Si la dissolution décidée par le président de la République en juin dernier a marqué un tournant du quinquennat, l'année parlementaire qui s'en est suivie a été jalonnée d'événements notables, définitivement associés à certains députés. Retour sur l'an I de la législature au travers de quelques-unes de ses figures emblématiques.
Entre la nouvelle donne politique incarnée par l'alliance entre Les Républicains et le camp présidentiel, l'audition du Premier ministre par la commission d'enquête "Bétharram", ou encore les débats sur l'ouverture d'un droit à l'aide à mourir... Le début de la 17e législature a été marqué par des événements majeurs, et des visages qui lui resteront durablement associés. Portraits de ces députés qui ont fait l'année à l'Assemblée.
Le 15 mai dernier, ils ont plus de cinq heures durant fait face au Premier ministre, contraint de répondre de ses actes et de ses décisions dans l'affaire dite "Bétharram". Si le couple parlementaire Spillebout-Vannier peut paraître inattendu au regard de leurs divergences politiques - la première est issue du parti présidentiel, le second de La France insoumise -, il a semblé cheminer dans une relative concorde au fil des travaux de la commission d'enquête sur "les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires".
L'instance présidée par la socialiste Fatiha Keloua Hachi avait été installée le 19 février dernier, dans la foulée de la résurgence d'informations concernant les violences physiques et sexuelles exercées au sein de l'établissement catholique Notre-Dame de Bétharram. Une institution située dans les Pyrénées-Atlantiques, fief de François Bayrou, où étaient scolarisés ses propres enfants, et dont un certain nombre de violences avérées ont eu lieu alors qu'il était lui-même ministre de l’Éducation nationale. A l'initiative de Paul Vannier, qui avait à plusieurs reprises sommé le Premier ministre de s'expliquer lors des séances de questions au gouvernement sur d'éventuels manquements de sa part, le député LFI avait jugé cette commission d'enquête nécessaire pour "identifier les défaillances" de la part de l’État et "empêcher d'autres Bétharram".
Solidaires durant l'audition-fleuve au cours de laquelle Paul Vannier avait été accusé par le Premier ministre d'instrumentaliser Bétharram comme une "arme politique", les deux co-rapporteurs avaient cependant fait part quelques jours plus tard de conclusions divergentes. "Je le crois", avait aussi indiqué Violette Spillebout à propos de François Bayrou, quand Paul Vannier avait estimé que le Premier ministre entretenait "l'omerta", tentant "d'intimider celles et ceux qui voudraient dénoncer des violences".
Les deux co-rapporteurs ont par ailleurs d'une même voix confié avoir été profondément bouleversés par les révélations et témoignages recueillis durant les auditions et déplacements de la commission d'enquête. "Ce travail a changé ma vie, à titre personnel et politique", avait ainsi déclaré Violette Spillebout le 2 juillet dernier. Un travail transpartisan qui se prolongera au travers d'une proposition de loi visant à lutter contre les violences systémiques en milieu scolaire, dont le dépôt est annoncé pour le mois d'octobre.
Députée de Mayotte, dévastée par le cyclone Chido en fin d'année dernière, Estelle Youssouffa (Liot) n'a pas l'habitude de mâcher ses mots. Voilà en effet deux ans, depuis sa première élection à l'Assemblée nationale, que la députée relaie avec force dans l'hémicycle la souffrance d'un territoire qu'elle juge pour le moins oublié des politiques publiques, voire tout bonnement abandonné par l’État.
Et dans un archipel où Marine Le Pen a récolté 59% des voix lors du second tour de la dernière élection présidentielle, l'une des préoccupations majeures d'Estelle Youssouffa s'avère la sécurité des Mahorais. Cette dernière n'a en effet de cesse de dénoncer l'immigration comorienne, dont le manque de régulation par l’État susciterait selon elle un chaos grandissant dans l'un des territoires les plus pauvres de France. Le 20 janvier dernier, lors de l'examen du projet de loi d'urgence pour Mayotte, la députée n'avait ainsi pas hésité à fustiger la "passivité" de l'Etat en matière de lutte contre l'habitat indigne et contre l'immigration clandestine à Mayotte, avant de qualifier la France de "grande puissance mondiale émasculée par les Comores".
"La violence a rendu notre île invivable", avait elle à nouveau martelé le 25 juin, à l'occasion de l'examen du projet de loi de "refondation" de Mayotte porté par le ministre des Outre-mer Manuel Valls. Décrivant des "hordes de gamins armés de machettes, qui se découpent en morceaux", elle avait alors défendu une mesure finalement adoptée par les députés, à savoir la possibilité de retirer un titre de séjour à des parents de mineurs étrangers quand ces derniers représentent une menace pour l'ordre public. Sachant se faire entendre, la députée n'en a pas fini de mener ce qu'elle qualifie de "combat républicain pour l'égalité réelle" à Mayotte.
