Soumission chimique : "Il va falloir prendre collectivement ce sujet à bras le corps", déclarent Sandrine Josso et Véronique Guillotin

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par Anne-Charlotte Dusseaulx, le Mardi 13 mai 2025 à 00:40, mis à jour le Mardi 13 mai 2025 à 17:57

La députée Sandrine Josso (Les Démocrates) et la sénatrice Véronique Guillotin (Rassemblement démocratique et social européen) ont remis au gouvernement, lundi 12 mai, un rapport parlementaire dans lequel elles émettent 50 préconisations destinées à lutter contre le fléau de la soumission chimique en menant "une action protectrice et efficace auprès de l’ensemble de la population et des victimes". Elles ont présenté leur rapport, ce mardi, devant la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale.

Au terme de travaux sur le fléau de la soumission chimique entamés en avril 2024, à l'époque du gouvernement de Gabriel Attal, relancés sous le gouvernement de Michel Barnier et conclus sous le gouvernement de François Bayrou, la députée Sandrine Josso (Les Démocrates)  elle-même directement touchée par le sujet (voir encadré)  et la sénatrice Véronique Guillotin (Rassemblement démocratique et social européen) ont remis leur rapport à l'exécutif hier, lundi 12 mai, et l'ont présenté ce mardi à l'Assemblée nationale

Dans ce document de 230 pages, consulté par LCP, les deux parlementaires émettent 50 recommandations, "dont 15 sont à mettre en œuvre en priorité dès l'année 2025, dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2026 et le projet de loi de finances 2026". Des recommandations allant de la prévention pour endiguer la soumission chimique, à l'accompagnement des victimes, en passant par le traitement judiciaire, ou encore la recherche consacrée à ce phénomène.

Face à l'augmentation des violences, commises via ce mode opératoire, notamment "du fait de la multiplicité des drogues, de leur facilité d’approvisionnement à domicile", Sandrine Josso et Véronique Guillotin estiment, dans leur avant-propos, qu'il est "désormais nécessaire de porter un message national, unifié et continu afin de mener une action protectrice et efficace auprès de l’ensemble de la population et des victimes".

Voir aussi - Sandrine Josso, une députée en mission contre la soumission chimique

En 2023, "127 personnes ont été mises en cause au titre de la seule soumission chimique : parmi les 65 procédures poursuivables, 62 l'ont été effectivement, donnant lieu à des peines de réclusion ferme d'une durée moyenne de 8,9 années", selon le rapport, qui insiste sur le fait que ces chiffres ne représentent qu'une "estimation infinitésimale des situations".

Une campagne nationale de sensibilisation chaque année

Le binôme Josso-Guillotin, qui a été auditionné sur ses conclusions, ce mardi 13 mai après-midi, par la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, souhaite voir lancer rapidement une campagne nationale de sensibilisation "portant sur la soumission et la vulnérabilité chimiques", qui serait répétée chaque année. "Je suis prête à engager les moyens de mon ministère pour cette campagne. [...] Chacun a un rôle à jouer. Il faut une société plus vigilante et solidaire", a déclaré lundi la ministre chargée de l'Egalité femmes-hommes, Aurore Bergé, dans une interview à Libération

Parmi les autres mesures préconisées : "le renforcement de moyens au bénéfice d'enseignements portant sur l'éducation à la vie affective et relationnelle, et à la vie sexuelle (Evars) dans les établissements scolaires" ou encore "l'élaboration d'un référentiel" par la Haute autorité de santé "sur le dépistage, l’orientation et l’accompagnement des personnes victimes de soumission ou de vulnérabilité chimique", composé de "fiches réflexes".

Médecin généraliste de formation, et devant les "années d'errance" médicale auxquelles a été confrontée Gisèle Pélicot, droguée et livrée par son mari à des dizaines d'inconnus qui l'ont violée, la sénatrice Véronique Guillotin a expliqué, devant la délégation, s'être interrogée sur ce qui aurait été son action face à une victime de soumission chimique. "Il nous est rapidement apparu essentiel de créer un référentiel unique dans un format court et très lisible pour une détection immédiate" et "pour clarifier un parcours de prise en charge peu lisible, et même peu connu, des professionnels de santé".

"Cette introspection que je me suis faite, je pense que tout le monde doit se la faire sur cette invisibilité du phénomène qui a existé trop longtemps", a-t-elle ajouté, appelant chacun à "prendre collectivement ce sujet à bras le corps pour améliorer l'accueil et l'accompagnement des victimes".

La mission recommande, par ailleurs, la généralisation de l’expérimentation sur le remboursement des prélèvements biologiques sans dépôt de plainte, l'intégration au code pénal de la circonstance aggravante "pour la victime en cas d’état d'ivresse ou sous l'emprise de produits stupéfiants" pour les infractions de viols, d’agressions sexuelles et d’agressions sexuelles sur personnes particulièrement vulnérables, ou encore la création d'un appel à projets afin de développer la recherche clinique sur le psychotraumatisme lié aux violences sexuelles.

