L'examen de la proposition de loi relative "au droit à l'aide à mourir" continue à l'Assemblée nationale. Ce lundi 19 mai, toute la journée, les députés ont étudié l'article 4 du texte, qui fixe les "conditions d'accès à l'aide à mourir". Lors de la discussion de cet article, toujours en cours ce lundi soir, ils ont notamment précisé l'alinéa portant sur l'"affection grave et incurable", le "pronostic vital" et la "phase avancée ou terminale".
"Affection grave et incurable", "en phase avancée ou terminale", "qui engage le pronostic vital"... Autant de critères contenus dans un seul alinéa du texte visant à légaliser l'aide à mourir, et qui ont fait l'objet de plusieurs heures de débat, de lundi 19 mai, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Après avoir approuvé, samedi, l'instauration d'un "droit à l'aide à mourir", les députés se sont penchés sur les "conditions d'accès" à ce droit. fixées par l'article 4.
La proposition de loi prévoit cinq conditions cumulatives, qui devront donc toutes être remplies, pour qu'un malade puisse accéder à "l'aide à mourir". Voici ces conditions, telles qu'elles figuraient dans le texte issu du travail en commission, dont les députés débattent depuis samedi soir :
Ce sont les critères caractérisant "affection grave et incurable", qui ont engendré le plus de débats, à commencer par la notion de "phase avancée ou terminale".
Si dans le projet de loi initial soumis l'an dernier aux députés, et dont l'examen n'avait pas pu aller à son terme en raison de la dissolution de l'Assemblée, le pronostic vital du patient devait être engagé "à court ou moyen terme", cette notion avait disparu du texte en cours d'examen, en raison de l'impossibilité de définir le "moyen terme". La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, a par ailleurs souligné qu'"aucun critère temporel" n'avait été retenu ailleurs en Europe, dans le cadre des législations qui ont autorisé l'aide à mourir.
Ayant saisi la Haute autorité de santé (HAS) sur la définition de la "phase avancée ou terminale", la ministre s'est aussi appuyée sur son avis rendu le 30 avril, selon lequel "la phase avancée peut être définie comme l’entrée dans un processus irréversible, marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade, qui affecte sa qualité de vie".
Des termes que le gouvernement a souhaité ajouter dans le texte par un amendement, précisant donc ce que recouvre la "phase avancée" d'une maladie "grave et incurable". Initiative soutenue par le rapporteur général du texte, Olivier Falorni (Les Démocrates), qui a jugé qu'un critère temporel serait "inopérant", au motif que les médecins n'étant pas de "devins", ils se trouveraient dans l'impossibilité de se prononcer sur le temps qu'il reste à vivre à un patient.
Plusieurs députés, expliquant vouloir se prémunir de la situation dans laquelle certains patients pourraient être éligibles à l'aide à mourir en ayant potentiellement plusieurs années à vivre, ont voulu réintroduire le critère temporel. Stéphane Peu (Gauche démocrate et républicaine), a ainsi tenté d'ajouter à l'alinéa l'expression "dans un futur prévisible", quand Patrick Hetzel (Droite républicaine), Gérault Verny (Union des droites pour la République) ou encore Christophe Bentz (Rassemblement national) ont tenté de réintroduire la notion de "court terme" pour qualifier l'engagement du pronostic vital.
Philippe Juvin (Droite républicaine) a pour sa part jugé l'amendement gouvernemental superfétatoire, estimant qu'"irréversible" était synonyme d'"incurable", tout en faisant valoir qu'"il y a des maladies en phase terminale qui durent des années". Citant pour exemple "l'insuffisance rénale dialysée", le député a également souscrit à la réintroduction du "court terme", avant de proposer un amendement de repli pour supprimer la notion de "phase avancée" au profit de la seule et unique "phase terminale". Tous ces amendements ont été rejetés, au contraire de celui du gouvernement, adopté par 144 votes "pour", 25 "contre".
Dans la foulée, les discussions se sont concentrées sur l'alinéa 8 de l'article 4 et plus particulièrement sur la "souffrance physique ou psychologique". "C'est ici que se joue une ligne rouge capitale, nous ouvrons la porte à une subjectivité dangereuse, des situations difficilement évaluables", a notamment mis en garde le député Gérault Verny (UDR). "Nous craignons qu'en incluant les souffrances psychologiques, avec tout le caractère très subjectif de cette chose, nous ouvrions la porte à des pathologies, qui sont ouvertes aux traitements", a également estimé Philippe Juvin (DR). Sans succès : les amendements visant à supprimer le terme "psychologique" ont tous été rejetés.
"Je ne veux pas faire de hiérarchie entre souffrance physique et psychologique", a déclaré le rapporteur Olivier Falorni (Les Démocrates), rappelant une nouvelle fois que les critères étaient cumulatifs et qu'une "souffrance psychologique en soi n'ouvre en aucun cas un droit à mourir". "Je ne voudrais surtout pas qu'on puisse laisser penser (...) qu'on ne regarderait qu'une douleur psychologique. On regarde un ensemble et une situation globale du patient", a renchéri la ministre Catherine Vautrin.
Mais durant ces longs échanges, plusieurs modifications de la version issue de la commission ont tout de même été votées, à chaque fois avec un double avis défavorable du gouvernement et du rapporteur. Les deux amendements en question avait été déposés par Nathalie Colin-Oesterlé (Horizons). Le premier vient ajouter le mot "constante" après le terme "psychologique". Cela permet de "bien vérifier que cette douleur persiste dans la demande du patient", avait expliqué Agnès Firmin-Le Bodo (Horizons) dans sa défense de l'amendement. Ce dernier a été adopté par 81 voix contre 79.
Le second vient, pour sa part, compléter l'alinéa 8, en ajoutant la phrase suivante : "Une souffrance psychologique seule ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir." Il a été adopté par 90 voix contre 86.
A ce stade des débats, et alors que l'examen des amendements n'est pas encore terminé, l'article 4 se présente ainsi (les modifications apportées figurant en caractères gras) :