Avec 399 voix pour et 27 contre, les députés ont approuvé, jeudi 29 octobre, les mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus présentées par le Premier ministre, avant la consultation du Sénat dans l'après-midi.
"Il n'y a pas d'autre solution." Jeudi matin, le Premier ministre a présenté devant les députés les grandes lignes du plan de reconfinement annoncé la veille par le président de la République, Emmanuel Macron.
A l'issue d'une matinée de débats, l'Assemblée nationale a signifié son soutien au gouvernement par un vote, sans surprise, largement favorable : 399 pour, 27 contre. Un scrutin auquel Les Républicains ont décidé de ne pas prendre part afin de "ne pas ajouter de divisions".
"Jamais depuis un siècle et les vagues épidémiques de la grippe espagnole, la France, l'Europe et le monde n'avaient été confrontés à une crise sanitaire aussi grave et aussi dévastatrice", a expliqué jeudi matin Jean Castex, estimant que le gouvernement Philippe et le sien "ont tout fait pour ralentir la circulation du virus".
"Nous savions qu'une deuxième vague était possible, voire probable, nous l'avions anticipée", a assuré le Premier ministre, malgré les protestations de députés de l'opposition. "Aucun pays n'avait prévu qu'elle s'accélèrerait de manière aussi soudaine et brutale", a-t-il ajouté.
Répondant aux critiques, Jean Castex a défendu la stratégie de déconfinement "progressive et territorialisée" qu'il a contribué à bâtir et mise en oeuvre par l'exécutif avant l'été. "Je n'ai cessé d'appeler à la vigilance", s'est justifié le Premier ministre. Jean Castex a aussi évoqué "une politique de dépistage parmi les plus massives d'Europe".
Certains qui nous disent aujourd'hui que nous aurions dû agir plus fort prétendaient à l'époque que nous en faisions trop. Jean Castex
Le Premier ministre a aussi "salué les élus locaux", assurant que "le couple maire-préfet", dont il s'est "toujours fait l'ardent promoteur", "fonctionne bien".
Toutefois, Jean Castex a prévenu : "Nous allons devoir gérer au mois de novembre un pic d'hospitalisations plus élevé qu'en avril dernier."
"Pour sauver les vies de nos concitoyens", "il n'y a pas d'autre solution" que de procéder au reconfinement annoncé mercredi soir par le président de la République. Le confinement aura lieu "à l'échelle du pays tout entier" jusqu'au 1er décembre : "Cette perspective est la même pour la plupart de nos voisins européens où la situation s'aggrave hélas", a expliqué le chef du gouvernement.
Face aux critiques sur le manque de lits de réanimation, Jean Castex a expliqué que "les murs et les lits ne suffisent pas" : "On ne forme pas un médecin réanimateur ou une infirmière spécialisée en six mois".
"La seule solution est de couper les chaînes de contamination pour éviter les hospitalisations et l'engorgement des [services de] réanimation", a ajouté le Premier ministre, selon qui la France a "renforcé aux cours des derniers mois [ses] services hospitaliers".
Jean Castex a, par ailleurs, annoncé que, si les écoles resteront ouvertes, les enfants devront porter un masque dès l'âge de six ans. "Les grands services publics", les crèches, les écoles, les collèges, les lycées resteront ouverts. "Il en va de même du secteur périscolaire", a précisé Jean Castex.
L'exécutif fera "tout pour éviter une chute de l'activité économique aussi brutale qu'au printemps dernier" : "Nous devons continuer de travailler autant que possible, dans des conditions sanitaires protectrices."
Le chômage et la pauvreté peuvent aussi tuer. Jean Castex
"Le recours au télétravail doit être le plus massif possible", a ainsi expliqué le Premier ministre. "Le secteur du BTP doit continuer à travailler, nos usines doivent fonctionner, nos agriculteurs doivent poursuivre leur activité", a-t-il cependant ajouté.
Les secteurs qui feront l'objet d'une fermeture administrative seront aidés financièrement : un projet de loi de finances rectificative sera adopté mercredi prochain en Conseil des ministres. L'enveloppe allouée sera de 20 milliards d'euros.
