Énergies renouvelables : un an après la loi, les députés pointent un retard à l'allumage

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par Raphaël Marchal, le Jeudi 15 février 2024 à 16:40

Un peu plus d'un an après le vote de la loi relative à "l'accélération de la production d’énergies renouvelables", une mission d'évaluation de l'Assemblée nationale a rendu son rapport mardi 13 février. Alors que la loi a été promulguée le 10 mars 2023, seulement une dizaine de décrets ont été publiés. Le constat est plus favorable sur l'application de la loi relative à "l'accélération" du nucléaire. 

Voter la loi et... s'assurer de son application. Outre leur travail de législateur, les députés s'emparent de plus en plus de leur rôle de contrôle de l'action du gouvernement. C'est dans ce cadre que la mission d'application de la loi du 10 mars 2023 relative à "l'accélération de la production d'énergies renouvelables" a présenté son rapport, mardi 13 février, devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale

Cette loi prévoyait notamment une planification territoriale des énergies renouvelables, la simplification des procédures, ainsi que le déploiement massif de l'éolien en mer et le développement du solaire. Mais un an plus tard, les rapporteurs de la mission d'application établissent un bilan jugé décevant. Sur les 32 textes réglementaires prévus par la loi, seule une dizaine a été publiée à ce jour, a notamment pointé Henri Alfandari (Horizons). "C'est peu au regard de l'urgence à déployer les énergies renouvelables", a concédé l'élu de la majorité présidentielle, faisant part de sa "déception" quant à la mise en œuvre de la loi.

Ce retard peut s'expliquer par la "volonté de consultation" du gouvernement, mais cela ne "doit pas empêcher la volonté d'accélération prônée par la loi", a pour sa part observé Eric Bothorel (Renaissance), appelant le gouvernement à "publier les décrets qui auraient déjà dû l'être".

"Si cette loi devait être une loi d'accélération, elle ne s'est pas traduite par une réactivité accrue des ministères", a cinglé Maxime Laisney (La France insoumise). Outre la non-parution de "près de 70 % des décrets", "la plupart des rapports prévus n'ont pas été rendus, et les instances qui devaient être créées, comme l'Observatoire des énergies renouvelables, n'existent toujours pas", a-t-il dénoncé, déplorant par ailleurs la disparition d'un ministère de la Transition énergétique de plein exercice, ce sujet étant passé sous la tutelle de Bercy.

"Manque de coordination", "kafkaïen"... 

En outre, plusieurs députés ont critiqué l'absence de définition d'objectifs chiffrés en matière de déploiement d'énergies renouvelables dans la loi, ainsi que certains choix opérés lors de la finalisation du texte au Parlement. "La commission mixte paritaire a tablé sur une planification communale, à l'heure de l'intercommunalité. C'est ubuesque", a fulminé Dominique Potier (Socialistes), tandis qu'Henri Alfandari (Horizons) a relevé le travail "laborieux des élus locaux" et le "manque de coordination entre les différents échelons".

Maxime Laisney (LFI), dont le groupe a voté contre le projet de loi, a quant à lui tempêté contre certaines mesures, notamment la définition de "zones d'accélération", réputées plus favorables à l'installation de dispositifs d'énergies renouvelables. "On demande à des élus de définir des zones d'accélération, censées correspondre à des objectifs qui n'existent pas. Ces zones devront être redéfinies lorsque la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) sera adoptée, et revues une nouvelle fois lorsque la France transposera les futures exigences européennes. C'est kafkaïen !"

Un satisfecit et quelques fragilités pour la relance du nucléaire

En parallèle, la mission d'application de la loi du 22 juin 2023 relative à "l'accélération de la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites déjà existants" a rendu un constat plus engageant. Pour rappel, cette loi doit faciliter les procédures administratives dans le but d'accélérer la construction de nouveaux réacteurs de type EPR2, prévus sur les sites nucléaires existants de Penly (Seine-Maritime), Gravelines (Nord) et Bugey (Ain). "Dès le 29 juin, EDF et RTE ont déposé leur demande d'autorisation pour Penly", a souligné Maud Bregeon (Renaissance).

Sur les six mesures réglementaires d'application immédiates que comportait le texte, trois ont été publiées - relatives au contrôle de conformité, à l'autorisation de travaux et à la reconnaissance de l'intérêt majeur de la construction de réacteurs. Deux autres sont actuellement examinées par le Conseil d'Etat dans un même projet de décret. L'ultime disposition réglementaire, relative aux modalités de paiement de la taxe d'aménagement, devrait être publiée au cours du premier semestre de 2024.

"Ce bilan est satisfaisant, étant donné que le travail est bien avancé sur les mesures manquantes", a commenté Maud Bregeon. Avant de revenir sur l'une des interrogations qui restaient en suspens : la notion de "proximité immédiate" des installations déjà existantes. Le projet de décret prévoit ainsi une limite de 500 mètres pour les installations situées sur le littoral, et de 5 kilomètres - ou relevant du plan particulier d'intervention (PPI) existant, sous conditions.

Co-rapporteur de la mission d'application, Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine) a relevé quelques points de fragilité dans l'application de la loi, déplorant avant tout "l'absence de stratégie globale" sur le nucléaire et d'une loi programmatique. Se penchant plus spécifiquement sur le cas de la centrale de sa circonscription, celle de Penly, l'élu communiste a jugé que "ce sont les impensés de la loi qui posent question sur le terrain". Ainsi, le texte ne prend pas en compte le foncier supplémentaire que vont nécessiter les installations annexes à l'enceinte nucléaire (parkings, espaces de vie, logements temporaires ou pérennes).

"La loi ne prend pas en compte ces aménagements", a-t-il regretté. À Penly, ces infrastructures devraient nécessiter 150 hectares supplémentaires, contre 48 hectares pour les nouveaux réacteurs. Un casse-tête pour les élus locaux, confrontés aux enjeux de l'objectif zéro artificialisation nette des sols (ZAN). "Cet impensé pourrait être un vrai sujet." Sébastien Jumel a, par ailleurs, insisté sur l'enjeu de formation des personnels et de la main-œuvre qualifiée requise par ces futures installations alors que, jusqu'à cette loi, les incertitudes sur les perspectives d'avenir du nucléaire, ainsi que les projets de fermeture de centrales, avaient mis la filière en souffrance.