Conseil constitutionnel: la Nupes espère une censure totale de la réforme des retraites

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par Maxence Kagni, le Mardi 11 avril 2023 à 11:13, mis à jour le Mercredi 12 avril 2023 à 11:58

Les députés des groupes de la Nupes ont exposé mardi 11 avril, lors d'une conférence de presse, les raisons pour lesquelles ils estiment que le Conseil constitutionnel, qui rendra sa décision vendredi, doit censurer intégralement la réforme des retraites. La majorité dénonce une tentative de "pression" sur les Sages. 

Sandrine Rousseau a eu "l'impression, en tant que parlementaire, que c'était la première fois qu'on écoutait, au fond" les arguments de la Nupes sur la réforme des retraites. Mardi 11 avril, la députée du groupe "Ecologiste", ainsi que des représentants des trois autres groupes de l'alliance de gauche à l'Assemblée nationale, ont présenté lors d'une conférence de presse les différents points qu'ils ont abordé durant leur audition par le Conseil constitutionnel, le 4 avril dernier.

Les "Sages" se prononceront vendredi sur la conformité de la réforme des retraites à la Constitution. "Ce que nous attendons vendredi, c'est que la loi soit censurée dans son ensemble", a expliqué le président de la commission des finances, Eric Coquerel (La France insoumise).

Cette décision est attendue, d'abord parce qu'elle va faire jurisprudence. Eric Coquerel (LFI)

"Je fonde de grands espoirs dans la décision du Conseil constitutionnel parce que nous avons de grands arguments" a expliqué le président du groupe "Socialistes", Boris Vallaud.

"Détournement de procédure"

"Il n'y a jamais eu autant d'arguments pour qu'une loi soit retoquée par le Conseil constitutionnel", a commencé Eric Coquerel. Le gouvernement, en intégrant la réforme dans un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS) pour l'année 2023 se serait, estime l'élu, rendu coupable d'un "détournement de procédure".

Selon le président de la commission des finances, les lois de financements rectificatives avaient été créées en 1996 pour amender un budget :

  • lors d'un "changement de gouvernement",
  • en raison de "modifications importantes et brutales du contexte de santé publique",
  • pour "tirer les conséquences d'une évolution économique, d'une dérive des finances sociales d'une telle ampleur que les objectifs votés seraient devenus caduques".

Eric Coquerel affirme qu'aucune de ces hypothèses n'est remplie, le Haut conseil des finances publiques ayant estimé que "la réforme des retraites aura un impact très faible sur les finances publiques en 2023". Cet argument a également été avancé par Sandrine Rousseau qui estime que la réforme aurait dû être présentée "dans une loi ordinaire".

Eric Coquerel assure également que l'utilisation de l'article 47-1 de la Constitution, qui permet de "raccourcir considérablement les débats", n'était pas justifiée puisqu'il n'y avait aucune "urgence" à agir.

Egalité femme-homme

"Pour ma part, j'ai insisté fortement sur la question de l'égalité femme-homme, qui, je le rappelle, est quand même constitutionnelle", a aussi indiqué Sandrine Rousseau. La députée écologiste explique que "cette réforme pèse davantage sur les femmes que sur les hommes" : "Il y a eu de nombreuses études qui ont montré cela."

Le 23 janvier, invité d'Audition publique sur LCP et Public Sénat, le ministre des Relations avec le Parlement Franck Riester avait lâché que les femmes seraient "un peu pénalisées" par la réforme. Or, précise Sandrine Rousseau, le recours au PLFRSS a permis au gouvernement de ne présenter aucune étude d'impact. 

La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme. Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946

"Insincérité et manque de clarté"

Le socialiste Jérôme Guedj a, quant à lui, mis en avant "l'insincérité et le manque de clarté des éléments mis à disposition de la représentation nationale". Il est notamment revenu sur les débats autour des 1200 euros de pension minimale : "On a bien vu que sur ce point le gouvernement, de manière délibérée, avait occulté" les chiffres précis permettant de savoir combien de personnes en bénéficieraient, a affirmé Jérôme Guedj.

"Le ministre est parti de 200.000 [personnes], puis le 15 février au matin sur France inter, [il a dit] c'est 40.000, et finalement dans le courrier dans lequel il me répond le 23 février, [il dit] ce sera entre 10.000 et 20.000 personnes", a expliqué l'élu socialiste. Or, précise-t-il, "le 23 février les débats étaient terminés dans l'hémicycle". Jérôme Guedj estime aussi que le gouvernement a "dit des choses qui n'étaient pas vraies" sur la question des carrières longues.

Cavaliers législatifs

Par ailleurs, selon Hadrien Clouet (La France insoumise) "un ensemble de dispositions du texte ont un caractère de cavalier [législatif]", ce qui signifie que ces dispositions n'ont pas de lien "même indirect" avec la réforme des retraites et qu'elles devraient donc être censurées. L'élu cite notamment les "CDI fin de carrière" ou encore "l'index senior". Hadrien Clouet estime qu'une éventuelle censure sur ces sujets aurait des conséquences sur la cohérence d'ensemble du texte dont la gauche continue de réclamer le retrait. 

Le député LFI a également mis en cause un "usage simultané et cumulatif d'un ensemble de contraintes" légales sur le Parlement, comme le 49.3 ou le recours à l'article 47-1 de la Constitution. "Le degré de pression mis [sur les parlementaires] n'a pas de précédent", a affirmé Hadrien Clouet, qui dénonce un "abus de droit".

Enfin, Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine) a remis en cause la décision, au début des débats au Palais-Bourbon, de tirer au sort entre la motion référendaire du Rassemblement national et celle déposée par la Nupes. "Les conditions dans lesquelles [la motion du RN] a été retenue, triée, sélectionnée [au détriment de celle de la Nupes] ont été ubuesques et nous avons fait la démonstration qu'elles ne garantissaient pas l'égalité de traitement des groupes", a déclaré le député communiste.

Une "décision en droit"

De son côté, la majorité se veut optimiste : "Je pense que, globalement, le texte ne sera pas censuré", a déclaré mardi le président du groupe "Démocrate" de l'Assemblée nationale, Jean-Paul Matteï. "Le Conseil constitutionnel va prendre sa décision en droit et non pas de manière politique", a souligné le député. 

Sans les citer directement, les membres de la majorité ont dénoncé l'attitude des députés de la Nupes : "Il faut arrêter de mettre une pression sur le Conseil constitutionnel", a déclaré Erwan Balanant (Démocrate). "Nous ne sommes pas juges", a abondé Laurent Marcangeli, le président du groupe "Horizons".

Le conseil constitutionnel n'est pas là pour faire de la politique Erwan Balanant

Par ailleurs, "si des mesures venaient à être retoquées", notamment si elles sont déclarées "cavalier législatif", celles-ci pourraient être réintégrées dans la future loi travail, a déjà prévenu Marina Ferrari (Démocrate).

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