Fin de vie : les députés entament deux semaines d'examen dans l'hémicycle de l'Assemblée

Actualité
par Maxence Kagni, le Lundi 12 mai 2025 à 22:05, mis à jour le Samedi 17 mai 2025 à 17:53

L'Assemblée nationale a commencé, ce lundi 12 mai, l'examen de la proposition de loi relative "à l’accompagnement et aux soins palliatifs" et de la proposition de loi relative "au droit à l’aide à mourir" par une discussion générale commune. Dans la foulée, les députés ont entamé l'étude du texte consacré aux soins palliatifs, puis ils débattront de celui dédié à l'aide à mourir. A ce stade, l'examen de ces deux textes est prévu jusqu'au 23 mai.

L'Assemblée nationale s'empare une nouvelle fois de la question de la fin de vie. Les députés ont débuté, ce lundi 12 mai 2025, l'examen de la proposition de loi relative "à l’accompagnement et aux soins palliatifs" et de la proposition de loi relative "au droit à l’aide à mourir", selon l'intitulé des textes à l'issue de leur adoption par la commission des affaires sociale, par une discussion générale commune. "Nous allons débattre d'un sujet qui nous concerne tous", a salué dans l'hémicycle Annie Vidal (Ensemble pour la République), co-rapporteure de la proposition de loi sur les soins palliatifs.

"Oui, c'est une loi de liberté, la liberté de disposer de sa mort, à l'image de la liberté de disposer de son corps, que nous avons sanctuarisé dans notre onstitution", a quant à lui décalré Olivier Falorni, le rapporteur général de la proposition sur l'aide à mourir Le travail parlementaire reprend un an après l'interruption des débats sur le projet de loi "relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie", qui avaient été stoppés par la dissolution de l'Assemblée nationale, prononcée le 9 juin 2024 par Emmanuel Macron.

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Mais cette fois, le gouvernement a choisi de dissocier le sujet des soins palliatifs et le sujet de l'aide à mourir, traités dans deux propositions de loi différentes. "C'est clairement une décision unilatérale du Premier ministre" François Bayrou, a déploré sur LCP Agnès Firmin Le Bodo (Horizons), quelques minutes avant le début du coup d'envoi des débats. La députée, qui avait présidé la commission spéciale chargé d'examiner le projet de loi lors de la précédente législature, qualifie cette dissociation de "mauvaise idée" qui "revient à vouloir opposer" les soins palliatifs à l'aide à mourir.

Catherine Vautrin fixe le cadre

"Ces deux textes ne s'opposent pas, ne se contredisent pas", a d'emblée répondu la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, à la tribune de l'Assemblée nationale. Et d'insister sur la volonté du gouvernement de "développer les soins palliatifs" pour "affirmer que la République ne détourne jamais le regard de la souffrance". Catherine Vautrin, qui a estimé que la loi Claeys-Leonetti "ne répond pas à toutes les situations", a ensuite défendu l'introduction dans le droit français d'une aide à mourir : "Il est des souffrances qu'aucun traitement aujourd'hui ne peut plus apaiser", a-t-elle déclaré.

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La ministre a expliqué les dispositions que le gouvernement souhaite mettre en œuvre pour préciser encore l'encadrement de l'aide à mourir telle que prévue par le texte à l'issue de son examen en commission. Celle-ci, a-t-elle rappelé "ne s'adressera qu'au patient en phase avancée ou terminale d'une maladie grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé". La ministre souhaite, en outre, inscrire dans le texte la définition de la "phase avancée", formulée fin avril par la Haute autorité de santé.

Le gouvernement veut aussi rétablir la rédaction initiale de la proposition de loi, qui prévoyait que l'auto-administration de la substance létale était la règle : "Ce n'est que dans de rares exceptions, lorsque l'état physique du patient ne le permet pas, qu'un professionnel de santé pourrait intervenir." Catherine Vautrin espère également que les députés voteront en faveur de la réinstauration d'un "temps de réflexion incompressible" de 48 heures pour le patient ayant vu sa demande d'aide à mourir acceptée par le médecin.

