Les députés ont rejeté en commission, ce mercredi 29 octobre, l'article du projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui prévoyait l'élargissement du périmètre des franchises médicales aux consultations chez le dentiste et aux dispositifs médicaux. Ils se sont aussi opposés au doublement des franchises déjà en vigueur, dont l'objectif est de faire des économies, mais en la matière le gouvernement peut agir par décret.
"Ce n'est pas aux patients de porter l'absence de réforme de structure que notre système devrait pousser, pour moi c'est une solution de facilité". Ce mercredi 29 octobre, le président de la commission des affaires sociales, Frédéric Valletoux (Horizons) n'a pas caché ses critiques à l'égard des projets du gouvernement en matière de franchises médicales et de participations forfaitaires.
Une position "personnelle" partagée par nombre de députés d'autres groupes qui, par le vote d'amendements de suppression transpartisans, sont parvenus à rayer l'article 18 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026.
Les franchises médicales et participations forfaitaires sont des sommes déduites directement par la Sécurité sociale lors des remboursements de consultations ou de médicaments prescrits. Celles-ci sont donc à la charge des patients. En sont cependant dispensés environ un tiers des assurés, dont les mineurs, les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire, ou encore les femmes enceintes à partir du premier jour du sixième mois de grossesse et jusqu’au douzième jour après l’accouchement.
Au coeur de l'article vilipendé ce mercredi, l'élargissement de l'application des franchises et participations forfaitaires aux consultations dentaires et aux dispositifs médicaux dont les lunettes, pansements et prothèses, soit des domaines qui en étaient jusqu'à présent exemptés. En outre, le PLFSS renvoie à un décret afin de permettre le doublement des plafonds annuels des franchises, de 50 à 100 euros.
Le gouvernement a également confirmé, par la voix de sa ministre de l’Action et des Comptes publics, Amélie de Montchalin, sa volonté de doubler non seulement les plafonds, mais aussi les montants de ces participations. Il s'agirait ainsi, là aussi par voie réglementaire, de porter à 4 euros la participation forfaitaire pour les actes médicaux de ville, les analyses de biologie médicale et les examens de radiologie. Les franchises passeraient, quant à elles, à 2 euros par boîte de médicaments et à 8 euros pour un transport sanitaire.
Dénonçant un "impôt injuste", Hadrien Clouet (La France insoumise) a appelé à "abroger" tout bonnement le dispositif des franchises médicales. "Le seul doublement des franchises par décret vaut censure", a pour sa part menacé Hendrik Davi (Ecologiste et social), quand Sandrine Runel (Socialistes) a qualifié le texte examiné de "musée des horreurs" et la mesure concernée comme allant "à l'encontre même de ce qu'est la Sécurité sociale". Et d'accuser le gouvernement de vouloir "faire les poches aux plus pauvres".
Un argument contre lequel Michel Lauzzana (Ensemble pour la République) s'est inscrit en faux. "Non, ce ne sont pas les plus fragiles qui vont payer, puisque 18 millions de personnes sont épargnées", a-t-il indiqué. "Dans l'hypothèse où l'on arriverait à se mettre d'accord sur des réformes structurelles, elles n'auraient pas d'effet avant des années, et on n'a pas le temps", a en outre fait valoir Anne Bergantz (Les Démocrates), estimant que "s'épargner de faire des efforts" reviendrait à méconnaître la situation préoccupante de nos comptes sociaux.
Ce n'est ni facile, ni populaire, mais responsable au regard de notre situation budgétaire. Anne Bergantz (Les Démocrates)
Du côté des députés Droite républicaine, Fabien Di Filippo a appelé à "ouvrir les yeux sur ce qu'est le déficit de l'Assurance maladie", affichant son soutien à l'article, tandis que sa collègue de groupe Josiane Corneloup a présenté l'un des amendements de suppression adoptés, aux côtés de ceux de la gauche, de LIOT et du Rassemblement national. "Alors que l'accès aux soins devient déjà difficile pour de nombreux Français, une telle disposition risquerait d'avoir un effet dissuasif sur la fréquentation des cabinets dentaires et sur l'achat de dispositifs médicaux pourtant essentiels à la santé quotidienne", a-t-elle estimé.
René Lioret (Rassemblement national) a également dénoncé une mesure "risquant d'accentuer le renoncement aux soins", avant de remarquer que "dans le même temps, les étrangers en situation irrégulière, euphémisme pour désigner les clandestins, bénéficient des soins 100% gratuits via l'AME".
En ce qui le concerne, le rapporteur général du budget de la Sécurité sociale, Thibault Bazin (Droite républicaine) s'en est remis à la "sagesse" de la commission, tout en faisant valoir que le doublement des montants des franchises médicales, bien que faisant partie "des sous-jacents" du PLFSS, ne figurait pas à proprement parler dans le texte, la mesure devant être appliquée par décret. En la matière, le gouvernement pourrait donc imposer sa décision afin de réaliser, selon ses estimations, une économie de 2,3 milliards d'euros.
Au terme de ces débats, l'article 18 a été largement rejeté, repoussant à ce stade l'élargissement du champ d'application des franchises aux consultations dentaires et dispositifs médicaux. La discussion aura à nouveau lieu lors de l'examen du budget de la Sécu dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Et c'est seulement la version finale du PLFSS qui permettra de savoir si la mesure sera appliquée ou abandonnée.