Fin de vie : les députés votent un "droit à l'aide à mourir" et commencent à débattre des "conditions d'accès"

Actualité
par Anne-Charlotte Dusseaulx, le Dimanche 18 mai 2025 à 01:05, mis à jour le Dimanche 18 mai 2025 à 01:07

L'examen de la proposition de loi relative au "droit à l’aide à mourir" s'est poursuivi, ce samedi 17 mai, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Le députés ont notamment adopté l'article 2 - qui porte sur la définition de ce nouveau droit - et sont revenus à la version initiale du texte qui prévoyait l'auto-administration de la substance létale par le patient. Les débats sur l'article 4 - fixant les "conditions d'accès à l'aide à mourir" - ont commencé samedi soir. Ils reprendront lundi à 9 heures.

Les députés, qui avaient débuté la veille l'examen du texteont adopté samedi 17 mai, en première lecture, par 75 voix pour et 41 contre, l'article 2 de la proposition de loi relative au droit à l'aide à mourir. Cet article en donne la définition : "Le droit à l’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, dans les conditions et selon les modalités prévues". Et prévoit que : "Le droit à l’aide à mourir est un acte autorisé par la loi".

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L'expression "droit à", qui avait été ajoutée en commission des affaires sociales, a continué à faire débat dans l'hémicycle l'Assemblée nationale, mais a été maintenue.

En revanche, sur un autre point, les députés ont décidé de revenir sur la version adoptée en commission mi-avril, qui accordait au patient éligible au recours à "l’aide à mourir" la liberté de choisir entre auto-administration du produit létal et administration par un médecin ou un infirmier. Ce n'est désormais plus le cas : un amendement du gouvernement, visant à revenir à la version initiale, a été voté. Celui-ci précise que l'administration par un professionnel de santé ne sera possible que lorsque le patient "n'est pas en mesure physiquement d'y procéder". Ainsi, "la loi affirme que le dernier acte doit appartenir à l’individu", indiquait l'exposé de l'amendement.

Le principe, c'est l'auto-administration, l'exception c'est l'accompagnement. La ministre de la santé, Catherine Vautrin

"La position du gouvernement, c'est de dire [que] le principe, c'est l'auto-administration, l'exception c'est l'accompagnement", a justifié dans l'hémicycle la ministre la Santé, Catherine Vautrin. La modification opérée en commission avait été particulièrement critiquée par les opposants à la proposition de loi. Mais elle ne faisait pas l'unanimité, y compris parmi les partisans de "l'aide à mourir". Ainsi, Agnès Firmin Le Bodo (Horizons) a estimé qu'il s'agissait "d'un point de rupture de l'équilibre du texte" et plaidé la nécessité d'être "à l'écoute des soignants pour la construction de ce texte".

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A l'inverse, l’auteur et rapporteur général du texte Olivier Falorni (Les Démocrates) a exprimé son "désaccord" avec la remise en cause du "libre choix", rappelant que cette possibilité était un "des points cruciaux" pour la Convention citoyenne qui avait été mise en place par le président de la République pour réfléchir sur la fin de vie.

Lire aussi - "Aide à mourir" : dans l'hémicycle, les députés reviennent à la règle de l'auto-administration de la substance létale

Plusieurs critères d'accès cumulatifs

Par la suite, les nombreux amendements de suppression de l'article 3 – qui complète le code de la santé publique – ont été rejetés dans l'hémicycle. "Cet article 3 n'assimile pas l'aide à mourir à un soin, je le redis", a déclaré Olivier Falorni (Les Démocrates) pour justifier son avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements. 

Un amendement défendu par Océane Godard (Socialistes) visant "à reconnaître un droit à recevoir une information, compréhensible de tous, concernant l'aide à mourir" a été adopté. Dans la foulée, samedi soir, peu avant 22 heures, l'article 3 a été voté par 61 voix et 36 contre.

Les députés ont ensuite débuté l'examen de l'article 4 qui fixe les "conditions d'accès à l'aide à mourir". La proposition de loi soumise aux députés dans l'hémicycle prévoit cinq critères cumulatifs

  • être âgé d’au moins dix‑huit ans ;
  • être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France ;
  • être atteint d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale ;
  • présenter une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsque celle‑ci a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement ;
  • être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.

"Cruel manque de précision, assemblage de formules évasives et de notions subjectives", a fustigé Elisabeth de Maistre (Droite républicaine), tandis que son collègue Philippe Juvin (DR) a interpellé la ministre Catherine Vautrin sur le sort de personnes souffrant d'une insuffisance rénale chronique ou du VIH. La souffrance psychologique est "soumise à une très grande subjectivité, à des marges d'interprétation", a aussi critiqué Charles Sitzenstuhl (Ensemble pour la République). Avant d'ajouter : cet article 4 "montre ô combien cette loi est permissive, les critères souples conduiront bien sûr à des abus et des débordements".

"Parler de cadre permissif, c'est quand même particulièrement erroné à mon sens", a répliqué Olivier Falorni (Les Démocrates), appelant à voter ces critères afin d'avoir une "ossature solide qui prend en compte avant tout la qualité de vie du malade entré dans un processus totalement irréversible". Le rapporteur a aussi indiqué qu'il soutiendrait un amendement, à venir, du gouvernement sur cet article 4 (voir la vidéo en tête d'article).

Cet amendement vise à préciser la définition de la "phase avancée" en ajoutant celle de la Haute autorité de santé qui indique qu'elle est "caractérisée par l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie". "La HAS ajoute la notion d'irréversibilité qui me paraît extrêmement importante", a expliqué Catherine Vautrin. Un avis que ne partage pas Philippe Juvin (Droite républicaine) : "Irréversible et incurable, c'est pareil ! On se paie de mots." 

Samedi soir, juste avant l'interruption de séance, les députés ont débattu de trois amendements – qui n'ont pas été adoptés – visant à abaisser à 16 ans l'âge ouvrant le droit à l'aide à mourir. "J'y suis défavorable, car l'âge de 18 ans prévu par le texte est celui de la pleine capacité juridique", a réagi le rapporteur Olivier Falorni

Les discussions reprendront lundi 19 mai à 9 heures. Il reste plus de 1 770 amendements à examiner sur les quelque 2 600 qui avaient été déposés sur la proposition de loi. Le vote sur l'ensemble du texte est prévu le mardi 27 mai, le même jour que le vote prévu sur le texte portant sur les soins palliatifs.