Les députés ont terminé, samedi 17 avril, l'examen en première lecture du projet de loi "climat et résilience", après trois semaines de débats dans l'hémicycle. Expérimentation d'un "éco-score", rénovation des "passoires thermiques", ou encore fin de certaines lignes aériennes intérieures : LCP revient sur les mesures emblématiques du texte.
Au terme de trois semaines de débats, l'Assemblée nationale a achevé, samedi 17 avril, la première lecture du projet de loi "portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets". Passage en revue des points clés du texte avant le vote solennel prévu le 4 mai dans l'hémicycle.
Il s’agit de l’article premier du texte. Dans un souci de transparence vis-à-vis du consommateur, l’"éco-score" devra indiquer l'impact environnemental des vêtements, pour lesquels l’entrée en vigueur sera prioritaire, des produits alimentaires, ou encore de certains services. À l'issue d'une phase expérimentale d'une durée maximale de cinq ans, il pourra être rendu obligatoire en fonction des secteurs et sur décision de l'exécutif.
Un amendement d’Éric Bothorel (La République en marche) a été repris par le gouvernement, consistant à mettre à disposition en "données ouvertes" les éléments de l’affichage environnemental pour les produits concernés. Un amendement porté par Delphine Batho (non inscrite) avait proposé d’aller plus loin par la création d’un outil numérique sur le modèle de l’application Yuka, déclinée en matière d’empreinte carbone. La mesure n’a pas été retenue.
Un autre amendement, issu des bancs de la majorité mais ne bénéficiant pas du soutien du gouvernement, a en revanche été adopté. Il prévoit que le logo d’un drapeau français ne puisse être apposé que sur les produits textiles dont l’ensemble du processus de fabrication a eu lieu dans le pays. La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, avait estimé que la mesure revenait "à créer un nouvel affichage sur l’origine française des produits d’habillement" et que cela ne rentrait pas dans le cadre de la loi.
C'était l'une des critiques récurrentes faite sur le texte : la quasi-absence de mesures concernant le développement de la pratique du vélo. Cet impair a été réparé lors de l'examen du projet de loi dans l'hémicycle, avec l'ajout de plusieurs dispositions. Tout d'abord, en élargissant la prime à la conversion, prévue pour remplacer un vieux véhicule par une automobile neuve et moins polluante, aux vélos électriques. Mais également en majorant le bonus à l'achat de vélos cargos pour les entreprises, ou encore pour l'acquisition de véhicules lourds dotés de détecteurs d'angles morts, à condition qu'ils soient peu polluants.
Parmi les autres mesures retenues, figurent plusieurs incitations à développer les pistes cyclables ou les aires de stationnement pour les vélos. En commission spéciale, les élus avaient également adopté un amendement du rapporteur, Jean-Marc Zulesi, visant à intégrer le développement de parcs-relais sécurisés dans les plans de mobilité. L'objectif étant de favoriser son usage en cœur de ville après avoir pris les transports en commun.
Comme lors de la commission spéciale, sur l’un des aspects majeurs du texte touchant au volet aérien, les débats ont été vifs. Et là encore, les difficultés actuelles propres au secteur aéronautique se sont invitées dans l’examen du texte, de nombreux députés arguant de la nécessité de prendre en compte cette donnée dans l'objectif de décarbonation, en différant notamment certaines mesures.
L’interdiction des vols intérieurs en cas d’alternative en train d'une durée allant jusqu'à 2h30 a cependant été actée, après s’être heurtée à la vindicte des parlementaires "Les Républicains", mais aussi de certains socialistes. Cette disposition ne concerne pas les trajets liés à une correspondance. La France insoumise, qui a voulu revenir à la préconisation de la Convention citoyenne fixée à 4 heures, n’est pas parvenue à obtenir gain de cause.
Autre motif d’insatisfaction pour une partie de la gauche de l’hémicycle, le nombre d’exceptions à l’interdiction des projets d’extension d’aéroports.
Enfin, a été adoptée l’obligation de compensation carbone des émissions des vols intérieurs métropolitains ainsi que, sur une base volontaire, des vols depuis et vers l’Outre‑mer. Une mesure qualifiée de "tentative de diversion" par la députée de La France insoumise Mathilde Panot.
Il s'agit de l'un des points majeurs du projet de loi : la lutte contre les logements les moins bien isolés, et donc, les plus gourmands en énergie. Le projet de loi consacre plusieurs articles à ce thème, afin d'inciter les propriétaires-bailleurs à rénover les logements, en parallèle des aides financières existantes. Il instaure un classement unique, allant de A pour les logements les plus performants, à G pour les plus émetteurs de gaz à effet de serre.
Le texte prévoit en outre des interdictions progressives. Il fixe ainsi un gel des loyers pour les bailleurs de logements classés F et G, à compter d'un an après la publication de la loi. Les mesures seront durcies par étape, en passant à des interdictions de location : en 2025 pour les logements classés en G, en 2028 pour ceux classés en F et en 2034 pour ceux classés en E. À terme, ce sont 4,4 millions de logements qui seront concernés, s'est félicité le rapporteur, Mickaël Nogal.
De l'aveu même de Barbara Pompili, l'interdiction des terrasses chauffées ne représente pas l'alpha et l'oméga de la lutte contre le dérèglement climatique. Pour autant, comme l'a rappelé la ministre de la Transition écologique dans l'hémicycle, les terrasses chauffées émettent tout de même un demi million de tonne de CO2 par an. L'équivalent de 300 000 voitures. En commission, les élus ont décalé l'entrée en vigueur de la mesure, au 31 mars 2022. Il s'agissait de ne pas pénaliser outre mesure un secteur largement touché par la crise sanitaire due au Covid-19.
