Budget de la Sécu : le texte qui a provoqué la chute du gouvernement Barnier de retour à l'Assemblée

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"L'objectif du gouvernement est de parvenir à l'adoption d'un Budget", affirme Astrid Panosyan-Bouvet.
"L'objectif du gouvernement est de parvenir à l'adoption d'un Budget", affirme Astrid Panosyan-Bouvet.
par Maxence Kagni, le Lundi 27 janvier 2025 à 22:41, mis à jour le Mardi 28 janvier 2025 à 00:24

La commission des affaires sociales a commencé, ce lundi 27 janvier en fin de journée, l'examen en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour l'année 2025. Le gouvernement Bayrou, qui table sur un déficit de la Sécurité sociale de 23 milliards d'euros cette année, "laissera le Parlement décider" de l'éventuelle instauration d'une nouvelle journée de solidarité pour financer la dépendance.

Le budget de la Sécurité sociale est de retour à l'Assemblée nationaleCe lundi 27 janvier, la commission des affaires sociales a entamé, en nouvelle lecture, l'examen du texte qui a entraîné la chute du gouvernement Barnier, en décembre dernier. En ouverture de leurs travaux, les députés ont auditionné trois ministres : Astrid Panosyan-Bouvet, en charge du Travail et de l’Emploi, Yannick Neuder, en charge de la Santé et de l'Accès aux soins, et Charlotte Parmentier-Lecocq, en charge de l’Autonomie et du Handicap.

Une façon pour le gouvernement, qui souhaite éviter une nouvelle censure, de présenter ses arbitrages sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour l'année 2025. Partant de la version adoptée au Sénat en novembre, il a déjà annoncé l'abandon ou la révision de plusieurs mesures. Mais la gauche veut obtenir obtenir des concessions supplémentaires. "L'objectif du gouvernement est de parvenir à l'adoption d'un budget rapidement, car ni l'Etat, ni la Sécurité sociale ne peuvent vivre longtemps sans", a expliqué Astrid Panosyan-Bouvet. 

Un déficit "autour de 23 milliards d'euros"

Le gouvernement Barnier prévoyait un "trou" de la Sécu à -16 milliards d'euros en 2025. Mais, depuis, la situation s'est dégradée. Le gouvernement Bayrou vise donc un déficit prévisionnel autour de -23 milliards d'euros. Et "si rien n'est fait, on est à -28 milliards d'euros", a mis en garde lundi soir Yannick Neuder. Le ministre en charge de la Santé a, par ailleurs, précisé que l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) serait porté à +3,3% (contre +2,8% dans le texte présenté par le gouvernement Barnier).

"Quel législateur, quel responsable public, peut se satisfaire d'un déficit prévisionnel de la Sécurité sociale supérieur à 20 milliards d'euros pour 2025 ?", a interrogé Nicolas Turquois (Les Démocrates), interpellant les ministres sur une éventuelle "réorganisation des hôpitaux et de leur gouvernance". "Ce n'est pas quand vous êtes dans une période extrêmement difficile que vous pouvez envisager des réformes structurelles qui vont porter leur efficacité de façon immédiate", lui a répondu Yannick Neuder.

"On peut le régler ce déficit, en allant conquérir des recettes !", a pour sa part estimé le député communiste Yannick Monnet (Gauche démocrate et républicaine). Hadrien Clouet (La France insoumise) a quant à lui jugé que reprendre les débats en partant du texte voté par les sénateurs en novembre relevait d'une "tentative de sabotage parlementaire" : "La raison pour laquelle vous [avez fait cela] c'est pour empêcher le NFP de déposer des amendements qui rapporteraient de l'argent dans les caisses.

Une nouvelle journée de solidarité ?

Le député LFI a aussi rejeté l'hypothèse d'une nouvelle journée de solidarité visant à financer des mesures pour le grand âge. Une "journée de travail gratuit", a-t-il dénoncé. La mesure visant à d'instaurer sept heures de travail non rémunérées par an a été inscrite dans le PLFSS par les sénateurs, en novembre dernier.

Dans un entretien au Journal du dimanche daté du 19 janvier, la ministre ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Catherine Vautrin, avait expliqué que le gouvernement n'avait "pas d'opposition de principe" à la mise en oeuvre d'une telle mesure. Tout en précisant que les ministres laisseraient "le Parlement décider". Une position réitérée à plusieurs reprises ce lundi, par Astrid Panosyan-Bouvet : "Le gouvernement sera à l'écoute du débat parlementaire."

Lui aussi très prudent, Yannick Neuder a précisé les effets que pourraient avoir la disposition sur le "trou" de la Sécurité sociale : "Si vous souhaitez ne pas la mettre, on a un déficit prévisionnel de 23 milliards d'euros, si vous souhaitez la mettre, on aura un déficit de 21 milliards d'euros." A ce stade, la mesure semble toutefois condamnée : les groupes du Nouveau Front populaire et le Rassemblement national ont d'ores et déjà évoqué leur opposition au dispositif. "Tous les groupes ici semblent [s'y opposer]", a observé Sylvie Bonnet (Droite républicaine).

Pas de déremboursement de médicaments

Le gouvernement Bayrou a, par ailleurs, abandonné la non-indexation des pensions de retraites sur l'inflation, une des mesures les plus critiquées à l'époque du gouvernement Barnier : les pensions ont été augmentées de +2,2% au 1er janvier 2025, pour un "coût total de 3,6 milliards d'euros supplémentaires", a précisé Astrid Panosyan-Bouvet. "La proposition initiale du gouvernement Barnier n'avait pas trouvé de majorité", a commenté la ministre.

Les mesures de déremboursement de médicaments et de consultations médicales, un temps prévues par le gouvernement Barnier, avant qu'il renonce aux déremboursements concernant les médicaments, sont elles aussi abandonnées, même si elles ne figuraient pas formellement dans le PLFSS. "Il n'y aura pas de coup de Jarnac à coups de décrets", a promis Yannick Neuder.

Cotisations patronales

Le gouvernement souhaite, en revanche, maintenir les dispositions réduisant certaines exonérations de cotisations patronales. Le gouvernement Barnier voulait les réduire de 4 milliards d'euros. Le Sénat avait réduit l'effort à 3 milliards. Et la commission mixte paritaire (CMP) du 26 novembre 2024 avait finalement ramené la baisse à 1,6 milliard d'euros, sous la pression du camp présidentiel. Ce lundi, Astrid Panosyan-Bouvet a exprimé la "préférence du gouvernement pour le compromis qui avait été trouvé en CMP".

Les députés de la commission des affaires sociales n'ont pas suivi la position du gouvernement. Ils ont finalement choisi lundi soir un dispositif défendu par le député socialiste Jérôme Guedj : celui-ci va "plus loin" que le "point d'équilibre" trouvé en CMP puisque son "positionnement se rapproche du compromis issu du Sénat", c'est-à-dire d'une baisse des exonérations de cotisations patronales de près de 3 milliards d'euros. Une victoire pour les députés du Nouveau Front populaire qui n'est pas encore totalement entérinée, l'article portant le dispositif n'ayant pas encore été adopté.

La commission a également rejeté la première partie du texte, qui porte sur l'année 2024 et contient des articles d'équilibre de moindre importance. Le président de la commission, Frédéric Valletoux (Horizons), a expliqué que l'examen pourrait s'achever mercredi soir, ou jeudi à la mi-journée. Le coup d'envoi débats dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale aura lieu lundi prochain, le 3 février.