Immigration : le gouvernement choisit l'option de la CMP pour tenter de relancer le projet de loi

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Assemblée nationale extérieur
par Ludovic FAU, le Mardi 12 décembre 2023 à 13:49, mis à jour le Mercredi 13 décembre 2023 à 09:20

Après le vote de la motion de rejet préalable qui a mis fin au débat sur le projet de loi "pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration", avant même que le texte soit examiné à l'Assemblée nationale, le gouvernement a décidé de convoquer une commission mixte paritaire pour tenter d'aboutir à un texte de compromis entre l'Assemblée nationale et le Sénat. 

Le gouvernement va demander "au plus vite" la réunion d'une commission mixte paritaire, composée de députés et des sénateurs, pour tenter de trouver "un compromis entre la majorité et les oppositions" sur le projet de loi relatif à l'immigration rejeté, lundi 11 décembre, à l'Assemblée nationale, avant même que le texte soit examiné. C'est ce qu'a annoncé le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, à l'issue du Conseil des ministres ,ce mardi 12 décembre. 

Le choix de la commission mixte paritaire

A l'issue du Conseil des ministres, la Première ministre, Elisabeth Borne, s'est rendue à l'Assemblée pour s'exprimer lors d'une réunion de l'intergroupe de la coalition présidentielle, réunissant les députés des groupes Renaissance, Démocrate et Horizons. La cheffe du gouvernement était accompagnée du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, et du ministre du Travail, Olivier Dussopt

"Ne pas vouloir débattre d'un sujet qui préoccupe les Français, c'est grave", a regretté Elisabeth Borne, de source parlementaire. Visant les oppositions, la Première ministre estime que "beaucoup ont préféré des manœuvres politiciennes plutôt que de chercher des solutions pour les citoyens". 

"Nous avons décidé de convoquer une commission mixte paritaire pour que le texte poursuive son cheminement", a-t-elle expliqué, ajoutant : "Nous avons besoin de solutions fortes pour éloigner les délinquants, simplifier les procédure, mieux intégrer". 

"Pour qu'un compromis soit trouvé, il va falloir des bougés. Je souhaite que la majorité reste unie, que cet accord ne se fasse pas au détriment de la majorité. Vous pouvez compter sur moi pour veiller à l'unité de la majorité", a souligné la Première ministre. 

A ce stade, l'exécutif estime que la commission mixte paritaire - si elle est conclusive, c'est-à-dire si elle aboutit à un texte de compromis - est une procédure plus rapide et plus sûre que la reprise de la navette parlementaire entre le Sénat et l'Assemblée. 

En CMP, une prime à la droite et au centre

Une commission mixte paritaire (CMP) est un instance qui réunit, à huis clos, sept députés et sept sénateurs - proportionnellement à la représentation des différentes forces politique au Parlement - pour tenter d'établir un texte de compromis permettant, le cas échéant, d'aboutir à une version commune susceptible d'être votée à l'Assemblée et au Sénat. 

Pour ce faire, compte tenu de la compositions des deux Chambres du Parlement - pas de majorité absolue pour le gouvernement à l'Assemblée ; majorité de droite et du centre au Sénat - un éventuel accord sur ce projet de loi passera par un accord avec Les Républicains qui veulent durcir le texte initialement présenté par l'exécutif, notamment en supprimant le volet relatif à la régularisation de travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension. 

A titre d'exemple, la commission mixte paritaire qui avait abouti à un accord sur le projet de loi "d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur", en décembre 2022, était composée de cinq parlementaires de la coalition présidentielle (3 Renaissance, 1 Démocrate, 1 Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants), cinq élus de la droite et du centre (4 Les Républicains, 1 Union centriste), trois représentants de gauche (2 Socialiste, 1 La France insoumise) et un député du Rassemblement national. Compte tenu des forces en présence à l'Assemblée et au Sénat, la composition sera la même cette fois-ci. 

En cas d'accord, le texte devra ensuite être votée au Sénat et à l'Assemblée, ce qui suppose que le gouvernement soit suffisamment sûr du vote des députés Les Républicains, pour éviter d'avoir recours au 49.3 - ce qui n'est pas garanti - et éviter ainsi le risque d'une motion de censure sur le sujet particulièrement clivant et inflammable qu'est l'immigration. 

En cas d'échec de la CMP, vers un quitte ou double ? 

Si les députés et sénateurs de la CMP échouent à trouver un accord, le gouvernement pourra décider de reprendre la navette parlementaire, avec une nouvelle lecture dans chacune des Chambres du Parlement et en cas de nécessité - c'est-à-dire si une même version du texte n'est toujours pas votée au Palais-Bourbon et au Palais du Luxembourg - une ultime lecture à l'Assemblée, qui aura le dernier mot.

Ce processus pourrait permettre au gouvernement de présenter un projet de loi plus équilibré que la version voulue par Les Républicains, mais contraindrait très certainement l'exécutif à recourir au 49.3, en comptant sur la bienveillance de quelques députés d'opposition qui se satisferaient d'un texte qui pencherait moins à droite et qui ne voteraient pas la motion de censure qui ne manquera pas d'être déposée.  

Quel que soit le scénario à venir, l'avenir du projet de loi sur l'immigration ne sera certainement pas un long fleuve tranquille