L'opposition a fait part de ses réserves sur cette mesure, jugée plus symbolique qu'efficace. Julien Aubert (Les Républicains) a fustigé un "modèle d'écologie déconnectée", qui pourrait selon lui favoriser la "détestation" des mesures écologiques. A contrario, François-Michel Lambert (Libertés et territoires) a regretté que ce dispositif ne soit pas étendu aux brumisateurs et aux climatiseurs, en été.
L'article 47 du texte définit l’objectif programmatique de réduction par deux du rythme de l’artificialisation sur les dix prochaines années, et ce par rapport à la décennie précédente.
La lutte contre l'artificialisation des sols sera en outre inscrite dans le code de l'urbanisme, au travers d'une définition retenant le critère d'"atteinte à la fonctionnalité des sols", et d'un objectif, à terme, de "Zéro artificialisation nette".
Forts du soutien du gouvernement, deux amendements de Jean-Luc Lagleize (MoDem) ont été adoptés, proposant d'inscrire la revalorisation des friches et la surélévation des bâtiments existants comme moyens privilégiés de la lutte contre l'artificialisation.
L’outil retenu pour concrétiser ce freinage de l’artificialisation des sols est la planification locale, au travers notamment des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), et des schémas de cohérence territoriale (Scot). Le rôle, déjà prépondérant, des collectivités territoriales dans la mise en œuvre de ce que le rapporteur Jean-René Cazeneuve a appelé la "sobriété foncière", sera donc exacerbé.
La fin des autorisations pour l’implantation ou l’extension engendrant une artificialisation des sols, de toutes les surfaces commerciales de plus de 10 000 mètres carrés, a été actée. De nombreux députés ont déploré les dérogations prévues pour les surfaces inférieures à 10 000 mètres carrés, et le fait que les entrepôts du e-commerce ne s'avèrent pas concernés par la mesure.
Dans le sillon de la loi EGalim, votée en 2018, l’article 59 conforte la possibilité pour les collectivités locales volontaires, de proposer, dans la restauration collective, une option végétarienne quotidienne. Cette expérimentation est prévue sur deux ans à compter de la promulgation de la loi. Au sein même de la majorité, Jean-Baptiste Moreau a déploré une mesure symbolique néfaste pour l’élevage français, quand Samantha Cazebonne a souhaité rendre obligatoire cette option au moins une fois par semaine. La France insoumise souhaitait quant à elle soumettre les collectivités locales à cette obligation, et de manière quotidienne, à partir du 1er janvier 2023. Ces amendements n’ont pas été adoptés, et la mesure en est restée au principe du volontariat.
Dès lors qu’elle propose un choix de repas multiples, la restauration collective de l’Etat, recouvrant les administrations et entreprises publiques, mais aussi les universités, sera en revanche dans l’obligation de proposer un menu végétarien hebdomadaire dès 2023.
"Il ne s’agit pas d’instaurer une taxe, qui fait peur, il s’agit de faire confiance", a martelé le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation Julien Denormandie à propos des articles 62 et 63 du projet de loi.
De fait, si la redevance sur les engrais azotés n’est pas créée en tant que telle par le texte, la possibilité de le faire y est inscrite noir sur blanc. "La France s’est engagée dans une réduction de l’ammoniac et du protoxyde d’azote", a rappelé le ministre. "Avec méthode, on fait confiance au monde agricole pour tenir ces engagements qu’on s’est déjà fixés, mais dans le cas où la courbe pour atteindre ces engagements ne serait pas atteinte, et dans le cas où les débats au niveau européen n’auraient pas permis d’avancer, alors le Parlement envisagerait l’instauration d’une redevance", a-t-il précisé juste après.
En d’autres termes, pour que la menace brandie soit mise à exécution, il faudrait que les objectifs annuels de réduction des émissions ne soient pas atteints pendant deux années consécutives, et sous réserve de l’absence de dispositions équivalentes dans le droit européen. Les objectifs en question prévoient une réduction de 13 % des émissions d’ammoniac en 2030 par rapport à 2005, et de 15 % des émissions de protoxyde d’azote en 2030 par rapport à 2015.
L'article 68 du projet de loi crée un nouveau délit d'écocide, censé répondre à la demande des 150 citoyens de créer un crime d'écocide. Le nouveau délit s’appliquera "aux atteintes les plus graves à l’environnement au niveau national", à la condition que les dommages causés soient susceptibles de durer au moins dix ans. Les peines, hiérarchisées en fonction du caractère intentionnel de l'infraction, pourront aller jusqu'à dix ans de prison et 4,5 millions d’euros d’amende (ou "au décuple de l'avantage tiré de l'infraction").
Le rapporteur, Erwan Balanant (MoDem), a justifié le choix de privilégier le délit, jugeant qu'un crime d'écocide n'aurait "pas d'intérêt dans le droit national". Un choix contesté par certains députés de l'opposition, défavorables à l'utilisation du mot "écocide" accolé à un simple délit. Gérard Leseul (PS) a jugé qu'il s'agissait d'un sujet trop important pour être "galvaudé". Répondant à Barbara Pompili, qui avait déclaré qu'un écocide n'était pas tout le temps "spectaculaire", Julien Aubert (LR) s'est lui aussi élevé contre ce choix sémantique. "Est-ce que vous diriez : un acte de terrorisme, un génocide, un homicide, ce n'est pas forcément spectaculaire ? Bien évidemment que non", a-t-il tancé, déplorant un choix politique.