François Bayrou a rejeté avec virulence, mercredi 14 mai, devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale les accusations de mensonge ou d'intervention auprès de la justice dans l'affaire des violences physiques et sexuelles au sein de l'établissement Notre-Dame de Bétharram. Le Premier ministre a reproché à La France insoumise d'utiliser cette affaire comme "arme politique", tandis que Paul Vannier (LFI) lui a reproché "d'éluder" ses responsabilités.
"Les victimes, personne ne s'en est occupé, sauf moi". Evoquant la découverte d'un "continent caché" au travers de l'affaire dite de Bétharram, François Bayrou n'a eu de cesse de déplorer, mercredi 14 mai, que son "instrumentalisation politique" ait selon lui invisibilisé les souffrances des victimes. Auditionné dans le cadre de la commission d'enquête sur "les modalités du contrôle par l’Etat et de la prévention des violences dans les établissements scolaires", le Premier ministre a affirmé avoir fait "s'effondrer" la stratégie de La France insoumise par les "preuves" qu'il estime avoir portées à la connaissance des députés.
Dès les premières minutes d'une audition qui a duré presque 5h30, les échanges ont été marqués par une tension palpable, le chef du gouvernement se montrant particulièrement offensif vis-à-vis de la commission et de sa présidente, Fatiha Keloua Hachi (Socialistes), à laquelle François Bayrou a reproché de vouloir l'empêcher de prononcer un propos liminaire, mais aussi et surtout vis-à-vis du co-rapporteur, Paul Vannier (La France insoumise), dont il a critiqué la "malhonnêteté".
Il s'agissait d'une chose, il s'agissait de me coincer pour m'obliger à démissionner. François Bayrou
Venu avec le livre-enquête des journalistes Olivier Pérou et Charlotte Belaïch, La Meute, le Premier ministre a dénoncé les "méthodes" de La France insoumise, théorisées par un certain Jean-Luc Mélenchon, et selon lui appliquées à son encontre dans l'affaire Bétharram en ayant été "sali tous les jours" depuis plusieurs mois. "Il s'agissait d'une chose, il s'agissait de me coincer pour m'obliger à démissionner", a-t-il déclaré, fustigeant la "perversité impuissante" de Paul Vannier, auquel il a reproché de l'avoir "diffamé" en l'accusant d'avoir "protégé des pédocriminels".
"Ce que vous dites, c'est n'importe quoi", a aussi répondu François Bayrou au député LFI qui est revenu sur son geste envers un enfant surpris en train de lui "faire les poches" lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 2002. "Je lui ai donné une tape, pas une claque. Ce n'était pas du tout une tape violente, c'était une tape de père de famille", s'est justifié le Premier ministre, évoquant une dimension "éducative" de son geste.
Le locataire de Matignon a, par ailleurs, vivement contesté la version de Françoise Gullung, l'enseignante "lanceuse d'alerte" qui avait été entendue par la même commission le 26 mars dernier, estimant qu'elle avait "affabulé", en particulier à l'évocation du père Carricart, ancien directeur de Notre-Dame de Bétharram, et dont François Bayrou a affirmé qu'il ne le connaissait pas "personnellement". Et d'affirmer que les propos de l’ancienne professeure de mathématiques, qui dit l’avoir informé en 1995 des violences à Betharram, n’ont pas été retranscrits fidèlement après son audition, et qu'elle aurait par ailleurs reconstitué "fallacieusement des événements".
Auditionné en tant qu'ancien ministre de l'Education nationale de 1993 à 1997, François Bayrou s'est défendu d'avoir eu connaissance des violences exercées à Bétharram autrement que par voie de presse. Et il a rappelé avoir diligenté dès 1996, "selon une procédure rapide, exceptionnelle", un rapport d'inspection académique qui a constitué selon lui "une vraie vérification". Alors que la co-rapporteure de la commission d'enquête, Violette Spillebout (Ensemble pour la République), a mis en cause la méthode "express" de l'inspection menée en trois jours seulement, par un "inspecteur dépêché la veille", le Premier ministre a fait valoir des conclusions "très favorables" à l'établissement, qui avaient justifié à l'époque de ne pas pousser plus loin les investigations.
La députée citant en retour des extraits du rapport faisant état de violences et décrivant notamment le "supplice du perron", le Premier ministre a admis s'être contenté d'une lecture partielle dudit rapport. "Est-ce que j'ai lu le rapport aussi attentivement qu'il aurait fallu ? Sûrement pas, je pense que je me suis contenté de la conclusion", a-t-il concédé.
Sur sa rencontre avec Christian Mirande, l’ancien juge d’instruction en charge du dossier visant le père Carricart, François Bayrou a reconnu cette rencontre, sans en avoir pour autant de réel souvenir, avec un homme qui n'était pas "un voisin anonyme", mais une bonne connaissance qu'il avait l'habitude de croiser dans son village de Bordères. Il a cependant nié que le secret de l'instruction ait été rompu à cette occasion : "Il n’a rien pu me dire qui n’était pas dans le journal de la veille, du 29 mai (...) Donc Mirande ne m’a informé de rien, le viol était dans le journal de l’avant-veille !".
"Je ne connais rien de pire, rien de plus abject que des adultes utilisant des enfants comme objets sexuels", a en outre déclaré François Bayrou au cours de son audition. "Pour moi, l'humanité ne peut pas tomber plus bas (...) C'est une immonde abomination". Des propos qu'il a prononcés "en tant qu'homme", avant de formuler une proposition en sa qualité de chef du gouvernement, se prononçant pour la création d’une "autorité indépendante" sur les violences faites aux enfants, qui comprendrait à la fois "un conseil scientifique" et un "conseil des victimes". Cette autorité concernerait "tous les établissements", ainsi que les associations sportives et culturelles, a expliqué François Bayrou, indiquant s’inspirer d’une instance mise en place en Allemagne.