Violences envers les élus locaux : un texte durcissant les sanctions en passe d'être définitivement voté

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Assemblée nationale extérieur
par Raphaël Marchal, le Lundi 11 mars 2024 à 08:05

Le Parlement s'apprête à adopter définitivement, cette semaine, la proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux. Le texte final, qui a fait l'objet d'un accord entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire, a été expurgé de sa disposition polémique qui consistait en un allongement de la prescription pour diffamation.

Ce devrait être une simple formalité. Ce lundi 11 mars après-midi, l'Assemblée nationale votera définitivement la proposition de loi "renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux", Le texte, d'origine sénatoriale, a été déposé peu après la démission de Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, qui avait pris la décision d'abandonner son mandat après avoir subi des menaces et suite à l'incendie de ses véhicules devant son domicile. Réunis en commission mixte paritaire (CMP) le 27 février, députés et sénateurs sont parvenus à harmoniser les versions votées en première lecture dans chacune des Chambres du Parlement.

La proposition de loi aligne notamment les sanctions visant les auteurs de violences commises contre des élus locaux sur celles qui visent les violences commises contre les dépositaires de l'autorité publique, comme les policiers. Les sanctions seront également durcies s'agissant des actes touchant d'anciens élus locaux. Elle crée, par ailleurs, une peine d'intérêt général en cas d'injures publiques, de diffamation publique ou d'outrage, à l'encontre des personnes dépositaires de l'autorité publique et de certains élus.

Le texte prévoit également d'attribuer automatiquement la protection fonctionnelle aux élus locaux qui exercent des fonctions exécutives, lorsqu’ils sont victimes de violences, de menaces ou d’outrages du fait de leurs fonctions. Le bénéfice de la protection fonctionnelle sera également étendu aux candidats à un mandat électif public - une réflexion sur l'extension de cette protection à l'ensemble des élus locaux, à leurs enfants et à leurs conjoints devant être lancé dans les mois à venir.

Par ailleurs, les parlementaires pourront assister aux conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et aux conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD). Le texte renforce en outre l'information des maires quant aux infractions causant un trouble public sur leur commune.

Pas d'allongement de la prescription

En revanche, les parlementaires n'ont finalement pas retenu la disposition la plus polémique de la proposition de loi, qui prévoyait d'allonger le délai de prescription des délits d'injure et de diffamation commis à l'encontre de parlementaires et d'élus d'exécutifs locaux, pour le faire passer de trois mois à un an. Cette mesure avait notamment fait l'objet d'une levée de bouclier de la part des sociétés de journalistes, qui dénonçaient une "entorse inutile et arbitraire à la liberté d'informer et d'être informé", ainsi que de la part de l'Association des avocats praticiens du droit de la presse.

En CMP, la sénatrice Catherine di Folco (Les Républicains) a plaidé pour le maintien de ce rallongement, jugeant les délais actuels "inadaptés aux évolutions technologiques". "Par un effet de bord, mineur pour nous mais majeur pour les professionnels de la presse, l'article vient toucher à la loi de 1881 sur la liberté de la presse", a souligné pour sa part Violette Spillebout (Renaissance), rappelant que l'objectif initial du texte était bien de "protéger les élus locaux des personnes qui harcèlent, outragent et diffament sur Facebook ou Twitter". Après avoir auditionné les organisations représentatives des médias à la mi-février, la rapporteure du texte à l'Assemblée a entendu leurs doléances.

La disposition a bien été supprimée de la version finale, bien qu'une position intermédiaire ait été proposée - un rallongement à six mois. Le retrait de la mesure a été regrettée par certains élus. Le sénateur Hussein Bourgi (Socialiste) a jugé que les journalistes défendaient des "intérêts corporatistes". "Loin d'être corporatiste, la loi de 1881 sur la liberté de la presse fait partie du bloc de constitutionnalité", lui a rétorqué le député communiste Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine).

C'est donc dans cette version que le texte sera définitivement adopté par le Parlement, après un ultime vote au Sénat, jeudi 14 mars.