Le projet de loi de "simplification de la vie économique", adopté au Sénat en octobre 2024, est à l'ordre du jour de l'hémicycle de l'Assemblée nationale à partir de mardi 8 avril. En commission, les zones à faibles émissions (ZFE) destinées à lutter contre la pollution dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants, ont été supprimées par voie d'amendement contre l'avis du gouvernement qui va proposer un compromis.
Après plusieurs mois d'attente, l'Assemblée nationale examinera en séance publique, à partir de mardi 8 avril, le projet de loi de "simplification de la vie économique". Le texte, adopté en commission le 27 mars dernier, a été modifié en profondeur par les députés, qui ont notamment choisi de supprimer par voie d'amendement les zones à faibles émissions (ZFE).
Déposé en avril 2024 par le gouvernement de Gabriel Attal, le projet de loi a connu un début de parcours législatif perturbé par les circonstances politiques. Il y a un peu moins d'un an, après avoir achevé son examen le 5 juin 2024, les sénateurs se préparaient à voter sur l'ensemble du texte le 11 juin. Un scrutin rendu impossible par la dissolution de l'Assemblée nationale, décidée par Emmanuel Macron, le 9 juin. Le Sénat a finalement adopté le projet de loi à l'automne dernier, le 22 octobre, lors du court passage de Michel Barnier à Matignon.
Le gouvernement de François Bayrou a choisi de s'emparer à son tour du texte : "Notre pays est obèse de sa bureaucratie et croule sous la paperasse administrative. (...) Nous devons entamer une véritable cure de simplification", a expliqué le ministre de l'Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification, Laurent Marcangeli, lors de son audition par les députés de la commission spéciale constituée pour examiner le texte, le 19 mars dernier.
Le texte, amendé par les députés, supprime des dizaines de commissions et comités administratifs consultatifs, comme les Conseils économiques sociaux et environnementaux régionaux (Ceser), l'Observatoire national de la politique de la ville, le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, ou encore la Conférence de prévention étudiante.
La suppression du Conseil national de la Montagne, voté par le biais d'un amendement du co-rapporteur du projet de loi, Christophe Naegelen (LIOT), a créé des remous. Face à ces suppressions, la gauche a dénoncé, par la voix de Manon Meunier (La France insoumise), des "coupes à l'aveugle", tandis que son collègue Gérard Leseul (Socialistes) n'a pas caché son agacement, défendant par exemple le Conseil supérieur de la coopération : "Est-ce que l'un des rédacteurs de cet amendement [qui veut supprimer le conseil] sait à quoi il sert ?", a demandé l'élu.
"A partir du moment où on ne sait pas à quoi servent les institutions, à quoi bon les garder ?", lui a répondu Anne-Laure Blin (Droite républicaine). De son côté, Pierre Meurin (Rassemblement national) a estimé que "la gauche ne veut pas simplifier, elle veut complexifier".
Les députés ont également adopté un amendement du gouvernement qui instaure une "clause d'extinction" pour les comités consultatifs : ceux-ci disparaitront automatiquement au bout de trois ans, "sauf justification de leur utilité et de leur pertinence pour le maintien de leur activité".
La commission spéciale a validé l'article 2 du texte, réécrit par le gouvernement, qui vise selon la ministre déléguée au Commerce, Véronique Louwagie, à "supprimer une trentaine de déclarations ou autorisations administratives qui alourdissent la vie des entreprises et qui sont devenues obsolètes". Le texte prévoit, en outre, de reporter l'obligation de facturation électronique pour les entreprises, et instaure un "principe de coordination et de prévisibilité des contrôles fiscaux et sociaux pour les entreprises de moins de 50 salariés".
Par ailleurs, les députés ont adopté un amendement du groupe "Rassemblement national", qui vise à garantir l'accès à "un numéro de téléphone et à une adresse de courriel directs du service chargé d’instruire une demande ou de traiter une affaire". Un amendement du groupe "La France insoumise", également adopté en commission, prévoit quant à lui d'interdire aux assureurs de rompre unilatéralement un contrat pour "un motif lié à l'aggravation du risque climatique", c'est-à-dire pour des "situations de sinistres à répétition provoqués par des catastrophes climatiques".
