120 propositions pour lutter contre le harcèlement scolaire

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AFP
par Ariel Guez, le Mercredi 9 décembre 2020 à 10:05, mis à jour le Vendredi 12 février 2021 à 13:44

Le député Erwan Balanant (MoDem) a présenté mercredi, à l'Assemblée nationale, un rapport intitulé "comprendre et combattre le harcèlement scolaire", résultat d'une mission gouvernementale qui lui avait été confiée. Il dresse une liste de 120 préconisations et suggère notamment de faire du harcèlement scolaire un délit spécifique. 

C'est un fléau qui touche toutes les écoles en France. Selon l'épais rapport du député MoDem Erwan Balanant, près de 700.000 élèves seraient affectés par le harcèlement, soit environ 10% des effectifs. L'élu du Finistère présentait mercredi à ses collègues de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale les conclusions de la mission gouvernementale sur le harcèlement scolaire que lui avait confié il y a plus d'un an Edouard Philippe, alors Premier ministre. Après plusieurs mois de travail et des dizaines d'auditions, Erwan Balanant a dressé une liste de 120 propositions pour lutter contre le harcèlement scolaire. 

Réaliser une grande étude chiffrée sur le harcèlement

La première serait de réaliser au niveau national "une grande étude scientifique chiffrée sur le harcèlement scolaire, ses modalités et déclinaisons et sa prégnance". Aucune n’a été menée au niveau national ou européen, comme cela a pu être fait par l’Unicef, déplore le député. Selon lui, "cette absence de données apparaît comme une véritable lacune tant pour comprendre le phénomène ou pour en cerner les contours avec exactitude, que pour le combattre."

Le travail proposé par Erwan Balanant "devrait être actualisé tous les ans pour permettre d’appréhender les évolutions du phénomène". "Un indicateur du climat scolaire pourrait être également publié régulièrement", indique-t-il. 

Faire du harcèlement scolaire un délit pénal

Mais la préconisation phare du rapport est de faire du harcèlement scolaire un délit spécifique. Sur le modèle du délit de harcèlement au travail, le harcèlement scolaire serait alors potentiellement passible de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Interrogé par des députées qui s'inquiétaient d'une réponse répressive envers des jeunes, Erwan Balanant veut rassurer en expliquant le sens de cette mesure. 

"L'idée n’est pas de faire du répressif. D'ailleurs, dans le cadre de l’ordonnance de 1945 et du futur code de la justice des mineurs, il n’y aurait pas de peine pour ces enfants", répond-il à Elsa Faucillon (GDR) et Muriel Ressiguier (LFI). Mais alors quel est l’intérêt d'avoir une qualification pénale ? "Les qualifications qui sont prises pour définir le harcèlement scolaire sont extrêmement vastes et compliquées", souligne le député : 

Aujourd'hui, il y a des trous dans la raquette dans la protection des enfants. Erwan Balanant, le 9 décembre 2020

"Entre 15 et 18 ans, des jeunes sont moins protégés que d'autres de moins de 15 ans et des adultes", continue l'élu. Pour Erwan Balanant, créer un délit permettrait d'avoir un "cadre" permettant de sensibiliser les auteurs de harcèlement "en leur indiquant que ce qu'ils font est puni par la loi. Je pense que ça peut aider.

Former les professeurs et tous les adultes des écoles, collèges et lycées

Dans les écoles, la lutte contre le harcèlement passe aussi par la formation des professeurs et des adultes qui sont au contact des enfants au quotidien. Ainsi, le rapport préconise que tous les membres de la communauté scolaire soient formés et sensibilisés, chacun pouvant détecter des "signaux faibles."

Erwan Balanant plaide aussi pour une meilleure information des élèves et des familles en diffusant dans le carnet de liaison et dans les supports numériques à disposition des parents la liste des numéros des plateformes d’écoute. Il suggère de relancer le programme "Clé en main" dans les collèges et les écoles : une équipe sera spécifiquement formée à la prise en charge des situations de harcèlement et dix heures d'apprentissage par an seront consacrés à ce sujet.

Dans le cadre de ce programme, le député propose de mettre en place une labellisation des établissements. "Souvent, il y a un déni des chefs d’établissements qui préfèrent ne pas traiter une situation plutôt que de la régler et d'avoir la réputation d'avoir eu un cas de harcèlement scolaire."

"Il faut renforcer la médecine scolaire" 

"Ces mesures sont les bienvenues, mais elles s’inscrivent hélas à contre-courant de la politique gouvernementale que vous soutenez", regrette Sylvie Tolmont (PS). "Pour s'en convaincre, il suffit de revenir sur l'examen du Projet de loi de finances pendant lequel le gouvernement a continué de supprimer des postes dans le second degré", explique l'élue de la Sarthe.

"Le taux d'encadrement, depuis quelques années, augmente. Il y a plus de professeurs par élève", rétorque Erwan Balanant, vantant le dédoublement des classes en primaire, une des mesures phare du quinquennat. "Les chiffres vont dans le bon sens, sauf sur des sujets qui dépassent les postes d'enseignement, qui sont la médecine scolaire, la santé scolaire et les psychologues", poursuit le député. "Et là, oui, je vous rejoins : il faut renforcer ces domaines", dit-il.

Cyber-harcèlement : une éducation des enfants... et des parents

Le rapport aborde aussi la place des parents, qui n'ont pas forcément toutes les connaissances nécessaires à la prévention du cyber-harcèlement auprès de leurs enfants. Ainsi, le député propose de distribuer "dès le début de la parentalité un livret consacré aux bonnes pratiques des outils numériques." Erwan Balanant suggère également de "développer des ateliers de sensibilisation et des rencontres entre parents au sein des lieux d’activités professionnelles de ces derniers."

"De bonnes pratiques sont à apprendre", résume l'élu du Finistère. "Il faut qu'on ait une éducation des parents sur le long terme", insiste-t-il, souhaitant la mise en place "d'une campagne nationale autour de la prévention sur les outils du numérique".

Vers une taxation des Gafam ?

Sur le cyber-harcèlement, le rapport propose "de lancer une réflexion sur la contribution financière des plateformes numériques pour une participation active à la lutte." Interrogé par Pierre-Yves Bournazel (Agir ensemble), Erwan Balanant va plus loin évoquant une "éventuelle taxe". 

"Il y a aujourd'hui la taxe Gafam. Je préconiserai qu'une partie de cette taxe abonde un fond permettant d'avoir une politique publique et des actions fortes autour du cyber-harcèlement", explique le député. "Je considère qu'on est dans la même configuration que le pollueur-payeur", résume-t-il. "Quelque part, les Gafam ont une certaine pollution de l'espace public. Comme ils ont cette pollution, il faut qu'ils réparent cette pollution". 

Le député renvoie à un futur débat la forme de cette réparation, mais l'idée qu'ils soient taxés est "une bonne idée", avance-t-il. Les sommes récoltées pourraient être allouées à un Groupement d’intérêt public, qu'Erwan Balanant propose de créer. Cette structure permettrait selon lui le renforcement du "portage des politiques publiques et la collaboration avec des acteurs privés autour du harcèlement et du cyber-harcèlement scolaire".