Indécence du logement social en Outre-mer : sur proposition des députés GDR, l'Assemblée nationale crée une commission d'enquête

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par Adèle Daumas, le Jeudi 30 mai 2024 à 17:15, mis à jour le Jeudi 30 mai 2024 à 17:50

"Insuffisance, indécence, insalubrité"... L'Assemblée nationale a voté la création, ce jeudi 30 mai, d'une commission d'enquête sur le logement social en Outre-mer. Cette proposition, portée par Karine Lebon, avait été mise à l'ordre de l'hémicycle par le groupe Gauche démocrate et républicaine dans le cadre de sa journée d'initiative parlementaire. 

"Derrière chaque demande de logement social, c'est une famille qui souffre", a énoncé Karine Lebon (Gauche démocrate et républicaine) en préambule de l'examen de sa proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête "chargée d’étudier et d’évaluer les causes du déficit de construction et de livraison, de la non‑décence et de l’insalubrité du logement social neuf et réhabilité" dans les départements et régions d'outre-mer. 

La députée de La Réunion a défendu cette proposition, adoptée à l'unanimité, à l'occasion de la journée initiative parlementaire du groupe GDR, qui se tient ce jeudi 30 mai. Une journée au cours de laquelle les territoires ultramarins ont été particulièrement mis à l'honneur

Répondre à la "crise du logement social" en Outre-mer

"Plus de 80% des ménages ultramarins sont éligibles au logement social et près de 70% au logement très social - mais seulement 15% d'entre eux résident effectivement dans le parc social", a expliqué Karine Lebon. Ce, avec de "fortes disparités selon les territoires" : en Guadeloupe, plus de 10 000 demandes de logement social seraient en attente, 12 000 en Guyane et 45 000 à la Réunion, a-t-elle complété. Outre l'insuffisance structurelle de logements et les retards chroniques de livraison, la rapporteure relève que "la problématique du logement recouvre aussi des enjeux d'insalubrité et de dangerosité du bâti".

A la tribune, la députée a lu plusieurs témoignages reçus par mail pour l'alerter de ce problème, à l'exemple de celui-ci : "Madame la députée, je suis dans un logement qui va s'effondrer à cause du cyclone Belal. L'eau est entrée à l'intérieur, ce qui nous met ma fille et moi en danger. Je crains le passage du prochain cyclone. Jusqu'à ce jour, je demande un relogement par le bailleur mais ma demande est refusée car je n'ai pas de contrat de travail. Comment peut-on au XXIème siècle laisser une famille dans des conditions déplorables, en mettant en danger la vie des habitants ?"

La feuille de route de la commission d'enquête sera donc de "déterminer les causes des défaillances dans la chaîne de livraison des logements sociaux en Outre-mer et de s’enquérir de l'existence de malfaçons, qui mettent en lumière le manque de contrôle a priori et a posteriori de la construction de logements sociaux" a expliqué Karine Lebon, avec pour objectif d'établir une "liste de recommandations" pour répondre à cette crise.

Un intérêt partagé par les autres députés

"Pourquoi les prix des logements sociaux en outre-mer sont-ils plus chers qu'en Hexagone, alors que la population y est plus pauvre ? Même lorsqu'ils sont livrés, les logements sociaux sont souvent inabordables pour les populations ultramarines", a abondé Emeline K/Bidi (GDR), elle aussi députée de La Réunion. 

A Pierre-Henri Dumont (Les Républicains) qui critiquait une "approche trop restrictive", alors que le logement social est une "question d’ampleur nationale", Karine Lebon a fait valoir l'intérêt de se pencher spécifiquement sur le cas des territoires ultramarins : "l'éloignement, le coût du fret, le logement social [qui] vieillit beaucoup plus vite que dans l'Hexagone", ainsi que les risques d'évènements climatiques extrêmes font des enjeux relatifs au bâti un sujet à part.

Hormis cette intervention, tous les groupes politiques ont reconnu la nécessité de s'attaquer à la question du logement social en Outre-mer. La présidente du groupe Ecologiste, Cyrielle Chatelain, a souligné que ces constructions y posaient "un problème de qualité, mais aussi de quantité", et a salué l'amendement de la rapporteure visant à "étendre le périmètre de la commission d'enquête, de la qualité des logements, mais aussi à la production de ces logements".

La droite et la majorité regrettent la multiplication des commissions d'enquête

Si aucun groupe n'a voté contre la création de cette commission d'enquête (la résolution a été adoptée à 83 "pour" et 12 abstentions), plusieurs ont regretté le moyen employé - qui avait déjà fait débat en commission.

"J'ai une interrogation sur la méthode", a déclaré Pierre Cazeneuve (Renaissance), qui consiste à "passer par une proposition de résolution pour outrepasser le droit de tirage" dont disposent les groupes politiques à l'Assemblée. En effet, chacun peut demander, une fois par an, la création d'une commission d'enquête, qui est de droit. Mais le groupe GDR a déjà utilisé son droit de tirage annuel pour lancer une commission d’enquête sur les conséquences des essais nucléaires en Polynésie, aussi a-t-il dû requérir l’approbation des autres députés pour en démarrer une nouvelle. 

Or, leur nombre est en croissance ces dernières années. "Les députés Les Républicains reconnaissent l'intention louable du groupe GDR", a déclaré Pierre-Henri Dumont. Mais ils regrettent "les multiplications des commissions d'enquête à un rythme effréné. Cette prolifération sature les ressources humaines de l'Assemblée nationale et il est temps de nous interroger sur la pertinence et l'efficacité de ces multiples commissions" qui conduisent à une "dispersion des efforts". "Nous privilégions la solution d'une réponse à la crise du logement social, plutôt qu'une commission dont nous connaissons déjà les conclusions", a appuyé Mickaël Cosson (Démocrate).