Fin de vie : les députés renforcent la collégialité de la procédure permettant d'accéder à "l'aide à mourir"

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Laurent Panifous dans l'hémicycle, le 21 mai 2025
Laurent Panifous dans l'hémicycle, le 21 mai 2025 - LCP
par Anne-Charlotte DusseaulxSoizic BONVARLET, le Jeudi 22 mai 2025 à 19:25, mis à jour le Jeudi 22 mai 2025 à 19:43

Dans le cadre de la proposition de loi sur la fin de vie, les députés continuent d'examiner, ce jeudi 22 mai, la "procédure" de "l'aide à mourir" - de la demande du patient à sa mise en œuvre éventuelle. Plus précisément, ils étudient l'article 6 du texte, ayant trait à la collégialité destinée à encadrer la procédure d'évaluation d'une demande d'aide à mourir. Une collégialité de professionnels de santé que les députés ont décidé de renforcer. 

Les députés examinent, depuis mercredi 21 mai au soir, l'article 6 de la proposition de loi sur le "droit à l'aide à mourir", qui porte sur la collégialité qui encadre la procédure d'évaluation de la demande. Ce jeudi 22 mai, en première lecture dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, ils ont adopté un amendement du président de la commission des affaires sociales, Frédéric Valletoux (Horizons), visant à "améliorer la procédure collégiale à l'issue de laquelle le médecin prononce sa décision". 

Les conditions collégiales renforcées

Ainsi, la réunion du collège professionnel – "composé au minimum de deux médecins et d'un soignant" – se déroule "en la présence physique de tous les membres", précise le texte amendé. "En cas d’impossibilité, il peut être recouru à des moyens de visioconférence ou de télécommunication", est-il aussi précisé. "Nous vous proposons bien une procédure collégiale", a complété le rapporteur de cette partie de la proposition de loi, Laurent Panifous (LIOT), qui défendait un amendement identique. Le texte initial ne prévoyait la présence obligatoire que d'un seul médecin au lieu de deux, et ne posait pas de frein à ce que la concertation puisse intervenir "à distance", sans besoin de justifier d'une quelconque "impossibilité".

Ces deux amendements avaient reçu un double avis favorable du gouvernement, par la voix de la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, et du rapporteur général de la proposition de loi, Olivier Falorni (Les Démocrates). "Ils me semblent parfaitement correspondre à ce que nous souhaitons", a expliqué ce dernier. "Ils permettent d'écrire beaucoup plus précisément cette procédure",  a complété la ministre (voir vidéo en tête de l'article).

Un peu auparavant, avaient également été adoptés deux sous-amendements (ici et ) défendus par Thibault Bazin, Philippe Juvin, Patrick Hetzel et Justine Gruet, du groupe "Droite républicaine, concernant la personne de confiance. "Effectivement, il est nécessaire de rétablir l'avis de la personne de la confiance, en dehors de la procédure collégiale" et qu'elle "puisse être sollicitée", a considéré Olivier Falorni.

D'autres amendements, notamment ceux visant à "exclure la possibilité de recourir à la visioconférence", ont été rejetés, à quelques voix près. Au regret, entre autres, de Philippe Juvin, pour qui "il reste des lacunes" dans le texte.

Le recours à l'avis d'un psychiatre rejeté

Les échanges se sont ensuite concentrés sur l'introduction de l'avis d'un psychiatre dans la procédure collégiale, au travers d'un amendement du gouvernement. La ministre Catherine Vautrin a ainsi "proposé qu'on puisse demander l'avis d'un médecin psychiatre ou d'un neurologique, lorsqu'il y a un doute sérieux sur le discernement". Selon l'exposé des motifs de l'amendement, "la rédaction actuelle du texte permet déjà au médecin de recueillir l’avis d’un certain nombre de professionnels de la santé, dont les psychiatres ou les neurologues, mais sans les nommer explicitement". Il apparaît donc "nécessaire d’apporter des garanties supplémentaires au dispositif", peut-on également lire.

"C'est quoi un doute sérieux ? Soit il y a un doute, soit il n'y a pas de doute. (...) Ça veut dire quoi, en droit, un doute sérieux ?", a vivement réagi Charles Sitzenstuhl (Ensemble pour la République), opposé au texte sur l'aide à mourir qui transcende les clivages politiques habituels. Réplique de la ministre quelques minutes plus tard : "C'est une notion juridique connue et utilisée." "Il faut que le recours au psychiatre soit systématique" a insisté Philippe Juvin (DR).

Au terme de la discussion sur ce sujet, et malgré l'avis favorable du rapporteur, Olivier Falorni (Les Démocrates) à l'amendement du gouvernement, ce dernier n'a pas été adopté dans l'hémicycle, recueillant 34 voix pour et 71 contre.

Le rôle des aides-soignants et auxiliaires médicaux conforté

Des amendements finalement retirés par leurs auteurs, à savoir Anne-Laure Blin (Droite républicaine) et Alexandre Allegret-Pilot (Union des droites pour la République), ont été l'occasion de réaffirmer la légitimité des aides-soignants et auxiliaires médicaux dans le processus décisionnel relatif à une demande d'aide à mourir.

Pourquoi on tient absolument à ce que l'on puisse avoir un avis des auxiliaires médicaux ou des aides-soignants ? Parce que ce sont les personnes qui passent le plus de temps au quotidien avec celles et ceux qui vont, parfois, demander l'aide à mourir. Hadrien Clouet (La France insoumise)

Ces amendements visaient à exclure les "aides-soignants" et "autres auxiliaires médicaux" du collège médical, au motif que ces derniers n'auraient "pas reçu la formation médicale (...) pour évaluer si un patient remplit les critères requis pour l'aide à mourir".

"Cet ajout dans le texte, il n'est pas récent, il a eu lieu il y a un an, grâce à notre camarade Caroline Fiat, aide-soignante", a rappelé Hadrien Clouet (La France insoumise) en référence à son ancienne collègue de groupe qui avait obtenu l'intégration des ces personnels médicaux au sein du collège lors de l'examen du projet de loi dont l'examen avait été interrompu par la dissolution de l'Assemblée nationale.

"Pourquoi on tient absolument à ce que l'on puisse avoir un avis des auxiliaires médicaux ou des aides-soignants ? Parce que ce sont les personnes qui passent le plus de temps au quotidien avec celles et ceux qui vont, parfois, malheureusement, demander l'aide à mourir", a fait valoir Hadrien Clouet, avant d'évoquer un "préjugé de classe". Et de dénoncer l'idée selon laquelle "seuls les médecins qui ont fait de très longues études, auraient quelque chose à dire de la situation de celles et ceux qu'ils accompagnent. Ce n'est pas vrai. Et d'ailleurs les médecins eux-mêmes sont les premiers à demander de pouvoir consulter des paramédicaux ou aides soignants et auxiliaires médicaux".

Les débats sur l'article 6 se poursuivent, ce jeudi soir, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Après cet article, les députés étudieront la partie de la procédure de l'aide à mourir qui porte sur la préparation et l'administration de la substance létale.