Budget de la Sécu 2022 : Coup d'envoi des débats dans l'Hémicycle de l'Assemblée

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par Ariel Guez, le Jeudi 21 octobre 2021 à 10:41, mis à jour le Jeudi 21 octobre 2021 à 16:57

Les députés ont commencé ce jeudi 21 octobre l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2022, le dernier du quinquennat d'Emmanuel Macron. Sans surprise, la motion de rejet présentée par le groupe de La France insoumise n'a pas été adoptée. 

C'est le dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) du quinquennat d'Emmanuel Macron. "Et pas des moindres", a lancé dans l'Hémicycle de l'Assemblée nationale le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, au début de l'examen du texte en séance publique. Les députés, qui ont adopté le PLFSS 2022 en commission des affaires sociales, la semaine dernière, ont entamé jeudi 21 octobre les débats dans l'Hémicycle du Palais Bourbon. Comme LCP l'expliquait à l'issue des travaux en commission, le Budget de la Sécu pour l'année prochaine finance de nouvelles mesures, comme la prise en charge intégrale par l'Assurance-maladie des frais liés à la contraception pour les femmes jusqu'à 25 ans, ainsi que la facilitation de l'accès à la complémentaire santé solidaire pour les bénéficiaires du RSA. 

"Les discussions que nous aurons nous permettront de discuter de sujets concrets et transformants. (...) Nous aurons ces débats. Et dans un pays qui parfois doute de ses forces, qui parfois se dénigre, nous rappellerons qu'avoir une certaine idée de la France, c'est avoir une certaine idée de la protection sociale. Hier, aujourd'hui et demain", a assuré Olivier Véran.

Des mesures pour l'autonomie et le grand âge

La ministre déléguée chargée de l'Autonomie, Brigitte Bourguignon, a rappelé dans l'Hémicycle la volonté du gouvernement de favoriser le maintien à domicile des personnes âgées en perte d'autonomie, soulignant que le PLFSS comportait notamment la revalorisation des salaires des employés des services d'accompagnement à domicile, avec la mise en place d'un tarif plancher de 22 € pour les services de soins infirmiers à domicile. Le tarif plancher a été salué par de nombreux députés, dont Philippe Vigier (MoDem), qui prévient toutefois : "Il faudra faire attention à ce que les 22 euros n'aillent pas seulement aux associations mandataires, mais aux salariées sur leurs feuilles de paye."

Par ailleurs, les effectifs soignants seront renforcés, de manière à "atteindre un total de 10.000 ETP supplémentaires au cours des cinq prochaines années", soit 2.000 par an. Un objectif insuffisant pour les députés de gauche.

La motion de rejet du groupe LFI largement rejetée

Car le PLFSS ne convainc pas l'ensemble des députés. Pendant 15 minutes, la députée insoumise, Caroline Fiat, aide-soignante de profession, a défendu une motion de rejet préalable, tirant le bilan du quinquennat d'Emmanuel Macron et attribuant 14 "zéros pointés" au gouvernement. La députée a notamment dénoncé la philosophie du "tout-domicile", estimant que l'investissement dans les Ehpad était loin d'être suffisant. Elle a rappelé les difficiles conditions de travail des aides-soignants, qui n'ont parfois que six minutes pour s'occuper de la toilette des résidents. "Avec vous, toutes les spécialités sont devenues parents pauvres", a par ailleurs lancé Caroline Fiat, avant de conclure : "Si vous êtes honnêtes, vu le résultat de votre bilan, vous ne pouvez que voter cette motion de rejet."

En réponse, Olivier Véran a largement défendu le bilan du gouvernement, ironisant sur l'intervention "d'une très grande modestie" de Caroline Fiat, la renvoyant à certains de ses votes tout au long du quinquennat. "Lorsque nous avons décidé le plus grand de revalorisation des salaires dans l'hôpital et le médico-social, on aurait pu imaginer que vous voteriez pour, histoire de rester crédible dans vos engagements. Et bien non, vous avez voté contre ! (...) C'est pavlovien chez vous ! (...) Je ne suis même pas sûr, que [par manque d'attention] vous puissiez voter, par réflexe, contre la gratuité de la contraception pour les jeunes femmes", a déclaré le ministre.

