L'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité, en première lecture, la proposition de loi visant à "réduire l’impact environnemental de l’industrie textile", examinée dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe Horizons. Destiné à freiner la "fast fashion", ce texte prévoit d'interdire la publicité pour la vente de vêtements à prix cassés et un malus environnemental renforcé pour les rendre moins attractifs.
"En l'espace de deux décennies, le prix moyen des vêtements a diminué de 30%. En parallèle les quantités achetées ont doublé : on parle de 3,3 milliards de vêtements mis sur le marché chaque année, un milliard de plus qu'il y a dix ans", a déclaré Anne-Cécile Violland (Horizons) en ouverture de la discussion de sa proposition de loi visant à "réduire l'impact environnemental de l'industrie textile".
"Or, ces prix bas ne sont rendus possibles qu'au détriment du respect d'exigences sociales et environnementales élémentaires", a-t-elle poursuivi. Rendant l'encadrement des méthodes de l'industrie du textile, et plus précisément de la pratique de la "fast fashion" ou "mode jetable", nécessaire à ses yeux. Cette stratégie de production et de commercialisation, employée par des enseignes comme Shein ou Temu, consiste à mettre sur le marché un multitude de modèles de vêtements à très faibles prix, favorisant la surconsommation et générant une importante pollution.
Concrètement, l'enjeu principal de la proposition était de définir la "fast fashion". Le texte adopté propose qu'un décret, qui sera pris par le gouvernement, fixe les "seuils" à partir desquels une entreprise sera considérée comme pratiquant de la "fast-fashion", en fonction du nombre de vêtements mis sur le marché chaque année. Il prévoit aussi que les industries concernées soient tenues d'informer les consommateurs sur "l’impact environnemental" de leurs achats et "les possibilités de réemploi et de réparation des vêtements et accessoires".
La proposition de loi vise, en outre, à instituer un système de "bonus/malus". Par ce mécanisme, les entreprises les moins vertueuses reverseront aux plus vertueuses les pénalités qui leur seront appliquées. Enfin, les députés ont voté pour "interdire toute forme de publicité" aux marques produisant et vendant de la "mode éphémère".
Le texte, adopté à l'unanimité en première lecture ce jeudi 14 mars à l'occasion de la journée d'initiative parlementaire des députés Horizons, a été salué par l'ensemble des groupes et soutenu par le gouvernement. Il a toutefois fait l'objet d'une discussion animée, 208 amendements ayant été déposés en amont de son examen dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.
Plusieurs amendements visant à élargir les objectifs originels du texte ont été adoptés. Pour inciter au réemploi, le gouvernement a fait adopter un amendement précisant que le texte "ne vise que le neuf et pas la seconde main", tandis qu'Huguette Tiegna (Renaissance) a proposé de clarifier que "les pratiques de déstockage de produits textiles invendus ne relèvent pas" de la "fast fashion" lorsque "le déstockage est le fait de vendeurs qui ne possédaient pas les produits à l'origine."
Le gouvernement a également fait préciser que les échanges pratiqués sur les "places de marché", ces plateformes en ligne qui mettent en relation des vendeurs et des acheteurs, peuvent relever de la "fast fashion". Enfin, un amendement d'Antoine Vermorel-Marques (Les Républicains), est venu mettre en place des "pénalités progressives dissuasives" de "cinq euros par produit en 2025" jusqu'à "dix euros par produit en 2030", afin de rendre les prix de ces produits moins attractifs pour les consommateurs.
Les députés ne sont, en revanche, pas parvenus à trouver d'accord sur deux points majeurs, qui ont fait l'objet de longues discussions. Tout d'abord, plusieurs groupes politiques ont critiqué le choix fait par la rapporteure de laisser au gouvernement la charge d'établir par décret les seuils permettant de définir la pratique de la mode jetable. "J'ai malheureusement l'expérience passée d'une loi très ambitieuse, la loi sur l'économie circulaire, qui n'a jamais été appliqué dans les faits parce que le gouvernement n'a jamais pris les décrets qu'il fallait pour l'appliquer réellement", a déclaré Alma Dufour (La France insoumise). "C'est ce qui risque de se passer sur ce texte : Docteur Béchu est d'accord, mais que dit Mister Le Maire ? Je sais qu'il est un peu plus réservé", a-t-elle ajouté.
La mise en place de "critères sociaux", afin d'informer le consommateur du respect des droits humains dans le processus de production des vêtements, a également fait l’objet d'amendements de plusieurs groupes (Rassemblement national, Socialistes, Gauche Démocrate et Républicaine), qui ont rappelé le scandale du Rana Plaza, ou encore le travail forcé des Ouïghours en Chine. Mais "l’ultra-fast fashion n'est pas le bon réceptacle pour poser une règle globale" pour "lutter contre le dumping social" a estimé Christophe Béchu, disant souhaiter "rester dans l'objectif du texte" au nom de "son efficacité".
Le ministre de la Transition écologique a néanmoins voulu montrer qu'il avait entendu les demandes formulées en ce sens. Il a ainsi annoncé qu'il lancera, "dans les deux mois qui viennent", une mission pour établir des "bases tangibles de construction de critères" sociaux et écologiques, afin de mieux informer les consommateur. "C'est un engagement formel que je prends ici devant la représentation nationale", a-t-il dit.
Après son adoption en première lecture à l'Assemblée nationale, la proposition de loi devra maintenant poursuivre son parcours législatif au Sénat.