En 2023, elle accusait publiquement le sénateur Joël Guerriau (Horizons) de l’avoir droguée à son insu lors d'une soirée privée à son domicile. Deux ans plus tard, le 12 mai dernier, Sandrine Josso (Les Démocrates) a remis au gouvernement un rapport, co-rédigé avec la sénatrice Véronique Guillotin (Rassemblement démocratique et social européen), le pressant d'agir au plus vite contre ce fléau, particulièrement mis en lumière au travers du procès des viols de Mazan.
Face à l'ampleur grandissante de ce mode opératoire visant très majoritairement les femmes pour commettre à leur encontre des agressions sexuelles, la députée a porté des recommandations allant de la prévention à l'accompagnement des victimes, en passant par le renforcement de la réponse judiciaire. Appelant à une prise de conscience sociétale et gouvernementale, celle qui est devenue l'un des visages des victimes de la soumission chimique semble avoir été entendue par l’exécutif. "Face à la soumission chimique, nous ne pouvons plus détourner le regard. Nous agirons", avait ainsi assuré sur X (ex-Twitter) la ministre chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, le 12 mai dernier.
Voir aussi - Sandrine Josso, une députée en mission contre la soumission chimique
Comme pour Sandrine Josso, l'expérience personnelle de Sandrine Rousseau (Écologiste et social) est au coeur de son combat politique. Celle qui espère "que l'on passe de dénonciations individuelles à la prise de conscience du sexisme systémique", avait été l'une des têtes de proue du mouvement Metoo dès 2016, dénonçant les violences sexistes et sexuelles s'exerçant dans la sphère politique dont elle avait elle-même été victime.
Députée depuis 2022, Sandrine Rousseau a présidé cette année la commission d’enquête "relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité". Aux côtés de son rapporteur Erwan Balanant (Les Démocrates), elle a notamment recueilli les témoignages saisissants des comédiennes Judith Godrèche et Sara Forestier. Des travaux qui avaient à plusieurs reprises suscité une vive émotion parmi les députés, et dont Sandrine Rousseau avait tiré la conclusion suivante : "Les violences morales, sexistes et sexuelles dans le monde de la culture sont systémiques, endémiques et persistantes".
Sandrine Rousseau a par ailleurs été très investie cette année sur la proposition de loi instaurant un droit à l'aide à mourir, votée le 27 mai dernier. "Ma maman s'est suicidée", avait-elle ainsi partagé le 23 mai dans l'hémicycle. "Elle s'est suicidée alors qu'elle était en fin de vie parce qu'il n'y avait pas l'aide à mourir. Elle s'est suicidée dans des conditions abjectes. Son agonie a été insupportable, épouvantable".
Un récit poignant, auquel son discours à la tribune le jour du vote avait fait écho, la députée visiblement émue, applaudie par ses collègues, formulant un grand "oui aux soins palliatifs et à l'aide à mourir", "pour nos amours, pour nos amis, pour celles et ceux qui nous sont chers, pour toutes celles et ceux qui n'ont pas eu accès à cette aide, toutes celles et ceux que l'on a accompagnés dans toutes les maisons de France".
Toujours en phase avec le principe selon lequel tout est politique, Sandrine Rousseau a bataillé ferme contre la loi dite "Duplomb" relative au métier d'agriculteur, et réintroduisant l'usage de l'acétamipride, pesticide particulièrement controversé en raison de sa toxicité. "Nos cancers sont politiques", avait-elle aussi argué lors de la séance de questions au gouvernement du 10 juin dernier, évoquant "une loi de trahison de l'intérêt commun". Ayant déclaré le 21 juillet dernier n'en avoir "rien à péter de la rentabilité" alors que la pétition contre la loi Duplomb venait de dépasser la barre des 1,2 million de signatures, elle a suscité la colère d'une partie des agriculteurs. Des "Rien à péter Sandrine" ont ainsi fait leur apparition sur des banderoles et des tags lors de manifestations fin juillet, tandis que des permanences de parlementaires ont été dégradées.
"Un dispositif de séparatisme territorial et social". C'est ainsi que Pierre Meurin (Rassemblement national) avait le 28 mai dernier qualifié les zones à faibles émissions (ZFE), lors de l'examen du projet de loi "de simplification économique". Se disant lui-même "ému" de défendre un combat qui l'animait "depuis 4 ans", le député du Gard avait alors appelé à ne "pas sauver le soldat ZFE".