A l'issue de son intervention, alors qu'il venait de descendre de la tribune et qu'il était encore dans l'hémicycle, le Premier ministre a été informé qu'une attaque terroriste avait eu lieu à Nice. A la demande du président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand, les députés ont observé une minute de silence. Jean Castex a alors annoncé qu'il quittait l'hémicycle pour rejoindre la cellule de crise du ministère de l'Intérieur.
Les débats ont ensuite repris, ce qu'a critiqué la présidente du groupe "Socialistes", Valérie Rabault : "Le respect que nous devons à nos concitoyens, aux Niçois, aux trois morts qu'il y a apparemment à Nice, ce respect aurait dû nous imposer de reporter notre débat."
"Parce que des terroristes attaquent nos compatriotes, notre démocratie, notre République, c'est l'honneur de l'Assemblée nationale de continuer à faire vivre notre République", lui a répondu Richard Ferrand.
Affirmant d'emblée que son groupe voterait "par responsabilité" en faveur du plan gouvernemental, Valérie Rabault a exprimé sa "colère" face à "l'impréparation" du gouvernement.
"Le plan de déconfinement a été un échec, personne ne s'en réjouit", a ajouté Jean-Luc Mélenchon, qui a évoqué une épidémie qui est "hors de contrôle", au même titre que "le président de la République".
Le député des Bouches-du-Rhône a, par ailleurs, demandé à la majorité "d'entendre le tocsin que sonne la pauvreté en France". "La première vague a accentué les inégalités scolaires, sociales, territoriales", a ajouté le député communiste Sébastien Jumel.
Jean-Luc Mélenchon a aussi mis en cause le Conseil de défense, "une sorte de gouvernement secret qui décide sans rendre de compte à personne". "Vous demandez à juste titre l'unité nationale, mais vous décidez tout, toujours, seuls", a renchéri Bertrand Pancher, le président du groupe "Libertés et Territoires".
"Cette situation marque un échec collectif", a pour sa part expliqué Pascal Brindeau (UDI), qui a demandé au gouvernement de "dire aux Français que le confinement se prolongera au-delà du 1er décembre".
"Nous ne sommes pas prêts à affronter une deuxième vague et peut-être demain une troisième", a regretté Damien Abad, le président du groupe Les Républicains.
Malgré "une année 2020 apocalyptique" pour eux, "les PME et les commerçants" sont dans "l'angle mort" de la politique de confinement, a regretté le député LR.
Du côté de la majorité, les prises de parole se sont enchaînées pour souligner toute la difficulté de cette gestion de crise, et dénoncer les donneurs de leçons qui ne sont pas aux responsabilités.
Les groupes de la majorité ont unanimement défendu le principe du reconfinement, comme étant désormais la seule option en capacité de sauver des vies. "Le président de la République a fait le seul choix qui s'imposait. Au pays de l'humanisme des Lumières, on ne transige pas avec la vie humaine", a ainsi déclaré Jean-Noël Barrot (MoDem). Agnès Firmin Le Bodo (Agir ensemble) a évoqué des "mesures difficiles, ardues mais nécessaires". Aurore Bergé (LaREM) a insisté sur la nécessité pour la majorité, mais aussi l'ensemble de la représentation nationale, d'être à la hauteur de la gravité du moment que traverse la France : "Si nous procrastinons, si nous avons la main qui tremble devant le risque de l'impopularité, alors ce sont nos concitoyens que nous envoyons en première ligne",
En réponse aux critiques de l'opposition, Jean Castex, de retour dans l'hémicycle après s'être rendu à la cellule de crise du ministère de l'Intérieur en raison de l'attentat de Nice, a de nouveau fustigé "celles et ceux qui croient à des recettes miracles ou qui recourent à des formules péremptoires" et "qui sont bien loin du sujet qui nous occupe". Il a également regretté que l'opposition de droite refuse de se prononcer au vu des circonstances. "Quand la Maison France est dans la difficulté, on doit prendre ses responsabilités, on ne détourne pas le regard", a ainsi déclaré le Premier ministre avant le vote des députés qui ont massivement soutenu le plan de reconfinement.