L'ancien ministre de l’Intérieur a été auditionné à l'Assemblée nationale, jeudi 22 octobre, par la mission d'information sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de coronavirus qui cherche à tirer les premières conclusions de la gestion de la crise sanitaire au printemps dernier.
Il n'a pas dévié du discours de l'ancien Premier ministre Edouard Philippe, auditionné la veille. Pendant près d'une heure et demie, jeudi, l’ex-ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, est revenu devant les députés sur la gestion de la crise pour les aspects relevant de la place Beauvau lors du printemps dernier. Il a détaillé le mode organisationnel établi par le gouvernement en évitant les questions sanitaires qui ne relevaient pas des son champ de compétences.
L'ancien ministre, désormais président du groupe La République en marche (LaREM) à l’Assemblée nationale, était notamment attendu sur la gestion des masques concernant les forces de l'ordre, la gestion de la crise en binôme avec le ministère de la Santé, ou encore la gestion du déconfinement.
Face à la mission d'information de l'Assemblée nationale sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de coronavirus, dotée des pouvoirs d'une commission d'enquête, le député des Alpes-de-Haute-Provence n’a pas voulu s'avancer sur l’action du ministère de la Santé, soulignant - comme Edouard Philippe - qu'il n'était pas fondé à s'exprimer sur le sujet. "Le ministère de l’Intérieur, c’est le ministère de la crise, mais il ne faut pas lui demander un avis médical", a-t-il notamment souligné.
“Dans toute décision publique, il est toujours facile de juger a posteriori", a-t-il posé en préambule. De son expérience d'acteur de la gestion de crise, Christophe Castaner a retenu que "le gouvernement a agi au mieux". Il s'est notamment fait l'ardent défenseur du Premier ministre de l'époque : "à aucun moment le bras d’Edouard Philippe n’a tremblé pour prendre des décisions". Ajoutant assumer et se sentir "parfaitement à l’aise avec toutes les décisions prises par le Premier ministre pendant la crise".
Il a ensuite longuement développé le fonctionnement, durant le confinement, de la cellule interministérielle de crise (CIC), composée de 72 fonctionnaires issus de différents ministères, et chargée de mettre en application la doctrine sanitaire du gouvernement.
Concernant les moyens de protection contre l'épidémie alloués aux forces de l'ordre, l'ancien locataire de la place Beauvau a présenté le déroulé chronologique précis de la distribution de masques. Entre le mois de mars et la fin du mois d'avril, ce sont "14 millions de masques" qui ont été distribués aux forces de l'ordre.
"Nous avons agi dans le respect de la doctrine gouvernementale des masques, doctrine qui a évolué", a-t-il indiqué. "Je rappelle, parce que certains semblent l’avoir oublié, que la pénurie de masques était mondiale", a par ailleurs insisté Christophe Castaner. L'occasion pour lui de revenir sur "un sujet sensible" : "nous détenions un stock de 1,4 millions de masques FFP2. Je l'ai fourni aux ARS et aux hôpitaux", a-t-il assumé. En parallèle, "une politique d’acquisition la plus large possible", a été menée. A la fin du mois de mai, "40 millions de masques" avaient été distribués aux forces de l'ordre. Le travail a également été réorganisé en conséquence pour l'ensemble des services de police, gendarmerie, et au ministère de l'Intérieur.
Pendant le confinement, plus de "21 millions de personnes ont été contrôlées" et "1,3 millions de personnes ont été verbalisées", a d'autre part précisé l'ex-ministre de l'Intérieur.
Le ministère a-t-il rencontré des difficultés dans la coordination et l'application des mesures décidées ? C'est en substance la question posée par le rapporteur de la mission d'information, Eric Ciotti (LR). Réponse du ministre : "Oui, il y a eu des dysfonctionnements". Si le lien entre les préfets de région et les Agences régionales de santé (ARS) a "bien fonctionné", cela n'a pas été le cas "au niveau départemental" : "la structure départementale des ARS est plus légère, le dialogue entre les préfets de départements et les délégués territoriaux de l’ARS n’a pas toujours été excellent", a reconnu l'ancien ministre. "Il m’est arrivé de siffler la fin de la cour de récré", a-t-il indiqué.
Du reste, Christophe Castaner a affirmé avoir souhaité "que les maires soient étroitement associés" dès les premières heures de la crise, et a "veillé à ce que les parlementaires soient informés par les préfets." Lors du confinement, le gouvernement a notamment loué l'efficacité du couple "préfet-maire" dans la gestion locale de la crise. "Les maires étaient en capacité de compléter les dispositifs que nous avions mis en place", a estimé l'ex-ministre.
"Il y a des territoires où c’était plus difficile de faire respecter le confinement", n'a pas caché Christophe Castaner. Pour l'expliquer, il a alors opposé les diversités de situations : ceux confinés dans de "charmantes maisons" et ceux confinés dans des "tours". Mais globalement, le ministre assure que "la jeunesse des quartiers a respecté le confinement et la police a été très présente".
Questionné par Eric Ciotti sur la nécessité d'interdire ou non, le rassemblement de
milliers de personnes qui eu lieu le 2 juin devant le tribunal judiciaire de Paris, après le confinement, pour dénoncer des violences policières, Christophe Castaner a estimé que "cette manifestation a été bien gérée." "C’est peut être le symbole que la jeunesse à ce moment là était soulagée de la fin du confinement". Il a par ailleurs souligné que les forces de l'ordre avait "fait en sorte qu’il n’y ait pas d’exactions à cette manifestation".
Interrogé par le président du groupe MoDem, Patrick Mignola, sur un éventuel blocage dans la prise de décision généré par l'éventuel risque pénal encouru par les ministres, Christophe Castaner l'a balayé d'un revers de main. S'il a reconnu que "le risque pénal peut générer de l’inhibition", jamais "au niveau du président de la République et au niveau du Premier ministre", il n'a vu "que ce risque d'inhibition empêche une décision". Pour sa part, il assure n'avoir "jamais considéré que ce risque là devait peser sur [sa] capacité à décider. Sinon vous ne décidez plus."
"Par contre je pense qu’il peut y avoir une forme d'hésitation, de blocage, d'inhibition, de nos administrations qui sont très souvent poursuivies aujourd'hui", a-t-il concédé. Christophe Castaner assume donc d'être "descendu à un niveau d'instructions écrites pour protéger l'administration mais aussi parce que l'administration en avait besoin pour appliquer les orientations du ministère." Il a par ailleurs déploré une ère de la "judiciarisation" et la multiplication des "commissions d'enquêtes" sous le quinquennat d'Emmanuel Macron, estimant qu'il faut trouver un "point d'équilibre".
Pour rappel, dans le cadre de l'information judiciaire ouverte dès le mois de juillet, le domicile d'Édouard Philippe a notamment été perquisitionné le 15 octobre. Neuf plaintes pour «chef d'abstention de combattre un sinistre», un délit puni par le Code pénal, ont été retenues contre des ministres en fonction durant la gestion de la crise au printemps dernier.
La semaine prochaine, Olivier Véran, ministre de la Santé, et Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, seront auditionnés par les députés. Le Premier ministre, Jean Castex, responsable pendant la crise d’une "mission déconfinement" à Matignon, en avril et mai, sera, lui, entendu le 3 novembre.