L'examen de la procédure de "l'aide à mourir" - de la demande du patient à sa mise en œuvre éventuelle - se poursuit dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Lors des discussions, ce vendredi 23 mai, les députés ont notamment amendé et adopté l'article 9, qui porte sur la procédure prévue le jour de la prise de la substance létale. Lors des débats un amendement supprimant une disposition du texte selon laquelle les patients qui auraient recours à "l'aide à mourir" seraient ensuite "réputés décédés de mort naturelle" a été voté.
Cela fera une semaine, ce vendredi soir, que l'examen de la proposition de loi visant à instaurer un "droit à l'aide à mourir" a commencé dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Hier, jeudi 22 mai, les députés ont adopté l'article 6, dans le cadre duquel ils ont décidé de renforcer la collégialité entre soignant dans l'examen de la demande d'aide à mourir hier soir, puis ils ont adopté l'article 7, approuvant notamment un amendement du gouvernement prévoyant une réévaluation par un médecin de la volonté du patient de recourir à "l'aide à mourir" en cas de délai supérieur à trois mois (contre un an précédemment) entre la décision de lui permettre d'y accéder et la date d'administration de la substance létale.
Depuis ce matin, vendredi 23 mai, les députés poursuivent l'examen de la procédure de "l'aide à mourir" - de la demande du patient à sa mise en œuvre éventuelle (articles 5 à 13). A la mi-journée, il restait 520 amendements à discuter (sur un peu plus de 2 600 au départ), ce qui laisse présager une fin d'examen du texte ce week-end pour un vote solennel, en première lecture, prévu mardi prochain, 27 mai, après les questions au gouvernement.
Au cours de l'examen de l'article 8 - qui a été adopté vendredi matin sans modification - concernant la préparation de la substance létale, les débats ont essentiellement porté sur la volonté de certains élus de voir inscrit dans le texte une clause de conscience pour les pharmaciens. Ou encore sur le nombre de pharmacies pouvant préparer le produit. "Il y a une contradiction entre le caractère universel des pharmacies qui pourront délivrer cette substance et les défenseurs [de la proposition de loi] qui ne cessent de répéter que cela concernerait un nombre limité" de malades, a ainsi déploré Charles Sitzenstuhl (Ensemble pour la République). "Chaque fois que nous essayons de poser des bornes raisonnables à ce texte, nous sommes confrontés à des impasses", a également réagi Dominique Potier (Socialistes).
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Mais c'est l'article 9, encadrant le déroulé de l'administration de la substance létale le jour J, qui a occupé une longue partie de la discussion de ce vendredi 23 mai. Et plusieurs amendements notables ont été adoptés. Ainsi, René Pilato (La France insoumise) a défendu l'ajout à l'alinéa 3 de la formulation suivante : "et veille à ce qu'elle ne subisse aucune pression de la part des personnes qui l’accompagnent pour procéder ou renoncer à l’administration", lorsque le patient "confirme" sa décision. Une manière, selon lui, de veiller "au respect de la volonté de la personne jusqu'au dernier moment".
"Je dois avouer que vous m'avez convaincu", a déclaré le rapporteur général Olivier Falorni (Les Démocrates), favorable à l'amendement, tout comme la ministre de la Santé, Catherine Vautrin.
"Cela vient atténuer la saillie mélenchonienne. (...) La République, c'est nous ! On va voter cet amendement. La grosse différence avec vous, c'est que nous, nous ne sommes pas sectaires", a lancé Hervé de Lépinau (Rassemblement national).
Autre amendement adopté, celui d'Annie Vidal (Ensemble pour la République) - 89 voix pour et 45 contre - qui a également reçu un double avis favorable du gouvernement et du rapporteur, venant ajouter à l'alinéa 6, que si le malade demande un report de l'administration de la substance légale, le médecin convient, "à la demande du patient", d'une nouvelle date. "Cela fait avancer dans un bon sens, mais ignore le cas où le patient arrête la procédure car il ne veut plus, car [l'amendement] persiste dans l'idée qu'il faut refixer une nouvelle date", a critiqué Philippe Juvin (Droite républicaine). Dénonçant un alinéa mal écrit, Charles Sitzenstuhl (EPR) a pour sa part estimé qu'il serait "sage que le gouvernement dépose un amendement de réécriture de cet alinéa".
Réponse de la ministre Catherine Vautrin : "Cette précision permet de montrer la nécessité qu'il y a d'être très vigilant à la volonté du patient." Tout en ajoutant que "pendant la navette" parlementaire, il y aurait "largement le temps de [le] réécrire si cela était nécessaire".
"Avec l'accord du patient" serait peut-être "la formule qui conviendrait le mieux", a fait valoir Agnès Firmin-Le Bodo (Horizons).
A l'alinéa 7, toujours de l'article 9, l'amendement d'Hadrien Clouet (La France insoumise) a été adopté (67 voix pour et 57 contre). Dans le texte issu de la commission des affaires sociales, il était écrit qu’"une fois la substance létale administrée, la présence du professionnel de santé aux côtés de la personne n'est pas obligatoire". Elle ne sera désormais "plus" obligatoire. Donnant un avis de sagesse, la ministre Catherine Vautrin a indiqué que cette modification "acte bien" que "le professionnel de santé reste à disposition", mais que sa présence n'est plus obligatoire, contrairement à ce qu'il en est au moment de l'administration du produit.
Dans la foulée, un autre amendement du rapporteur de cette partie du texte, Stéphane Delautrette (Socialistes) - lui aussi voté (122 voix pour et 1 contre) - est venu compléter ce même alinéa : le médecin doit être "suffisamment près et en vision directe" du malade.
De quoi susciter quelques interrogations. "On est en train de faire des choses un peu compliquées en voulant les améliorer", a mis en garde Agnès Firmin-Le Bodo (Horizons). La présence du médecin "n'est plus obligatoire", mais il est "en vision directe", "pardonnez-moi de souligner un vrai paradoxe entre les deux", a déclaré Christophe Bentz (Rassemblement national).
Si c'est une mort provoquée, ça n'est plus une mort naturelle. Patrick Hetzel, député Droite républicaine
Place ensuite à l'article 8, qui aborde la question du certificat de décès. "Est réputée décédée de mort naturelle la personne dont la mort résulte d’une aide à mourir", indiquait le texte issu de la commission. "Faire mourir n'a jamais été une mort naturelle", s'est insurgée Sandrine Dogor-Such (Rassemblement national). "On est en train de travestir la réalité. (...) Si c'est une mort provoquée, ça n'est plus une mort naturelle", a renchéri Patrick Hetzel (Droite républicaine). "Il n'y a rien de naturel à cela !", a également lancé son collègue Philippe Juvin (DR).
Finalement, à la différence du rapporteur qui a donné un avis défavorable, la ministre Catherine Vautrin a donné un avis de "sagesse", s'en remettant ainsi aux députés, au sujet de l'amendement de Josiane Corneloup (Droite républicaine), visant à supprimer la phrase relative à la mort naturelle dans l'alinéa 8 et à prévoir "la nécessité de modifier" le formulaire de certificat de décès pour y ajouter deux cases : l'une relative à la sédation profonde et continue, l'autre relative à "l'aide à mourir". Dans ce dernier cas, "le praticien mentionnera que la cause immédiate [du décès] est liée à l'administration de la substance létale". L'amendement a été adopté (67 pour, 58 contre).
Peu après 15 heures, les députés ont voté en faveur de l'article 9 de la proposition de loi sur le "droit à l'aide à mourir" (38 voix pour et 19 contre). L'examen du texte se poursuit.