Avant l'examen du texte dans l'hémicycle, les députés ont aussi adopté des amendements issus de la Droite républicaine et du Rassemblement national visant à supprimer les zones à faibles émissions (ZFE). Très contestées, les ZFE sont des territoires dans lesquels la circulation des véhicules les plus polluants peut être interdite, afin d'améliorer la qualité de l'air.
"Leur mise en œuvre soulève de nombreuses difficultés", a expliqué Ian Boucard (Droite républicaine), critiquant un dispositif qui "pénalise les ménages à revenus modestes", mais aussi les "artisans et les petits commerçants". Pour Pierre Meurin (Rassemblement national), les ZFE sont une "dinguerie" qui "créent un séparatisme territorial et social envers les Français les plus modestes".
Le vote des députés s'est fait contre l'avis du gouvernement : "Tout cela demande de prendre du recul et de se doter d’évaluations", a indiqué le ministre chargé de l'Industrie et de l’Energie, Marc Ferracci. "J'ai un peu le sentiment que ce texte devrait changer de titre [et devenir la] 'loi de tout ce que je ne veux plus, de tout ce qui me dérange', 'loi de la fin du code de l'environnement'", a déploré Charles Fournier (Ecologiste et social), qui a toutefois reconnu que les ZFE sont une "réponse très très imparfaite" à la pollution de l'air dans les agglomérations.
Lors de l'examen du projet de loi dans l'hémicycle, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, proposera de ne obligatoire les ZFE que pour des agglomérations qui dépassent des seuils réglementaires de qualité de l'air pendant trois années sur les cinq dernières années, selon un amendement consulté par l'AFP.
Cette mesure aurait pour effet de limiter à ce stade l'obligation à Paris et Lyon et leur agglomération, selon le cabinet de la ministre. L'amendement supprimerait l'obligation d'en instaurer dans toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants, laissant la main aux élus locaux.
Par ailleurs, le texte sorti de la commission contient une disposition visant à "renforcer la sécurité juridique des projets d'infrastructure en France". Les amendements votés à cet effet ont pour but de "faire en sorte que les contentieux administratifs se déroulent une bonne fois pour toutes", a expliqué l'un de leurs signataires, Jean Terlier (Ensemble pour la République), qui entend ainsi prévenir les annulations de travaux, comme celle survenue sur le chantier de l'autoroute A69.
Concrètement, la caractérisation de la raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) pourra être réalisée au stade de la déclaration d'intérêt public (DUP), ce qui doit avoir pour conséquence de pouvoir "commencer définitivement les travaux sans avoir le risque d'avoir ensuite des annulations".
Une disposition qui, là encore, n'a pas emporté l'adhésion du ministre chargé de l’Industrie et de l'Energie, Marc Ferracci, qui estime que celle-ci "met en place une présomption de reconnaissance" et est "source d'insécurité juridique forte". "On envisage de modifier profondément la loi parce qu'il y a eu un énorme raté sur un projet d'autoroute dont on savait dès le départ que les avis étaient négatifs", a regretté Anne Stambach-Terrenoir (La France insoumise).
Les "tests PME" destinés à mesurer l'effet de nouvelles normes sur les entreprises ont, en revanche, été retirés. Les députés ont estimé que l'introduction au Sénat d'un "Haut conseil" censé superviser la mission allait contre l'idée de simplification.
L'ancienne ministre des PME et députée, Olivia Grégoire (Ensemble pour la République), a regretté sur X (ex-Twitter) la suppression de cette mesure "qui aurait réellement changé la vie de nos entrepreneurs". Elle a espéré que "cette erreur sera réparée en séance".
Le texte, qui contient de nombreuses mesures, prévoit par exemple de faciliter l'implantation de centres de données de dimension industrielle, d'intégrer "cinq membres issus d’entreprises privées au sein du collège de la CNIL", ou encore de permettre aux producteurs de boissons de quatrième (rhums, tafias, etc.) et cinquième catégories (gins, vodkas, etc.) de vendre directement leurs produits sur les marchés.