L'ancien président, redevenu député, François Hollande (groupe Socialistes) a déposé ce lundi 14 avril une proposition de loi afin de créer un statut de "réfugié scientifique", alors qu'aux Etats-Unis, les chercheurs et les universités sont menacés par l'administration de Donald Trump.
Il en avait co-signé plusieurs depuis son retour à l'Assemblée nationale en juillet dernier, mais c'est la première proposition de loi que l'ancien président socialiste François Hollande, redevenu député, dépose en son nom propre. Le texte vise à créer un statut de "réfugié scientifique", alors que les chercheurs américains sont menacés par l'administration de Donald Trump. "Au même titre que les journalistes ou les opposants politiques, lorsqu'ils sont entravés ou censurés, les chercheurs doivent pouvoir être reconnus comme des réfugiés à part entière", écrit l'élu de Corrèze dans l'exposé des motifs de la proposition, consultée par LCP.
Un tel statut, ajoute l'ex-chef de l'Etat, "rappellerait que la liberté de la recherche et d'expression est une valeur fondamentale des sociétés démocratiques" et permettrait une simplification des démarches administratives. "Ce qui peut rebuter un chercheur d’aller dans un autre pays", comme "par exemple en France", ce sont des procédures compliquées et la non-assurance de pouvoir y rester, explique François Hollande à l'AFP. Il faut donc, à ses yeux, "ouvrir très rapidement un cadre juridique durable et simple" et le "faire maintenant, car c'est maintenant qu'il y a les licenciements et les fermetures de laboratoires" outre-Atlantique.
En France, la loi prévoit deux formes de protection par l'asile, à savoir le statut de réfugié et la protection subsidiaire. Selon l'article L.512-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), cette dernière est attribuée aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions d'obtention du statut de réfugié, mais peuvent prouver qu'ils sont notamment exposés dans leur pays à "une atteinte grave" dont la liste est résumée en trois alinéas : la peine de mort ou une exécution ; la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne.
Concrètement, la proposition de loi de François Hollande, qui comporte un article unique, entend ajouter à cet article de loi une autre catégorie de bénéficiaires à cette protection subsidiaire : les "scientifiques et chercheurs" qui risquent de subir dans leur pays "une atteinte grave et individuelle à leur liberté académique, en raison de menaces, de persécutions ou d'une privation de liberté arbitraire".
"Le champ serait assez étroit, car il s'agit de réserver cette hypothèse aux situations les plus graves", explique dans l'exposé des motifs du texte le député, qui avait déjà signé une tribune sur le sujet dans Libération.
La proposition de loi a été déposée lundi 14 avril, "suit son parcours" parlementaire et sera ouverte à co-signatures, indique à LCP l'entourage de François Hollande. L'objectif, ajoute-t-on, est que le texte "puisse répondre aux conditions fixées par l'Assemblée nationale" pour être examiné dans le cadre d'une semaine dédiée aux textes transpartisans, signés donc par plusieurs groupes politiques.
Le ministre chargé de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Philippe Baptiste, a récemment demandé aux universités et organismes de recherche de lui faire remonter leurs propositions sur les dispositifs à mobiliser ou à mettre en place pour accueillir les chercheurs qui "s'interrogent sur leur avenir aux Etats-Unis". "Nous présenterons prochainement des mesures concrètes au plan national et européen", avait déclaré le 11 mars devant l'Assemblée nationale la ministre de l'Education, Elisabeth Borne.
Aux Etats-Unis, mercredi encore, le président Donald Trump a accentué ses critiques à l'égard de l'université de Harvard menaçant de priver de subventions fédérales cette institution devenue la cible privilégiée de sa lutte contre les universités d'élite américaines. Harvard "enseigne la haine et l'imbécilité", et "ne devrait plus recevoir de fonds fédéraux", a-t-il écrit, deux jours après avoir coupé 2,2 milliards de dollars de subventions fédérales pluriannuelles à l'établissement.
Selon un sondage publié fin mars par la revue spécialisée Nature et réalisée auprès de plus de 1.600 personnes, plus de 75% des scientifiques songent aujourd'hui à un tel départ en raison des politiques mises en place par Donald Trump.