"Tout mon combat converge vers cette soirée", avait aussi déclaré Pierre Meurin ce 28 mai dans l'hémicycle. Ayant fait de la réhabilitation de ceux qui "fument des clopes et roulent au diesel" un mantra politique, il tentait d'avoir la peau des ZFE depuis 2022. Ce fut quasiment chose fait avec l'adoption de son amendement en commission, le 26 mars, qui avait abouti à l'écriture d'un article additionnel au projet de loi de simplification économique en vue de son examen en séance. Un article qui abrogeait purement et simplement le dispositif visant à limiter les émissions de particules fines liées aux véhicules motorisés dans les grandes agglomérations.
Une fois l'article adopté dans l'hémicycle, le député mariniste n'avait pas hésité à célébrer sur X "la victoire du Rassemblement National contre l'écologie punitive". La Droite républicaine avait pourtant porté un amendement similaire en commission, et l'article avait été approuvé en séance par une addition des voix du RN et de son allié UDR, de la Droite républicaine et de La France insoumise.
Il a fait son retour sur les bancs de l'Assemblée à la faveur de la dissolution et des législatives de juillet 2024. Celui qui n'a jamais caché ses ambitions présidentielles a pris les rênes du groupe parlementaire Droite républicaine dans un contexte de rapprochement avec le camp présidentiel, plusieurs figures du parti Les Républicains ayant rejoint le banc des ministres dans l'équipe de Michel Barnier puis de François Bayrou.
Laurent Wauquiez est alors devenu le chef de file d'un groupe composant le "socle commun". Tout en faisant part de ses exigences, à savoir "pas de hausses d'impôts, plus de sécurité, moins d'immigration", il a adopté dès l'automne budgétaire une attitude de soutien tacite, tout en se consacrant à l'élection interne à la présidence de LR. Plusieurs déclarations de sa part ont alors pu être interprétées comme des excès de campagne, comme sa proposition "d'enfermer les étrangers dangereux sous OQTF" à Saint-Pierre-et-Miquelon. Après avoir échoué face à Bruno Retailleau en mai dernier, Laurent Wauquiez avait sollicité un vote de confiance de ses troupes, le reconduisant à l'unanimité dans ses fonctions.
Conforté en tant que président de groupe, il se concentre depuis à l'Assemblée sur les fondamentaux d'une "vraie politique de droite". La commission des lois a ainsi jugé recevable le 18 juin dernier sa proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur "les liens existants entre les représentants de mouvements politiques et des organisations et réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste". Le député de Haute-Loire avait dû s'y reprendre à deux reprises, une première mouture ayant été retoquée en raison notamment de ses références pour le moins explicites à La France insoumise. Ce n'est cependant pas la première fois, ni peut-être la dernière, que Laurent Wauquiez a montré qu'une défaite ne saurait le faire renoncer à la possibilité d'une victoire.
"Il est des jours dont on sait qu'on ne les oubliera jamais". C'est avec une émotion palpable qu'Olivier Falorni (Les Démocrates) avait salué le 27 mai dernier l'adoption des deux propositions de loi relatives à la fin de vie. Rapporteur général du texte visant à instaurer un "droit à l'aide à mourir", il avait alors eu une pensée pour "tous les malades, tous leurs proches, rencontrés depuis plus d'une décennie, [qui pour] beaucoup ne sont plus là".
Car pour Olivier Falorni, le combat pour ce qu'il qualifie de "droit à une mort digne" est une constante de son engagement parlementaire, ce depuis sa première élection en 2012. En 2021, il avait été confronté à un mur d'obstruction de la part d'une poignée de députés Les Républicains. Une stratégie qui avait alors empêché l'adoption de sa proposition de loi visant à créer une "assistance médicalisée active à mourir", pourtant déjà soutenue par de nombreux élus de tous bords. "Vous avez déjà perdu", avait-il alors déclaré à l'adresse des opposants à son texte, désignant alors ce 8 avril 2021 comme "une date majeure sur le chemin de la conquête de notre ultime liberté".
Il aura fallu encore quatre ans et plusieurs rebondissements avant d'aboutir au premier vote de l'Assemblée nationale en faveur de l'instauration d'un droit à l'aide à mourir. Face aux réticences exprimées par l'actuel Premier ministre François Bayrou et suite à l'interruption de l'examen du projet de loi en raison de la dissolution de juin 2024, Olivier Falorni, soutenu en cela par la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, avait exigé une remise à l'ordre du jour d'un texte dans les plus brefs délais.
Sa proposition de loi votée en première lecture le 27 mai, reprenait dès l'origine les dispositions du projet de loi déjà largement amendé en 2024. Instaurant une aide à mourir strictement encadrée, Olivier Falorni se félicite aujourd'hui de "l'équilibre" de cette "belle loi républicaine", dont il estime qu'elle a été l'occasion pour l'Assemblée de montrer "ce qu'elle peut faire de mieux".