Élection présidentielle : l'Assemblée nationale s'oppose à l'instauration d'un système de parrainages citoyens

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Jean-Luc Mélenchon et Alexis Corbière dans l'hémicycle en octobre 2020
Les députés LFI Jean-Luc Mélenchon et Alexis Corbière dans l'hémicycle en octobre 2020 (Alain JOCARD / AFP)
par Raphaël Marchal, le Jeudi 6 mai 2021 à 09:04, mis à jour le Jeudi 6 mai 2021 à 15:15

L'Assemblée nationale a écarté jeudi 6 mai une proposition de loi de Jean-Luc Mélenchon. Le président du groupe La France insoumise proposait de mettre en place une procédure de parrainages citoyens pour valider une candidature à l'élection présidentielle, en parallèle du système déjà existant qui repose sur le soutien de 500 élus. 

Remédier à la "crise profonde qui touche la Vème République", et dont le symptôme le plus criant réside dans l'abstention grimpante, élection après élection. Tel était l'objectif affiché par le groupe La France insoumise, qui a commencé sa journée d'initiative parlementaire par l'examen d'une proposition de loi organique instaurant une procédure de parrainages citoyens pour permettre à un candidat de se présenter à l’élection présidentielle.

Parlant d'une "insurrection froide contre les institutions", le rapporteur du texte, Alexis Corbière, a insisté sur la nécessité de modifier un système actuel de parrainages qui "a vécu", afin de lutter contre une abstention qui "progresse chez les jeunes et parmi les catégories populaires". À l'heure actuelle, le système repose sur la collecte de 500 signatures d'élus, qui doivent être validées par le Conseil constitutionnel. "Cette sélection est une sorte de privilège des élus, un filtre parfois antidémocratique", a jugé Alexis Corbière.

Un système parallèle

Les députés insoumis proposaient non pas de supprimer cette méthode, mais d'y superposer une procédure citoyenne. Une candidature à la plus haute fonction de l'État aurait pu être validée par le recueil de 150 000 signatures de citoyens, à condition qu'ils soient issus d'au moins 30 départements ou collectivités d'outre-mer. Cette mesure a déjà été utilisée, de manière symbolique, par Jean-Luc Mélenchon au moment d'annoncer sa candidature à l'élection présidentielle de 2022, qu'il avait conditionnée à la collecte de 150 000 soutiens populaires.

"C'est ne rien connaître de dire que le contrôle des maires serait le meilleur des contrôles démocratique", a assuré le chef de file de La France insoumise au moment de défendre sa proposition de loi. Selon lui, le parrainage représente pour les maires de communes rurales "une corvée" et fait reposer sur eux de nombreuses pressions publiques et politiques, notamment depuis que leur soutien à un candidat est rendu public.

De nombreuses réserves

Tous ces arguments n'ont pas convaincu l'hémicycle, qui n'a pas adopté la proposition de loi, malgré le soutien de Marietta Karamanli (Socialistes et apparentés) et de Marie-George Buffet (Gauche démocrate et républicaine). Si la plupart des intervenants ont reconnu que le système actuel n'était pas exempt de tout défaut et qu'il fallait en effet œuvrer pour rapprocher les citoyens de la politique, les députés n'ont pas adhéré au système promu par Jean-Luc Mélenchon, soulevant de nombreuses "réserves".

Thomas Rudigoz (La République en marche) s'est inquiété à la fois du calendrier trop resserré pour introduire une telle évolution, à moins d'un an du premier tour de l'élection présidentielle de 2022, ainsi que de la complexité pour le Conseil constitutionnel à authentifier plusieurs millions de signatures dans un délai très court. Ce qui aurait constitué un "risque pour la sincérité du scrutin".

Paul Molac (Libertés et territoires) a pour sa part alerté sur le risque d'achat de parrainages qu'aurait entraîné l'apparition d'un tel système, mais également sur le danger de voir émerger des "candidatures fantaisistes". Une vision partagée par Thomas Gassilloud (Agir ensemble), qui y a vu un "risque exacerbé de dérive populiste". En outre, Pascal Brindeau (UDI et indépendants) a pointé la "mise en concurrence" que représenterait des candidats issus de deux systèmes différents, dont seulement certains pourraient se revendiquer "d'une souveraineté qui serait celle du peuple".

"Le parrainage des maires est essentiel"

la ministre déléguée chargée de l'Insertion, Brigitte Klinkert, s'est également opposée à l'instauration d'un système de parrainages citoyens. "Le rôle du parrainage des maires est essentiel. [...] Ils méritent toute leur place dans la procédure de candidature à l'élection présidentielle", a-t-elle plaidé, estimant que le système actuel permet de "concilier la clarté du scrutin et la diversité de l'offre politique. (...) Votre proposition manque sa cible". 

Plutôt que de mettre en place un système parallèle pour les candidatures à l'élection présidentielle, Brigitte Klinkert a estimé qu'il serait plus utile de "moderniser" le modèle politique français. Elle a évoqué le développement du modèle des conventions citoyennes, utilisé dans le cadre de la loi "climat et résilience", l'extension de la saisine du Conseil économique, social et environnemental par des pétitions ou la mise en place de plateformes numériques de consultation. "Nous sommes bien engagés dans le renouvellement de la démocratie", a-t-elle conclu.