Fin de vie : "un accès aux soins palliatifs insatisfaisant", pointe la mission d'évaluation de l'Assemblée

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par Soizic BONVARLET, le Mercredi 29 mars 2023 à 09:47, mis à jour le Jeudi 30 mars 2023 à 16:12

La mission d'évaluation de la loi du 2 février 2016 relative à la fin de vie a présenté ses conclusions, mercredi 29 mars, devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée. À l'issue de trois mois de travaux, le rapport met notamment en évidence l'absence de culture palliative en France, ainsi que la méconnaissance de certains droits chez les patients, mais aussi chez les soignants. 

Adopté à l'unanimité, le rapport de la mission d'évaluation de la loi du 2 février 2016, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie dite "Claeys-Leonetti", est le résultat de 31 auditions menées à l'Assemblée nationale auxquelles se sont ajoutées une série de déplacements au sein de structures hospitalières et d'unités de soins palliatifs, ainsi que des visites auprès de patients en fin de vie et de leurs familles.

Loin de se prononcer sur la question de l'aide active à mourir, prérogative qui ne faisait pas partie de leur cahier des charges, le président de la mission Olivier Falorni (Démocrate), et les deux co-rapporteurs Caroline Fiat (La France insoumise) et Didier Martin (Renaissance), ont tout au long de leurs travaux gardé un oeil sur ceux de la Convention citoyenne chargée elle, de statuer sur une évolution éventuelle de la loi. Olivier Falorni a ainsi salué le "très bon travail" mené par la Convention dont le résultat sera rendu le 2 avril. Le lendemain, les conventionnels seront reçus par le président de la République. Le 19 février, les 180 citoyens tirés au sort s'étaient très largement prononcés en faveur de l'introduction d'une aide active à mourir lors d'un vote organisé sur le sujet.

Soins palliatifs : une situation qui n'est "pas satisfaisante"

À l'issue de leurs travaux, le président de la mission et ses co-rapporteurs ont souligné l'extrême carence en termes d'offre de soins palliatifs, ainsi que les disparités territoriales en la matière. Caroline Fiat a notamment rappelé que 21 départements ne disposaient actuellement pas d'unités de soins palliatifs et que deux-tiers des malades qui devraient pouvoir en bénéficier n'y avaient pas accès. Le rapport pointe ainsi "un accès aux soins palliatifs insatisfaisant". 

C'est toute la culture médicale qui doit évoluer et intégrer la dimension palliative au cours du parcours de soins du malade. Caroline Fiat (LFI)

Parmi les recommandations du rapport afin d'impulser une réelle "culture palliative" qui fait aujourd'hui défaut, Caroline Fiat a notamment évoqué le fait de rendre la filière plus "attractive", voire d'en faire "une discipline autonome" dans le parcours de formation des médecins. La députée, aide-soignante de profession, a également souhaité que "les prises en charge curative et palliative [puissent] être menées conjointement", et non désolidarisées l'une de l'autre. Didier Martin a, pour sa part, estimé que l'entrée en soins palliatifs devait pouvoir être abordée comme "une nouvelle étape de la vie", même s'il s'agit de la dernière.

Sédation profonde et continue : une disposition peu appliquée

Sur la sédation profonde et continue, qui en étant inscrite dans la loi, a fait partie des grandes innovations du texte d'Alain Claeys et de Jean Leonetti en 2016, Olivier Falorni a évoqué une évolution législative "intéressante", mais "très peu appliquée".

Cette pratique médicale - qui peut être demandée lorsque le pronostic vital est engagé à court terme, et qui consiste en la combinaison d'une analgésie et d'un arrêt de tous les traitements, de la nutrition et de l'hydratation du patient -, a également été considérée comme le "grand apport de la loi Claeys-Leonetti" par Didier Martin.

Au-delà du dispositif lui-même, Olivier Falorni a déploré les difficultés de la mission à obtenir des données quantitatives, la sédation profonde et continue demeurant un acte qui n'est pas codifié et dont l'évaluation repose uniquement sur des données déclaratives. Le président de la mission a jugé comme symptomatique du manque d'application de ce dispositif - visant à soulager la souffrance sans intention de donner la mort -, une déclaration de Jean Leonetti lui-même. Lors de son audition le 12 janvier dernier, celui-ci avait indiqué qu'aujourd'hui encore, "12% des malades hurlent de douleur dans les hôpitaux parisiens".

Parmi leurs recommandations, le président et ses co-rapporteurs proposent d'inscrire dans la loi la notion de "sédation adaptée", afin de répondre à la situation de ces patients "qui n'en finissent pas de mourir" et de pouvoir, dans certains cas, "accélérer" le processus de sédation.

"Le cadre législatif actuel n'apporte pas de réponse à toutes les situations de fin de vie, en particulier lorsque le pronostic vital n'est pas engagé à court terme", a tenu à souligner Caroline Fiat. Si le rapport de la mission d'évaluation ne formule aucune préconisation concernant l'aide active à mourir, la députée a estimé qu'il aurait été "malhonnête" d'éluder la question dans ses conclusions. "Nous n'avons pas posé une seule question sur l'aide active à mourir, pourtant tous nos interlocuteurs nous en ont parlé", a indiqué Olivier Falorni, lui-même auteur d'une proposition de loi en 2021 visant à la légaliser. "Il sera important que le législateur, à la suite de la Convention citoyenne, débatte et se positionne prochainement sur cette question", a aussi considéré Caroline Fiat.

En septembre dernier, Emmanuel Macron, après avoir annoncé le lancement d'une Convention citoyenne sur le sujet, avait indiqué "envisager les précisions et évolutions de notre cadre légal d’ici à la fin de l’année 2023".