Glyphosate : sept millions d'euros supplémentaires dans la recherche d'alternatives

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Le glyphosate n'est pas encore interdit en France AFP
par Ariel Guez, le Jeudi 5 novembre 2020 à 11:48, mis à jour le Mardi 5 janvier 2021 à 17:44

Devant les députés de la mission d'information sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate, la ministre de la Transition écologique et le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation ont annoncé, jeudi le 5 novembre, que sept millions d'euros supplémentaires allaient être investis dans la recherche d'alternatives à l'herbicide, dont l'utilisation va être fortement réduite en 2021.

La France finira-t-elle par interdire l'utilisation du glyphosate sur son sol et à quelle échéance ? Après avoir promis de stopper, à l'horizon 2021, l'usage de cet herbicide, classé comme "cancérogène probable" par l'OMS en 2015, Emmanuel Macron a décidé que, tout en réduisant son utilisation, plus de temps était nécessaire pour ne pas pénaliser l'agriculture française. Et le mois dernier, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a publié un rapport au terme duquel elle indique : "L'usage de la substance est dorénavant restreint aux situations où le glyphosate n'est pas substituable à court terme. Ces restrictions sont désormais prises en compte par l'Agence pour délivrer les autorisations de mise sur le marché des produits à base de glyphosate." 

Jeudi, devant les députés de la  mission d'information sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, qui était auditionnée avec son collègue de l'Agriculture, Julien Denormandie, a de nouveau réaffirmé "la détermination du gouvernement à interdire le glyphosate dès lors qu'une alternative existe." Les deux ministres ont annoncé que sept millions d'euros supplémentaires allaient être mis sur la table pour accélérer la recherche d'alternatives. 

Une ligne en plus dans le PLF 2021

L'objectif, dit Julien Denormandie, est "de mettre le paquet pour identifier les solutions face aux éléments de blocage qui sont devant nous aujourd'hui." Car l'Anses n'accorde des autorisations de mise sur le marché du glyphosate que si, et seulement si, aucune alternative existe.

"Il y a actuellement un plan de trente millions d’euros sur six ans, mais on va aller encore plus vite en consacrant dès le budget de cette année sept millions d’euros supplémentaires à la recherche dans les alternatives au glyphosate", a détaillé le ministre de l'Agriculture, reprenant ainsi un amendement de Julien Dive, président de la mission d'information, ce dont le député LR de l'Aisne s'est réjoui. 

Un renforcement de la "task-force" sur la sortie du glyphosate

Mais au-delà d'un investissement dans la recherche, Julien Denormandie a affirmé que l'accompagnement de chaque filière était primordial. Pour ce faire, le gouvernement a créé il y a deux ans une "task-force", confiée à Pierre-Etienne Bisch, l'ancien préfet du Loiret. L'exécutif a décidé "de renforcer significativement cette structure d'accompagnement" en nommant comme un nouveau chef de projet. "Un ingénieur en chef très compétent sur ces sujets", selon le ministre et "qui aura pour mission d'accompagner le préfet Bisch dans la transition."

Pour les agriculteurs, cette transition aura forcément un coût. Pour le réduire au maximum, Julien Denormandie a mis en avant le plan de relance du gouvernement qui dispose de lignes budgétaires à propos des équipements des exploitations agricoles.

A court terme, dans le projet de loi de finances 2021 étudié cet automne à l'Assemblée nationale, le gouvernement proposera un amendement visant à créer un "crédit d'impôt HVE (Haute valeur environnementale)", notamment sur les vins, a annoncé le ministre. Des annonces qui ont satisfait les élus du Palais Bourbon, qui voient en elles des "planchers" pour aller ensuite plus loin.

Interdiction future de l'herbicide dans "l'ensemble des lieux de vie"

En attendant de trouver des alternatives, "la France va dans le bon sens", a plaidé Barbara Pompili. Certes, l'interdiction totale du glyphosate n'est pas encore en vigueur, "mais la tendance est la baisse", s'est réjouit la ministre. Selon elle, les usages non-agricoles du glyphosate ont diminué de deux tiers depuis 2012. "Nous allons amplifier ce mouvement car nous allons interdire le glyphosate dans l’ensemble des lieux de vie (les campings, les terrains de sports et les co-propriétés)", a-t-elle annoncé.

L’intégralité des usages pour lesquels des alternatives existent seront prochainement interdits Barbara Pompili, le 5 novembre 2020

Quant aux usages agricoles de l'herbicide, ils ont également diminué, selon les chiffres du ministère. "En 2019, nous avons constaté les ventes de glyphosate les plus basses depuis dix ans", a précisé l’ancienne députée de la Somme. 

Mais la ministre veut aller "plus vite". "L’intégralité des usages pour lesquels des alternatives existent seront prochainement interdits", a annoncé Barbara Pompili, rappelant qu’une grande majorité des exploitations en arboriculture et en viticulture "ont déjà réduit leur usage du glyphosate, voire l’ont supprimé sans dégrader leurs résultats". Selon la ministre, cette situation est la démonstration qu’une "sortie du glyphosate est réaliste".

Certains agriculteurs jouent aux apprentis chimistes. Si on savait que des contrôles existent, je pense que certains se comporteraient mieux Nicolas Turquois, le 5 novembre 2020

Sur la bonne voie, mais la confiance n'exclut pas le contrôle, a expliqué Nicolas Turquois, lui-même agriculteur avant d'être élu au Palais Bourbon. "On a beaucoup d’agriculteurs qui se sont améliorés, mais il y en a qui vont traiter leurs exploitations l’après-midi en plein vent et ça va empester la vie des autres agriculteurs", a-t-il indiqué, déplorant le manque de contrôles et précisant : "certains agriculteurs jouent aux apprentis chimistes. Si on savait que des contrôles existent, je pense que certains se comporteraient mieux".

L'élu de la Vienne a par ailleurs estimé que les achats en tonnes de glyphosate sur une année n'était pas la donnée la plus précise car les agriculteurs font des stocks d'une saison sur l'autre, et que les litres non-utilisés peuvent servir pour la suivante. 

Un "plan pollinisateur" d'ici la fin de l'année

Autre annonce faite par les ministres : la mise en place "d'un plan pollinisateur". Dévoilé d’ici la fin de l’année, ce plan a une volonté, affirme Barbara Pompili : "Faire en sorte que les pollinisateurs soient protégés."

"On a besoin que tout le monde s’approprie le sujet afin que les futures mesures - qui seront issues de concertations avec les filières, les citoyens et les associations, ndlr - s’appliquent de la manière la plus lisse possible", a-t-elle expliqué. "La situation est objectivement préoccupante puisqu'on retrouve des traces pesticides dans 75% des ruches et en particulier des traces de fongicides, qui sont reconnus comme étant responsables de l’intoxication des abeilles", a rappelé la ministre de la Transition écologique.