Décentralisation : les propositions d'Eric Woerth pour "rétablir la confiance" entre l'Etat et les les collectivités

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Eric Woerth, le 13 juin 2023 à l'Assemblée nationale. Assemblée nationale
Eric Woerth, le 13 juin 2023 à l'Assemblée nationale. Source : Assemblée nationale
par Raphaël Marchal, le Jeudi 30 mai 2024 à 20:17, mis à jour le Jeudi 30 mai 2024 à 20:37

Répartition des compétences entre collectivités, sanctuarisation du partage de la fiscalité, réduction du nombre d'élus et retour de la possibilité de cumuler un mandat de parlementaire et une fonction de maire, suppression de la métropole du Grand Paris... Eric Woerth (Renaissance) a remis, ce jeudi 30 mai, à Emmanuel Macron le rapport que le Président lui avait commandé à l'automne dernier afin "d’apporter plus de clarté à notre organisation territoriale". 

Des propositions "ambitieuses", mais "réalistes". Chargé en novembre dernier par le chef de l’Etat de réfléchir à une "décentralisation plus aboutie et plus efficace", Eric Woerth (Renaissance) a présenté le résultat de son travail à Emmanuel Macron, au cours d'une réunion de deux heures, ce jeudi 30 mai. La commande présidentielle a abouti à un rapport dense et technique, comportant 51 propositions, et portant l'ambition de "rétablir la confiance" entre l'échelon national et l'échelon territorial.

Le député de l'Oise et premier Questeur de l'Assemblée nationale préconise notamment un meilleur partage des compétences, afin de clarifier le rôle des communes, départements et régions. L'ancien ministre du Budget et de la Réforme de l'Etat de Nicolas Sarkozy ne recommande, en revanche, pas de supprimer une strate de collectivités, comme semblait l'y inviter Emmanuel Macron dans sa lettre de mission. Les communes hériteraient ainsi des compétences de "proximité", comme le logement, les départements des routes et de la gestion de l'eau, tandis que les régions seraient particulièrement chargées du développement économique et du tourisme. Pour éviter de se "disperser", les collectivités territoriales doivent accepter d'abandonner certaines de leurs prérogatives, juge-t-il.

Retour du cumul, mais moins d'élus

L'ancien maire de Chantilly propose de revenir sur la loi sur le non-cumul des mandats, effective depuis 2017, en autorisant à nouveau les parlementaires à siéger à l'Assemblée nationale ou au Sénat tout en assurant des responsabilités exécutives au sein d'une commune, y compris le rôle de maire, ou de président d'intercommunalité.

"Ces règles ont conduit à distendre le lien entre la démocratie nationale et la démocratie locale. [...] Autoriser un élu à intervenir sur le plan national et dans sa commune permet de retisser du lien entre ces deux échelons et d’assurer un ancrage territorial", estime-t-il.

En parallèle, Eric Woerth préconise la réduction de 20 %  du nombre de conseillers municipaux - tout en maintenant le même nombre d'adjoints -, ce qui équivaudrait à la suppression de 100 000 mandats, une mesure destinée à "mieux identifier, mieux rémunérer, mieux protéger" les élus et à "rendre du pouvoir d'agir aux maires".

Ainsi, les indemnités des maires de moins de 20 000 habitants devraient être revues à la hausse. L'auteur du rapport plaide, par ailleurs, pour le retour du conseiller territorial, qui siègerait à la fois au conseil départemental et au conseil régional, et dont la création avait été validée en 2010, mais jamais appliquée. Ces conseillers seraient élus lors d'un scrutin cantonal.

Suppression de la métropole du Grand Paris

Autre proposition d'ordre électoral : le mode d'élection des maires de Paris, Lyon et Marseille, qui pose actuellement un "problème démocratique". Eric Woerth propose de désigner les édiles selon le "droit commun", par un scrutin de listes à deux tours. Une idée largement partagée au sein de la majorité présidentielle, des travaux en ce sens étant menés sous l'égide du chef de file des députés Renaissance, Sylvain Maillard. Eric Woerth plaide toutefois pour conserver les maires d'arrondissement.

Il propose par, ailleurs, de "nationaliser" le boulevard périphérique parisien, actuellement géré par la mairie de Paris. Il s'agit, selon le rapport, d'une simple "mise en cohérence" de la gestion des axes routiers d'Ile-de-France. Une suggestion qui intervient alors que la maire de la capitale, Anne Hidalgo, a annoncé la limitation à 50 km/h sur l'axe routier.

L'élu de l'Oise prône, en outre, la suppression de la Métropole du Grand Paris, constatant son "échec" à "porter des grands projets". Celles d'Aix-Marseille et de Lyon reçoivent une évaluation un peu plus favorable, mais n'échappent pas aux critiques sur leur fonctionnement ou leur gouvernance - l'ancien ministre allant jusqu'à préconiser une loi spécifique pour la métropole d'Aix-Marseille si les "blocages persistent". 

Pas de nouvel impôt local

Enfin, un large pan du rapport est consacré aux finances des collectivités territoriales. Hostile à la mise en place d'un nouvel impôt local, qui n'aurait pas de sens au lendemain de la suppression de la taxe d'habitation, Eric Woerth propose "d'ancrer dans la loi organique le partage de la fiscalité nationale entre l'Etat et les collectivités territoriales", en laissant à ces dernières un pouvoir de taux.

Une loi d'orientation des finances locales pourrait être votée en début de mandature, afin de fixer la trajectoire des recettes des collectivités. Le rapport préconise, par ailleurs, de "profondes modifications" dans la structure de financement de chacune des strates du mille-feuillle - fiscalité foncière pour le bloc communal, dotation de solidarité pour les départements, "fiscalité économique plus marquée" pour les régions.

Ce rapport va désormais faire l'objet de concertations entre l'exécutif et les associations d'élus, afin d'aboutir à un certain nombre de réformes, qui pourraient trouver leur chemin à travers plusieurs projets de loi, compte tenu de la diversité des propositions visant toutes, selon leur auteur, à "plus d’efficacité démocratique".