Parmi les 50 propositions, les deux rapporteures veulent aussi alerter "sur les dangers que représentent des outils de détection de substances chimiques, autonomes et en vente libre, dans la mesure où ils ne présentent aucune garantie pour leurs usagers". "Ces autotests ne sont pas sérieux. Il y a trop de substances pour que ces kits puissent toutes les identifier. Ils risquent de produire des faux négatifs, compromettant les preuves nécessaires devant un tribunal. Seuls des prélèvements réalisés en laboratoires spécialisés peuvent garantir de vrais résultats", expliquait lundi Sandrine Josso dans Libération.

La priorité des priorités , ce sont les prélèvements partout sur le territoire. Sandrine Josso (les Démocrates) face à la délégation aux droits des femmes

Pour cette dernière, ces prélèvements qui sont les seules "preuves irréfutables", sont "la priorité des priorités". "Chaque professionnel doit avoir les bons réflexes pour ne pas faire perdre de chances à la victime, même lorsque la soumission chimique a lieu dans les heures profondes ou le week-end dans un territoire éloigné d'un CHU", a développé la députée devant la délégation. 

"Nous agirons", assure la ministre Aurore Bergé

L'exécutif est donc appelé à passer à la vitesse supérieure dans la lutte contre la soumission chimique, en débloquant des moyens pour améliorer la prévention et l'accompagnement des victimes de ce fléau. "Ce procès Mazan et le courage de Gisèle Pélicot nous oblige à agir et à ne plus jamais laisse retomber cette grande cause et ce combat", a déclaré ce mercredi la sénatrice Véronique Guillotin.

"Face à la soumission chimique, nous ne pouvons plus détourner le regard. Nous agirons", a écrit sur X (ex-Twitter) la ministre Aurore Bergé après la remise du rapport. Loin d'être "un fait divers isolé", la soumission chimique est, selon elle, "une technique de prédation criminelle, froide, méthodique, utilisée pour annihiler la volonté d’autrui".

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Interpellée sur le sujet par Sandrine Josso ce mercredi lors des questions au gouvernement, Aurore Bergé a assuré la députée de son soutien. "Sachez que le gouvernement est et sera au rendez-vous. Nous n'avons pas le droit de vous décevoir", a-t-elle également répondu.  

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Ce rapport est "une avancée, les mesures vont dans le bon sens", a réagi auprès de l'AFP Caroline Darian, fille de Gisèle Pelicot et fondatrice de l'association M'endors pas. Avant d'ajouter : "La question maintenant, c'est quelle échéance, quelles ressources et quel budget va mettre à disposition le gouvernement. On ne peut pas se permettre d'attendre encore des mois."

Un procès requis contre le sénateur Joël Guerriau

Le parquet de Paris a requis, début avril, un procès contre le sénateur Joël Guerriau, soupçonné d'avoir drogué la députée Sandrine Josso, en novembre 2023, afin de commettre une agression sexuelle. A l'époque, cette dernière s'était rendue au domicile parisien de son "ami politique", comme elle l'a décrit au cours de l'enquête devant les magistrats, qui célébrait sa réélection. Seule invitée, elle en était ressortie avec 388 ng/ml d'ecstasy dans le sang, d'après les analyses toxicologiques dont l'AFP a eu connaissance. Soit une dose "approchant le double" de la quantité dite récréative, souligne le ministère public dans ses réquisitions, toujours selon l'AFP.

Joël Guerriau a constamment nié avoir agi volontairement, avançant notamment une "erreur de manipulation" des coupes de champagne. Le ministère public souligne les déclarations "évolutives" et "pas cohérentes" du sénateur, qui a "finalement expliqué s'être souvenu de la présence de la substance une fois celle-ci ingérée" par Sandrine Josso, sans toutefois alerter la députée. Cette dernière avait alors été prise de "sortes de décharges" dans le cœur et a déclaré avoir vu son hôte "debout dans la cuisine" avec "un sachet blanc dans la main". "Terrorisée", elle avait commandé un taxi, sans qu'il n'y ait eu de contact physique avec Joël Guerriau.

Depuis sa mise en examen, le sénateur, placé sous contrôle judiciaire, n'est plus apparu dans l'hémicycle du Palais du Luxembourg et a été suspendu du parti Horizons, ainsi que de son groupe parlementaire "Les Indépendants-République et Territoires". Il avait en revanche exclu de démissionner, estimant en septembre 2024 "totalement injuste" de quitter ses fonctions, alors que la justice n'a pas encore "tranché".