgré le farouche désaccord de la gauche. "Cette prolongation est déposée en catimini, sans le respect du débat contradictoire nécessaire. C'est un peu petit", a cinglé Sandra Regol (Ecologiste et social), tandis qu'Elisa Martin (La France insoumise) a fustigé un "dispositif particulièrement intrusif et liberticide".

Un député de la coalition présidentielle a également tenu à manifester son franc désaccord : "Nous devions discuter calmement du rapport d'évaluation. Passer par une proposition de loi, sans avis du Conseil d'Etat, ce n'est pas une discussion", a déploré Philippe Latombe (Les Démocrates). "En repoussant simplement la date, le Conseil constitutionnel va considérer que c'est un cavalier législatif", a-t-il estimé, craignant que cette prolongation ne fasse plus de tort que de bien à la vidéosurveillance algorithmique.

La proposition de loi ainsi adoptée et modifiée par l'Assemblée nationale va désormais faire l'objet de négociations d'une délégation de députés et sénateurs, qui se réuniront en commission mixte paritaire (CMP) pour tenter d'aboutir à un texte commun.