Enfin, comme c'est déjà le cas du texte en l'état, le gouvernement ne souhaite pas que la demande d'aide à mourir puisse être "formulée par l'intermédiaire des directives anticipées" : "Le discernement du patient doit être plein et constant tout au long du processus." La ministre a également pris la défense des cinq critères cumulatifs* permettant d'être éligible à l'aide à mourir : "Ce sont autant de garanties, en modifier un seul reviendrait à déséquilibrer l'ensemble du dispositif."

"Une avancée majeure" pour certains députés

Parmi les soutiens de la proposition de loi relative à la fin de vie, Philippe Vigier (Les Démocrates) a salué un "texte équilibré et solide", tandis que Laurent Mazaury (LIOT) a jugé "légitime et nécessaire d'accompagner celles pour lesquelles la souffrance est devenue insupportable et inévitable".

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"Sur notre chemin, les obstacles ont été nombreux, (...) mais rien ne saurait arrêter cette marche tant elle est portée par les Français et leurs angoisses, par les malades et leurs souffrances", a ajouté Agnès Firmin Le Bodo (Horizons). "Elles sont rares les occasions d'octroyer de nouveaux droits fondamentaux à notre époque", a pour sa part estimé Karen Erodi (La France insoumise), qui a salué une "avancée majeure pour notre société", tandis qu'Océane Godard (Socialistes) son groupe voterait le texte "pour la dignité, pour la liberté d'être et d'agir". Compte tenu de la particularité du sujet - l'aide à mourir - qui touche aux convictions et à l'intime, la liberté de vote sera de mise dans l'ensemble des groupes politiques représentés à l'Assemblée nationale. 

3081 amendements à étudier

Les opposants ont également fait entendre leur voix : "Les critères sont flous, mouvants, vulnérables aux interprétations", a ainsi déploré Hanane Mansouri (Union des droites pour la République). "Sous couvert de solidarité, ce texte introduit une rupture, l'abandon institutionnalisé par la mise à mort", a-t-elle fustigé. "L'interdiction de tuer est un élément fondateur de notre civilisation", a renchéri Sandrine Dogor-Such (Rassemblement national). Signe des nuances, voire des fractures, qui traversent tous les groupes, son collègue Gaëtan Dussaussaye (RN), "favorable à une aide à mourir", a demandé l'organisation d'un "référendum en la matière".

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"Le texte ouvre l'euthanasie à des personnes qui ont potentiellement plusieurs années à vivre", a quant à lui regretté Philippe Juvin (Droite républicaine). "Notre crainte c'est de voir des concitoyens réclamer le suicide assisté parce qu'ils n'auraient pas eu accès aux soins palliatifs", a commenté son collègue Patrick Hetzel (DR). Interrogé par LCP quelques minutes avant le début de l'examen, ce dernier a nié toute "volonté d'obstruction", malgré l'important nombre d'amendements déposés par son groupe.

Favorable au texte, Hadrien Clouet (La France insoumise) a profité de son passage à la tribune de l'Assemblée nationale pour dénoncer les "1 100 amendements d'obstruction pure du RN et de l'UDR". Les députés doivent examiner 3 081 amendements pendant les débats, à l'issue desquels auront lieu deux votes solennels, un sur chaque proposition de loi, programmés le mardi 27 mai 2025 : "Moi, je ne vois pas d'obstruction sur ce texte", a déclaré Yaël Braun-Pivet, engagée de longue date en faveur de l'aide à mourir. La présidente de l'Assemblée nationale a, en revanche, mis en garde les députés : "J'entends que chacun, quelles que soient ses convictions, soit à la hauteur d'un débat que les Français attendent, j'y veillerai personnellement."

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Les conditions d'accès à l'aide à mourir

(selon l'article 4 du texte, tel qu'adopté par les députés en commission des affaires sociales, avant les débats dans l'hémicycle)

  • Être âgé d’au moins 18 ans,
  • Être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France,
  • Être atteint d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale,
  • Présenter une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsque celle‑ci a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement,
  • Être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.