Les députés ont très largement adopté, en deuxième lecture, ce mardi 3 juin, la proposition de loi visant à créer un délit d'homicide routier, par 194 voix contre 6. Les députés sont revenus sur plusieurs modifications faites les sénateurs, jugées inopportunes. Ce texte transpartisan, porté par Eric Pauget (Droite républicaine), va désormais retourner au Sénat.
Pour la deuxième fois, les députés ont adopté la proposition de loi "créant l’homicide routier et visant à lutter contre la violence routière", ce mardi 3 juin. Le texte transpartisan, porté par Eric Pauget (Droite Républicaine), vise à répondre à une demande sociétale, en sanctionnant plus durement les accidents routiers causés par des comportements irresponsables.
La proposition de loi avait été adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale en janvier 2024, puis assez notablement amendée au Sénat en mars de la même année. Du fait de la dissolution de l'Assemblée et d'un calendrier législatif contraint, ce n'est qu'en avril dernier que les députés ont repris le texte en commission des lois en vue de son examen en deuxième lecture dans l'hémicycle cette semaine.
A cette occasion, les élus de la commission des lois sont revenus sur plusieurs modifications effectuées au Sénat, qui n'ont pas été jugées "opportunes" par le rapporteur du texte, Eric Pauget (Droite républicaine). Les élus du Palais du Luxembourg avait notamment modifié l'architecture des infractions, supprimé certaines circonstances aggravantes comme l'usage de substances psychoactives ou du téléphone au volant, et altéré certaines peines complémentaires en supprimant, par exemple, la confiscation des véhicules appartenant au condamné.
Le cœur de la proposition reste identique au texte approuvé par les députés en première lecture : il prévoit la création d'un délit spécifique "d'homicide routier" puni de 7 ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende, qui se substituerait à "l'homicide involontaire", lorsque le conducteur a commis une faute grave ayant entraîné la mort d'autrui sans intention de la donner. Le mot "involontaire" étant difficilement acceptable par les familles de victimes et les associations. Dans ces conditions, "ce terme juridique 'involontaire' représente une deuxième mort pour les familles", a estimé Eric Pauget (DR).
"Les faits sont connus, les articles de presse pullulent, les comportements sont récurrents et les risques assumés, voire revendiqués. Pourtant, la justice ne disposait pas jusqu’alors de l’outil juridique clair et dissuasif pour qualifier ce que tout le monde comprend : ces morts ne sont pas des accidents, mais des crimes commis sur la route", a appuyé le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, prêt à mettre fin à une "hypocrisie juridique".
Parmi les comportements visés, figurent notamment une conduite particulièrement dangereuse, sous l'empire de l'alcool ou de produits stupéfiants, une conduite sans permis, l'usage du téléphone, ou une vitesse excédant d'au moins 30 km/h les limites légales. Les peines sont portées à 10 ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende en cas de cumul de plusieurs de ces fautes.
Tuer sur la route, sous l’emprise de l’alcool ou de drogues, à des vitesses délirantes ou au mépris total des règles élémentaires de prudence, n’est pas un simple accident de la route. C’est, du point de vue du droit pénal, un acte criminel qui doit être reconnu et condamné comme tel. Gérald Darmanin, garde des Sceaux
Le texte prévoit également un délit de blessure routier dans le cas où un conducteur a causé, dans les mêmes conditions, des blessures routières ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois. Celle-ci est fixée à 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende - 7 ans et 100 000 euros en cas de cumul de fautes.
Diverses peines complémentaires sont, par ailleurs, prévues par la proposition de loi : suspension ou annulation du permis de conduire, confiscation du véhicule, interdiction de conduire certains types de véhicules, interdiction de détenir une arme... Enfin, les députés ont rétabli les modules de prévention de la récidive, que les sénateurs avaient supprimés.
Aucune modification d'ampleur n'a été apportée au texte issu de la commission lors de son examen en séance, ce mardi 3 juin. L'homicide routier, la disposition centrale de la proposition de loi, a plutôt fait consensus. Plusieurs représentants de gauche ont toutefois douté de son impact sur le nombre de morts de la route. "La sanction reste nécessaire. Elle est juste insuffisante. nous devons mettre des politiques publiques qui permettent d'éviter les morts, de prévenir l'irréparable", a estimé Sandra Regol (Ecologiste et social).
"On risque d'embarrasser les magistrats avec cette notion, alors que celle de circonstance aggravante doit jouer à plein. Ce texte n'aura aucun effet sur le nombre de morts", a estimé Elisa Martin (La France insoumise), plus dubitative quant à cette nouvelle "inflation législative". Les élus LFI ont par la suite tenté, sans succès, de supprimer les éléments les plus "répressifs" de la proposition de loi, à savoir la délictualisation de l'infraction de dépassement de la vitesse autorisée au moins égal à 50 km/h et l'examen médical aux frais d'un conducteur lorsqu'il est à l'origine d'un accident.
Finalement, la proposition de loi a été largement adoptée, par 194 voix contre 6 d'élus LFI. Le texte va désormais retourner au Sénat pour une deuxième lecture. Le gouvernement a fait savoir qu'il espérait un vote conforme, afin d'ouvrir la voie à une promulgation de la loi.