Les députés de la commission des affaires sociales reprennent, ce lundi 28 avril, l'examen de la proposition de loi visant à instaurer une aide à mourir. Avant la pause législative de ces deux dernières semaines, les débats s'étaient interrompus à l'article 4, qui concerne les critères d'accès à l'aide à mourir. Auparavant, vendredi 11 avril, les députés avaient voté à l'unanimité la proposition de loi sur les soins palliatifs.
Les débats reprennent cette semaine en commission des affaires sociales sur la proposition de loi visant à instaurer une aide à mourir ; l'un des deux textes relatifs à la fin de vie avec celui portant sur les soins palliatifs, voté le vendredi 11 avril. Avant la pause législative, les députés s'étaient arrêtés à l'article 4 (il y en a vingt), qui fixe les critères d'accessibilité à l'aide à mourir, et près de 850 amendements restaient encore à examiner.
Les discussions s'étaient notamment concentrées sur l'article 2 qui établit la définition de l'aide à mourir. Elle "consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 1111‑12‑2 à L. 1111‑12‑7, afin qu'elle se l'administre ou, lorsqu'elle n'est pas en mesure physiquement d'y procéder, se la fasse administrer par un médecin ou par un infirmier", pouvait-on lire dans le texte initial.
Comme l'année dernière, lors de l'examen du projet de loi dont l'examen avait été stoppé par la dissolution de l'Assemblée nationale, plusieurs amendements – ils ont été rejetés – avaient pour objectif de remplacer "aide à mourir" par les termes "euthanasie" ou "suicide assisté". "En quoi l'administration d'une substance létale à un corps vivant qui deviendra mort, en quoi n'est ce pas une euthanasie et s'il y a administration, en quoi n'est-ce pas un suicide assisté ?", avait interrogé Christophe Bentz (Rassemblement national). "Il faut utiliser un autre terme", avait également plaidé Philippe Juvin (Droite républicaine), car "l'aide à mourir correspond déjà à une pratique professionnelle" et "[il ne faut pas] créer de troubles chez les soignants".
Plusieurs modifications venues de la gauche avaient, quant à elles, été adoptées. C'est le cas d'un amendement de Yannick Monnet (Gauche démocrate et républicaine) ajoutant "le droit à" au début de la définition de l'aide à mourir.
Votée également : la suppression du terme "lorsqu'elle n'est pas en mesure physiquement d'y procéder", portée par Elise Leboucher (La France insoumise), accordant à la personne qui souhaite recourir à l'aide à mourir la liberté de choisir entre auto-administration du produit létal et administration par un médecin ou un infirmier. Le rapporteur général, Olivier Falorni (Les Démocrates), avait donné un avis de sagesse, estimant que ce changement "ne bouleverserait pas l'équilibre du texte".
Je trouve qu'on est en train de changer très tôt dans le texte son esprit, ça me gêne. Annie vidal (Ensemble pour la République)
Un point sur lequel plusieurs députés avaient tenu à exprimer leur désaccord. "Ce qui vient de sauter, c'est cette exception euthanasique. Ce n'est pas anodin", avait fait valoir Patrick Hetzel (Droite républicaine), pointant "un équilibre [du texte] qui est déjà progressivement en train de tomber". "Je trouve qu'on est en train de changer très tôt dans le texte son esprit, ça me gêne", avait abondé Annie Vidal (Ensemble pour la République). "Vous êtes en train de radicaliser le texte", avait renchéri Christophe Bentz (Rassemblement national).
Ils ont été rejoints par Bruno Retailleau. "Le texte que j'ai découvert m'a stupéfié", a déclaré le ministre de l'Intérieur, dimanche 13 avril sur LCI. "Ce n'est pas un texte de fraternité, c'est un texte d'abandon" qui va "dans le très mauvais sens", a-t-il jugé, ajoutant craindre que "demain, il soit beaucoup plus facile de demander la mort que d'avoir des soins". De quoi faire réagir Olivier Falorni (Les Démocrates), qui avait déploré la "violence" des termes employés par le ministre et candidat à la présidence des Républicains.
