Laurent Wauquiez, en campagne pour la présidence du parti Les Républicains, propose "d'enfermer" à Saint-Pierre-et-Miquelon "les étrangers dangereux sous OQTF" (obligation de quitter le territoire). Fustigée par des élus de toutes tendances, cette proposition formulée par le président du groupe "Droite républicaine" de l'Assemblée nationale, mardi 8 avril, suscite des critiques jusque dans sa famille politique.
Au sein même de son groupe politique à l'Assemblée nationale, certains députés n'y ont pas cru en découvrant, mardi 8 avril au soir, leur président Laurent Wauquiez lancer cette idée en Une du JDNews : "Je propose que les étrangers dangereux sous OQTF [obligation de quitter le territoire français, ndlr] soient enfermés dans un centre de rétention à Saint-Pierre-et-Miquelon". "J'ai longtemps cru que c'était un fake !" a, par exemple, assuré un député Droite républicaine.
"Et pourquoi pas Fort Boyard ?!", s'est insurgé un autre. "Il pète un câble, il veut exister. Mais c'est l'histoire de Laurent Wauquiez de vouloir se démarquer, souvenez-vous de sa veste rouge…", a commenté un troisième, croisé salle des Quatre-Colonnes à l'Assemblée qui, comme beaucoup, y voyait aussi le résultat de la guerre interne avec Bruno Retailleau pour la présidence des Républicains : "Il court derrière, ça devient pathétique." Et le sénateur LR Roger Karoutchi, soutien du ministre de l'Intérieur, de qualifier la proposition de "surenchère". "Ni sérieux" et "pas faisable", a-t-il jugé.
Pour les soutiens de Laurent Wauquiez, en revanche, cette proposition "audacieuse" a le mérite d'exister et de "provoquer le débat", dixit l'un d'eux. "Je comprends que cela puisse surprendre. Mais on est sur un sujet tellement grave qu'il faut aussi sortir un peu des sentiers battus", a ainsi expliqué le député Jérôme Nury (Droite républicaine) au micro de LCP. Et l'élu de l'Orne de poursuivre : "Il met ça sur la table. Je trouve assez courageux d'avoir une approche un peu disruptive."
"Si quelqu'un a mieux, qu'il le dise et surtout qu'il le fasse !", a complété sur X Geoffroy Didier, secrétaire général délégué des Républicains, tandis que le député Jean-Didier Berger (DR) écrit : "A nous de choisir : l’efficacité de l’éloignement ou la facilité du laxisme."
Particulièrement concerné, le député de la 1ère circonscription de Saint-Pierre-et-Miquelon, Stéphane Lenormand (Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires), n'a pas manqué d'afficher sa désapprobation envers ce "mépris pour les Outre-mer". "Quelle hérésie ! (...) Décidément l’incompétence est universelle…", a-t-il notamment déploré. Sollicité par LCP, il appelle Laurent Wauquiez à "redescendre sur terre". "Ces délinquants ne vont pas avoir peur de 5 degrés, de pluie ou de neige !", raille-t-il, alors que dans son interview au JDNews, le chef de file du groupe "Droite républicaine" avançait la météo parmi ses arguments : "Il fait 5 degrés de moyenne pendant l'année, il y a 146 jours de pluie et de neige. Je pense qu'assez rapidement, ça va amener tout le monde à réfléchir."
Dans un communiqué publié dès mardi soir, le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a également critiqué la proposition, dénonçant "une méthode de colon, pas d'élu de la République". Et d'insister : "Le bagne de Cayenne, c'est loin et tant mieux", ajoutant qu'"aucun territoire français ne mérite d'être traité comme une zone de relégation".
De son côté, Laurent Wauquiez a "signé et persisté" ce mercredi, affirmant que "contrairement au monde politique qui passe son temps à se lamenter de sa propre impuissance devant les Français", il faisait "une proposition, dure, radicale (...), mais qui résout le problème de ces OQTF en les faisant de facto sortir de l'espace Schengen".
Dans les couloirs du Palais-Bourbon ce même jour, de nombreux députés de la coaliation présidentielle - qui font partie du "socle commun" du gouvernement avec Les Républicains - se sont offusqués des propos de Laurent Wauquiez. Parmi eux, un ancien ministre des Outre-mer en la personne de Philippe Vigier (Les Démocrates). "Je suis outré, scandalisé. Saint-Pierre-et-Miquelon, d'abord c'est la France", a-t-il martelé au micro de LCP, tout en s'interrogeant : "Il rêve encore du bagne de Cayenne ou je ne sais quoi ?!" Des critiques partagées par Guillaume Gouffier Valente (Ensemble pour la République), qui y voit "une rupture avec la République", de "la stupidité" et du "populisme" et dit "espérer que la droite fera le choix de la République" lors du vote pour la présidence de LR en mai.
"Lorsqu'on veut présider une famille politique, on ne doit pas dire ça", renchérit Philippe Vigier, pour qui cette proposition est "une attaque larvée contre Bruno Retailleau", l'actuel ministre de l'Intérieur. Selon lui, "en parlant des OQTF, on voit bien qui Wauquiez cible".
Le Rassemblement national a, lui aussi, dénoncé la proposition de Laurent Wauquiez. "La place des OQTF, c'est dans leur pays… Sûrement pas dans un territoire français. Les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon ne sont pas des sous-citoyens !", a réagi sur X Marine Le Pen. Et auprès de LCP, le député Thomas Ménagé (RN) a fustigé une "course à l'échalote derrière Monsieur Retailleau, cette volonté de toujours faire plus avec des propositions totalement ridicules".