Énergie : un moratoire sur l'éolien et le photovoltaïque voté de justesse à l'Assemblée nationale

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par Maxence Kagni, le Jeudi 19 juin 2025 à 18:00, mis à jour le Vendredi 20 juin 2025 à 11:07

A une courte majorité, les députés ont adopté un amendement du groupe "Droite républicaine" instaurant un moratoire "sur le développement de nouvelles installations de production d'électricité utilisant l'énergie photovoltaïque et éolienne". Principalement voté avec les voix du groupe "Rassemblement national", cet amendement s'inscrit dans un texte de programmation énergétique à l'avenir incertain.

65 voix "pour" et 62 "contre". Ce jeudi 19 juin, un moratoire "sur le développement de nouvelles installations de production d'électricité utilisant l'énergie photovoltaïque et éolienne" a été voté à l'Assemblée nationale (détail du scrutin à consulter ici). C'est un amendement du député Jérôme Nury (Droite républicaine) qui été adopté, contre l'avis du gouvernement, dans le cadre de l'examen en première lecture de la proposition de loi "portant programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035". 

"Nous ne sommes pas contre ces technologies, mais nous considérons qu'il y a saturation sur de nombreux territoires", a expliqué Jérôme Nury au moment de défendre son amendement dans l'hémicycle du Palais-Bourbon. L'élu a aussi mis en avant un risque "d'accaparement des terres agricoles" et des "risques d'un black-out selon le calibrage que l'on fera [de ces technologies]".

L'amendement adopté prévoit que l'instauration du moratoire sera effective "pendant toute la durée nécessaire à la réalisation d'une étude objective et indépendante visant à déterminer le mix énergétique optimal pour la France, sur les plans économique et environnemental". Selon Jérôme Nury, cette étude pourrait prendre "six mois, trois mois, ou moins".

Aucune nouvelle demande d'autorisation, de permis ou de raccordement concernant de telles installations ne pourra être déposée ou instruite (...) pendant la durée du moratoire. Extrait de l'amendement adopté

"Parfaitement irresponsable", selon Marc Ferracci

Le gouvernement n'a pas soutenu la démarche des députés de la Droite républicaine. Au contraire. "L'étude que vous demandez est déjà lancée", a réagi le ministre chargé de l'Industrie et de l'Energie, Marc Ferracci, évoquant une étude de RTE à laquelle doivent être "associés" des parlementaires. "Le gouvernement est engagé à documenter l'ensemble des coûts que génèrent l'ensemble des énergies renouvelables", a-t-il ajouté.

L'amendement a été adopté grâce aux voix Rassemblement national : 57 des 65 voix "pour" émanent du groupe présidé par Marine Le Pen. "Contrairement à [la Droite républicaine], nous ne pensons pas qu'il y a trop [d'éoliennes], nous pensons toujours qu'il ne doit pas y en avoir du tout", a déclaré Maxime Amblard (RN). Selon lui, l'éolien et le photovoltaïque "font structurellement monter les prix de l'électricité" notamment en raison des coûts de leur raccordement au réseau.

Le rapporteur du texte, Antoine Armand (Ensemble pour la République) a dénoncé l'issue du vote, la qualifiant de "catastrophe économique et industrielle". "Ce qui a été adopté est parfaitement irresponsable", a pour sa part réagi le ministre Marc Ferracci, qui a évoqué un scrutin "dévastateur".

La gauche, à l'instar de Matthias Tavel (La France insoumise), a fustigé un vote "contre l'intérêt du pays" : "La France n'aura pas l'électricité dont elle a besoin dans les cinq ou les dix ans qui viennent", a estimé l'élu, déplorant "le sabotage délibéré, organisé, par un parti du gouvernement, contre le gouvernement".

"Regardez vos enfants en face et dites leur ce que vous êtes en train de faire, ce que vous faites au fond c'est de mettre leur vie en danger !" a, quant à elle, lancé Sandrine Rousseau (Ecologiste et Social). "Vous ne pouvez pas nous reprocher d'avoir proposé une mesure qui était au coeur du programme de Marine Le Pen", a répondu Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national), demandant à ses collègues "où sont les députés écologistes qui auraient pu faire barrage à ce qui 'menace l'humanité' ?

Ce vote de l'Assemblée nationale n'est cependant pas définitif. Après son éventuelle adoption lors d'un vote solennel prévu mardi prochain, le 24 juin, la proposition de loi devra en effet retourner au Sénat pour une deuxième lecture. Sans certitude sur l'avenir du texte alors que le gouvernement a indiqué qu'il publiera la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) par décret "avant la fin de l'été".