La commission des affaires sociales a adopté, ce vendredi 2 mai, la proposition de loi relative à "la fin de vie". Le texte portant sur les soins palliatifs, déjà validé précédemment en commission, ainsi que celui visant à instaurer une "aide à mourir", seront débattus dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale à partir du 12 mai.
"Nous avons fait œuvre, tous collectivement, d'un beau travail de législateur", s'est réjoui Olivier Falorni (Les Démocrates), alors que la commission des affaires sociales venait de terminer l'examen de la proposition de loi instaurant une "aide à mourir", qu'il avait déposée en mars dernier sur le bureau de l'Assemblée nationale. Un combat que le député porte depuis plusieurs années, et auréolé, ce vendredi 2 mai, d'une première victoire dans le long parcours législatif qui l'attend encore.
Ce texte est l'une des deux propositions de loi issues du projet de loi relatif à "l'accompagnement des malades et de la fin de vie", dont l'examen au Palais-Bourbon avait été interrompu par la dissolution de la représentation nationale en juin dernier. Projet de loi que l'actuel Premier ministre, François Bayrou, a souhaité voir scindé en deux parties.
Si les votes sur les amendements présentés ont le plus souvent respecté les avis d'Olivier Falorni, rapporteur général du texte, et des différents rapporteurs thématiques, quelques modifications non négligeables ont été apportées à la proposition de loi initiale.
Parmi celles-ci figure, au sujet de la mise en œuvre de l'aide au mourir, la suppression de l'expression "lorsqu'elle n'est pas en mesure physiquement d'y procéder", portée par Elise Leboucher (La France insoumise), accordant à la personne la liberté de choisir entre auto-administration du produit létal et administration par un médecin ou un infirmier. Lors des débats, Olivier Falorni a donné un avis de sagesse, considérant que ce changement "ne bouleverserait pas l'équilibre du texte".
Un point sur lequel plusieurs députés ont tenu à exprimer leur profond désaccord. "Ce qui vient de sauter, c'est cette exception euthanasique. Ce n'est pas anodin", a estimé Patrick Hetzel (Droite républicaine). "Je trouve qu'on est en train de changer très tôt dans le texte son esprit, ça me gêne", a abondé Annie Vidal (Ensemble pour la République).
Avant les travaux en commission, la proposition de loi disposait, en outre, que "lorsqu’il n’administre pas la substance létale, la présence du professionnel de santé aux côtés de la personne n’est pas obligatoire". Le médecin ou l'infirmier aurait pu dans ces conditions délivrer la dose létale au patient ayant requis et obtenu l'accès à l'aide à mourir, avant de se retirer. Le texte initial précisait cependant que ce dernier "doit toutefois se trouver à une proximité suffisante pour pouvoir intervenir en cas de difficulté".
Mais là encore, une modification a été apportée. Un amendement de Stéphane Delautrette (Socialistes), rapporteur thématique sur cette partie, a été adopté afin de renforcer la présence du professionnel de santé aux côtés du patient. Cet amendement distingue aussi deux phases : celle de l'administration, durant laquelle la présence du professionnel de santé sera obligatoire dans tous les cas, et celle qui a lieu dans les minutes qui suivent la prise de la substance létale et précédant la mort, au cours de laquelle cette présence sera facultative, en fonction de la demande du patient. Une manière de ne pas contrevenir à l'intimité de la personne avec d'éventuels proches et si cette dernière en a manifesté le souhait. L'amendement, qui a été adopté, précise que le professionnel de santé devra se situer à une proximité suffisante pour être en capacité d'intervenir à tout moment en cas de besoin.
René Pilato (La France insoumise) a, par ailleurs, fait ajouter "quelle qu'en soit la cause" aux modalités du pronostic vital engagé, qui figure parmi les cinq critères d'éligibilité à l'aide à mourir, afin notamment de ne pas exclure du dispositif les victimes d'accidents graves.
Les députés ont en revanche rejeté des amendements de Danielle Simonnet (Ecologiste et social) qui auraient autorisé l'aide à mourir en se fondant sur les directives anticipées de patients qui ne seraient plus en mesure d'exprimer leur volonté. "En responsabilité, je considère que le texte est équilibré et qu'il n'est pas souhaitable d'introduire ces directives", a expliqué Olivier Falorni (Les Démocrates) qui a donné un avis défavorable à ces amendements. Le patient devra ainsi être en mesure de "manifester sa volonté de façon libre et éclairée", et ce jusqu'au jour même de la mise en œuvre de l'aide à mourir.
Les députés Droite républicaine Patrick Hetzel, Philippe Juvin et Thibault Bazin ont, quant à eux, souhaité instaurer une clause de conscience spécifique à l'acte relevant de l'aide à mourir pour les soignants, à l'image de celle, régulièrement contestée, qui existe pour l'instauration volontaire de grossesse (IVG). Leurs amendements ont été rejetés, une majorité de députés ayant jugé la mesure superfétatoire au regard de la clause de conscience générale inscrite à l’article 47 du code de déontologie médicale, qui donne à tout praticien le droit de refuser des actes "pour des raisons professionnelles ou personnelles", et qui s'appliquera a fortiori dans le cadre de l'aide à mourir. Le professionnel de santé qui n'accèdera pas à la demande d'un patient éligible à l'aide à mourir devra cependant "informer sans délai la personne de son refus et lui communiquer le nom de professionnels de santé disposés à participer à cette mise en œuvre".
Les mêmes députés du parti Les Républicains, opposés à la proposition de loi, ont souhaité créer une clause de conscience pour les pharmaciens, ces derniers étant chargés, selon le texte, de délivrer la préparation magistrale létale. "C'est un problème absolument majeur qui aura des conséquences abyssales", a jugé Philippe Juvin à la suite du rejet des amendements concernés.
Sur le modèle du droit à l'avortement, la proposition de loi instaure un délit d'entrave relatif à l'aide à mourir, disposant qu'"est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur l’aide à mourir par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d’allégations ou d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif". Les député hostiles au principe de l'aide à mourir ont tenté d'instaurer conjointement, sans succès, un délit d'incitation à l'aide à mourir.
Après une modification du titre par un amendement du rapporteur Olivier Falorni (Les Démocrates) - la proposition de loi ayant été renommée relative "au droit à l'aide à mourir", les députés ont adopté l'intégralité du texte par 28 voix contre 15. Le rapporteur général s'est félicité que les débats aient accouché d'"'une grande loi républicaine", avant de donner rendez-vous à ses collègues le 12 mai, pour le coup d'envoi de l'examen des textes portant sur les soins palliatifs et sur l'instauration d'une aide à mourir dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.