Les députés avaient en revanche rejeté, comme les y invitait le rapporteur général, des amendements de Danielle Simonnet (Ecologiste et social) qui auraient autorisé l'aide à mourir en se fondant sur les directives anticipées de patients qui ne seraient plus en mesure d'exprimer leur volonté. "En responsabilité, je considère que le texte est équilibré et qu'il n'est pas souhaitable d'introduire ces directives", avait expliqué Olivier Falorni, affirmant chercher ainsi une majorité en séance. Car avait-il affirmé : "Je ne suis pas dupe, je sais bien que la séparation de ces deux textes, pour employer un euphémisme, a plutôt pour vocation de compliquer l'adoption du deuxième." Pour mémoire, comme l'a souhaité le Premier ministre, François Bayrou, le projet de loi initial, présenté lors de la précédente législature, a été scindé en deux propositions de loi.
Le vendredi 11 avril, dans la soirée, les députés avaient commencé à examiner l'article 4, un passage clé de la proposition de loi puisqu'il définit les critères ouvrant le droit à l'aide à mourir, mais s'étaient séparés à minuit sans avoir tranché ce point crucial.
Il y a cinq critères d'accessibilité :
Avec une différence par rapport à ce que prévoyait le projet de loi, dont est issue la proposition de loi porté par Olivier Falorni. Défendu au printemps dernier par la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, il indiquait que le pronostic vital devait être engagé "à court ou moyen terme" ; la difficulté étant de savoir ce que recouvre cette notion de "moyen terme". Un avis de la Haute Autorité de Santé sur le sujet est attendu "dans quelques jours", soit avant l'examen en séance qui doit débuter la semaine du 12 mai, avait annoncé Catherine Vautrin, début avril, lors de son audition sur les propositions de loi qui ont remplacé le projet de loi initial. Ce lundi, la discussion va donc reprendre sur l'article 4 du texte sur l'aide à mourir.
Plus tôt dans la journée du 11 avril, les députés de la commission des affaires sociales avaient adopté, à l'unanimité, la proposition de loi sur les soins palliatifs. Particulièrement satisfaite de la teneur des échanges, jugés respectueux par l'ensemble des groupes parlementaires de l'Assemblée, la co-rapporteure du texte, Annie Vidal (Ensemble pour la République), tout comme le président de la commission Frédéric Valletoux (Horizons), s'était réjouie que "ce genre de débats redonne quelques lettres de noblesse à la politique qui les perd parfois".
Lors des débats, les députés s'étaient attardés sur la question des directives anticipées, figurant à l'article 15 de la proposition de loi. Au regard de qui pourrait y accéder – la "personne de confiance" choisie par le patient – et pour quels motifs (les consulter ou les modifier). Trois amendements avaient été adoptés : l'un porté par Paul-André Colombani (LIOT) prévoit qu'en cas d'absence de personne de confiance, un parent ou un proche puisse être désigné. Il est complété par un autre d'Hadrien Clouet (La France insoumise) qui hiérarchise "les personnes que le médecin est amené à consulter".
Un troisième amendement, voté lui aussi, de Fanny Dombre-Coste (Socialistes) stipule que cette personne de confiance, ou ce proche, ne peut pas "créer, modifier ou supprimer tout document sur l'espace numérique de santé" du patient, mais uniquement le consulter.
Pour finir, les députés avaient modifié, à la marge, le titre de la proposition de loi, qui devient "relative à l'accompagnement et aux soins palliatifs", au lieu de la formulation initiale qui était "relative aux soins palliatifs et d'accompagnement". D'autres propositions avaient été formulées (ici, là, ou encore là), sans succès.
Cette proposition de loi crée un "droit opposable" à bénéficier des soins palliatifs, alors que, selon un rapport de la Cour des comptes datant de juillet 2023, seulement la moitié des besoins en la matière étaient effectivement pourvus. Cette notion de droit opposable avait été introduite par les députés en commission au printemps 2024, contre l'avis du gouvernement de l'époque. Le texte prévoit aussi la mise en place de "maisons d’accompagnement et de soins palliatifs" et propose d'instaurer une procédure de médiation, pour les proches d'un patient qui désapprouveraient la décision du corps médical de limiter ou d'arrêter les soins.