Le projet de loi d’orientation "pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture" est examiné cette semaine en commission à l'Assemblée nationale. Tout en saluant les "avancées" du texte, la FNSEA demande que celui-ci soit "étoffé", tandis que les oppositions critiquent - sans être sur la même ligne quant aux propositions qu'elles formulent - le projet de loi.
Annoncé, repoussé en raison de la crise agricole, puis complété et finalement présenté en Conseil des ministres le 3 avril, le projet de loi d’orientation "pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture" entame cette semaine son parcours législatif à l'Assemblée nationale. Critiqué par les groupes de gauche et par le Rassemblement national, jugé incomplet par Les Républicains, le texte sera examiné pour avis par les commissions du développement durable et des affaires culturelles puis, au fond, à partir de mardi 30 avril après-midi, par la commission des affaires économiques.
Un examen au Palais-Bourbon qui commence alors que le Premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé samedi 27 avril "quatorze nouveaux engagements visant à soutenir le secteur agricole et répondre aux nombreuses revendications exprimées partout en France depuis plusieurs mois".
Dans son article 1er, le projet de loi "fait de la souveraineté alimentaire un objectif structurant des politiques publiques". Concrètement, il qualifie l'agriculture, la pêche, ainsi que l'aquaculture "d'intérêt général majeur" car elles "garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux". Le but de la disposition est notamment de donner plus de poids aux projets agricoles lors de contentieux devant le juge administratif.
Le texte vise aussi à favoriser l'installation de nouveaux agriculteurs en créant le réseau "France services agriculture". Ce "guichet unique" aura pour mission d'accompagner les candidats à l'installation, mais aussi les agriculteurs souhaitant partir à la retraite. Un "diagnostic modulaire" sera progressivement mis en œuvre, permettant notamment de procéder à un audit de l'exploitation au moment de l'installation, afin de vérifier la "viabilité" du projet. Le texte, qui instaure un "Bachelor Agro" de niveau bac+3, rend en outre possible la création de "groupements fonciers agricoles d'investissement" qui pourront acheter des terres après avoir recueilli de l'argent auprès d'investisseurs dans le but de les louer à des agriculteurs.
Si le projet de loi est adopté en l'état, le gouvernement pourra modifier par ordonnance certaines sanctions pénales prévues dans le code de l'environnement, notamment en "adaptant l’échelle des peines et en réexaminant leur nécessité". Le texte gouvernemental vise également à "accélérer la prise de décision des juridictions en cas de contentieux contre des projets d’ouvrage hydraulique agricole et d’installations d’élevage". Le cadre juridique applicable aux haies est aussi simplifié.
"Ce texte, il va falloir le renforcer, le renforcer considérablement", a estimé Julien Dive (Les Républicains) le 10 avril dernier, lors d'un cycle d'auditions en commission. Le député a évoqué plusieurs "trous dans la raquette" : "La fiscalité, les phytosanitaires, la recherche et le développement, les écarts normatifs." "Moi je veux bien entendre que le gouvernement nous dit 'on ne peut pas tout mettre dans ce texte-là', mais qu'il nous donne les perspectives", a-t-il demandé.
Une position assez proche de celle du président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, dont l'organisation a salué les "avancées" du projet de loi, tout en déplorant un certain nombre de "manques". Lors de son audition par la commission des affaires économiques, le patron du premier syndicat agricole a demandé au gouvernement davantage de visibilité sur les prochains textes touchant le secteur agricole : "Il nous paraît important qu'on puisse discuter de la complétude des sujets et non pas les prendre silo par silo" a expliqué Arnaud Rousseau réclamant que le projet de loi soit "étoffé".
Ce qui est aujourd'hui sur la table ne nous paraît pas complet. Arnaud Rousseau (Président de la FNSEA)
Au-delà de ce projet de loi, le gouvernement envisage de faire à nouveau évoluer les dispositifs issus des États généraux de l'alimentation : un texte, issu des conclusions de la mission confiée aux députés Anne-Laure Babault (Démocrate) et Alexis Izard (Renaissance), devrait être présenté cet été. Celui-ci pourrait notamment contenir une "évolution du cadre législatif et réglementaire des lois EGalim et, plus globalement, des négociations commerciales", a récemment expliqué la ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Agnès Pannier-Runacher. D'autres mesures relatives à la fiscalité pourraient également être introduites lors de l'examen du projet de loi de finances 2025.
Cette multitude de réformes, contenue dans des textes très différents, est critiqué par Dominique Potier (Socialistes) qui s'est dit, lors de l'audition d'Arnaud Rousseau, "décontenancé par le caractère gribouille de la diversité des lois qui vont arriver dans une chronologie que nous ne connaissons pas".
L'élu socialiste a fait partie des députés qui ont voté, en première lecture et contre l'avis du gouvernement et de la majorité, la proposition de loi écologiste "visant à garantir un revenu digne aux agriculteurs et à accompagner la transition agricole". Adopté le 5 avril par les députés de gauche et les membres du groupe LIOT, le texte propose d'instaurer un mécanisme de "prix planchers" pour les productions agricoles. "Cette victoire pose l'intention de la majorité de l'Assemblée nationale avant la loi d'orientation agricole", a affirmé la rapporteure de la proposition Marie Pochon (Ecologiste) dans la perspective de l'examen du projet de loi.
"Le projet de loi [du gouvernement] ne répond à aucune des urgences pour notre agriculture, urgences exprimées ces dernières semaines" ont, de leur côté, écrit les députés de La France insoumise dans un communiqué de presse. Le groupe présidé par Mathilde Panot regrette notamment l'absence de "mesures ambitieuses" sur "l'accès au foncier". Autre source d'inquiétude : de possibles "régressions", notamment vis-à-vis du respect des "normes environnementales".
Le Rassemblement national critique, lui aussi, le projet de loi d’orientation "pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture" : "Des mesures courageuses impliqueraient une remise en question de certains tabous, à commencer par la multiplication des normes et la concurrence déloyale", a estimé Nicolas Meizonnet (RN), devant la commission des affaires économiques, le 10 avril dernier. Le député a également mis en cause les "normes délirantes imposées par Bruxelles", "l'idée d'une décroissance sur fond d'écologie punitive et de multiplication des normes" et "certains accords de libre-échange".
Le projet de loi sera examiné à partir de demain, mardi, et toute la semaine par la commission des affaires économiques, avant d'être débattu dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.