Compte tenu de la représentation politique des différents groupes à l'Assemblée, la motion, qui a reçu le soutien des communistes et des socialistes, a logiquement été rejetée par les députés.

Dette : "C'est une bombe à retardement pour les générations futures"

Le ralentissement de l'épidémie de Covid-19 va permettre de redresser sensiblement les comptes de la Sécu, ont annoncé les ministres dans l'Hémicycle. Tout en restant loin de l'équilibre. Le déficit est attendu à 21,6 milliards d'euros en 2022, en amélioration après les records de 2021 (- 34,6 milliards) et 2020 (-38,7 milliards). "Il faut noter que ce déficit pour 2021 est inférieur à 2020 et à celui que nous avions envisagé lors de différents débats budgétaires", a souligné Olivier Dussopt.

En 2025, le déficit "dépassera encore 13 milliards d'euros", a cependant indiqué le ministre des Comptes publics. Initialement prévu en 2024, le retour à l'équilibre du budget de la Sécurité sociale ne sera donc pas pour tout de suite. De quoi provoquer les critiques du Républicain Jean-Pierre Door, qui en est à son vingtième - et dernier - PLFSS. "Le redressement des comptes n'est pas pour demain. Combien d'exercices faudra-t-il alors pour remonter la pente. C'est une bombe à retardement pour les générations futures. (...) C'est à des réformes structurelles d'ampleur qu'il faut s'atteler" a-t-il affirmé. "Il faut reprendre le contrôle de la dette et renoncer au poison mortel de cette dette perpétuelle."

"Il aurait été naturel et sain que la dette Covid soit prise en charge par le Budget de l’État. (...) Faire le choix de la rattacher à la sécu, c'est exclure de nombreux contribuables de son remboursement, notamment les multinationales, les actionnaires ou les banques", a quant à lui estimé Joël Aviragnet (Socialistes).

À gauche, les critiques ont aussi porté sur le manque d'ambition du texte. François Ruffin (LFI) déplorant que le budget ne consacre que 240 millions aux auxiliaires de vie, tandis qu'il y a quelques jours, Emmanuel Macron annonçait 30 milliards pour le plan France 2030. "Pour l'humain, vous ne proposez que des millions. Que les miettes des festins dont vos amis se recèpent", avant de lancer : 

C'est nous, députés et ministres, qui devraient vivre avec 682 euros par mois. Et là, alors, j'en suis convaincu, les choses changeraient vite !

"Tout n'est pas à jeter, mais les avancées sont catégorielles et aux portées limitées", a poursuivi Joël Aviragnet, qui n'a pas hésité à qualifier le PLFSS 2022 de "texte sans grande ambition." "Vous voulez assumer jusqu'au bout avec Emmanuel Macron cette étiquette de président des riches", a abondé Pierre Dharréville (PCF). 

Près de la moitié des amendements considérés irrecevables

Les députés auront l'occasion de débattre jusqu'à dimanche soir, si nécessaire, de l'ensemble du texte, article par article. Au total, 2219 amendements ont été déposés. Près de la moitié d'entre eux ont été considérés comme irrecevables au nom de l'article 40 de la Constitution qui ne permet pas de proposer une mesure qui aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique.

"C'est le cas pour 70% des amendements de mon groupe", a déclaré Valérie Six, souhaitant exprimer "le désarroi" des députés UDI. "Faut-il que nous nous habituions à ce que trois quarts des amendements déposés soient irrecevables, à ce qu'on accorde seulement 24 heures à nos débats en commission ?" a interrogé la députée du Nord. "Pour le président de la République, la réponse semble sans équivoque", a-t-elle laissé entendre, faisant implicitement référence aux propos d'Emmanuel Macron lors du lancement des États généraux de la justice. Lundi 18 octobre, le chef de l'Etat a estimé qu'une réforme constitutionnelle sera nécessaire sur ce sujet. "La méthode est peu respectueuse du travail de la représentation nationale", a déploré la députée.