Au terme du délai constitutionnel dont dispose l'Assemblée nationale pour l'examen en première lecture du projet de budget de la Sécurité sociale pour 2026, le texte va être transmis au Sénat sans avoir été entièrement examiné et avoir fait l'objet d'un vote par les députés. Le gouvernement a cependant indiqué que les amendements adoptés au cours des débats seront intégrés à la copie envoyée aux sénateurs.
Tout juste après minuit, dans la nuit de mercredi 12 à jeudi 13 novembre, le ministre des Relations avec le Parlement, Laurent Panifous, s'est approché du micro placé près du banc gouvernemental, pour mettre fin à l'examen en première lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026 à l'Assemblée nationale. "Prolonger nos débats sur le PLFSS ne pourrait se faire qu'au détriment de la navette parlementaire et des conditions d'examen par le Sénat", a-t-il déclaré, alors qu'environ 200 amendements restaient encore à discuter.
Et d'annoncer que conformément l'article 47-1 de la Constitution, le gouvernement allait transmettre le texte au Sénat. Cet article prévoyant que : "Si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d'un projet, le Gouvernement saisit le Sénat". En l'absence de vote, Laurent Panifous a confirmé que c'est une copie modifiée par rapport au projet initialement présenté par le gouvernement qui sera transmise au Palais du Luxembourg, puisque "tous les amendements" adoptés au Palais-Bourbon y seront intégrés. Ce qui devrait, selon le rapporteur général du budget de la Sécu, Thibault Bazin (Droite républicaine), alourdir le déficit prévisionnel de plusieurs milliards d'euros à ce stade de la navette entre les deux Chambres.
Cet engagement n'a pas suffi à calmer les protestations provenant notamment des bancs les plus à gauche de l'hémicycle. Durant la soirée, plusieurs députés, dont les présidentes de groupe Mathilde Panot (La France insoumise) et Cyrielle Chatelain (Ecologiste et social) ont martelé leur volonté d'obtenir une séance prolongée, afin que les députés puissent se prononcer sur l'ensemble du texte. "Le 47-1 [de la Constitution] est un 49.3 déguisé", a notamment affirmé Mathilde Panot.
Cette dernière journée de débats de première lecture à l'Assemblée nationale a été marquée par l'examen de plusieurs articles clés, appelés en priorité par le gouvernement. Les députés ont ainsi approuvé la suspension de la réforme des retraites, promise au Parti socialiste par le Premier ministre, Sébastien Lecornu, pour éviter la censure. Cette "suspension" jusqu'en janvier 2028, décrite comme un simple "décalage" par les élus LFI qui se sont opposés à la mesure, a notamment été élargie aux carrières longues.
En fin d'après-midi, les députés sont, en outre, revenus sur le gel des pensions de retraite et des minima sociaux (allocations familiales, RSA, etc.), habituellement plus ou moins indexés sur l'inflation. Le projet "d'année blanche", prévu par le gouvernement pour faire des économies, avait soulevé d'importantes réserves, sur les bancs de la gauche, des Républicains et du Rassemblement national. Opposés à un dégel général, plusieurs élus de l'ex-majorité présidentielle ont chiffré le coût de cette mesure à 3,6 milliards d'euros.
De manière plus consensuelle, les députés ont approuvé l'instauration d'un congé supplémentaire de naissance et avancé son entrée en vigueur à début 2026. Le gouvernement a sonné la fin des débats alors que l'examen de l'article consacré à l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) était sur le point de s'achever. Auparavant, les députés ont eu le temps d'approuver l'engagement du gouvernement de rehausser d'un milliard d'euros cet objectif, en fléchant 850 millions d'euros vers les hôpitaux et 150 millions vers les maisons France santé.
Les députés n'ont pour autant pas dit adieu aux débats budgétaires : ils reprendront dès ce jeudi matin l'examen de la partie "recettes" du budget de l'Etat, après l'avoir mis en pause pour pouvoir débattre de celui du budget de la Sécurité sociale. Là encore, le calendrier sera contraint en raison des délais prévus par la Constitution et du retard pris en début de procédure lors du changement de gouvernement. Puis le PLFSS reviendra à l'Assemblée nationale, soit sous la forme d'un accord qui aurait été conclu entre les deux Chambres du Parlement en commission mixte paritaire (CMP), soit en nouvelle lecture.