Alors qu'une initiative parlementaire visant à inscrire le principe de l'interruption volontaire de grossesse avait été lancée, l'exécutif a repris - avec l'accord des partisans de la réforme - l'initiative à son compte. C'est dans ce cadre que le projet de loi constitutionnelle relatif à "la liberté de recourir à l’IVG" est examiné cette semaine à l'Assemblée nationale.
Une révision constitutionnelle n'est jamais un promenade de santé. Alors que l'exécutif a présenté en décembre dernier un projet de loi visant à inscrire l'interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution, les prochaines semaines seront décisives pour tenter d'aboutir à un accord au Parlement sur cette réforme. Et ce, dès ce mardi 16 janvier, avec l'audition du garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, qui sera auditionné par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le texte à 16h30.
Alors qu'une initiative parlementaire était déjà en cours sur le sujet (lire ci-dessous), le président de la République et le gouvernement ont décidé - avec l'accord des partisans de la réforme - de présenter un projet de loi. Objectif : permettre l'adoption éventuelle de cette révision constitutionnelle par la voie du Congrès (députés et sénateurs réunis à Versailles), plutôt que par la voie du référendum, cette dernière procédure étant obligatoire lorsqu'il s'agit de modifier la Constitution par une proposition de loi.
En novembre dernier, Emmanuel Macron avait indiqué souhaiter un examen du texte à l'Assemblée et au Sénat au premier trimestre 2024, afin que la réunion du Parlement en Congrès puisse être envisagé début mars. Un processus qui n'a rien de simple. Première étape : le projet de loi constitutionnelle relatif à "la liberté de recourir à l’IVG" devra être voté dans les mêmes termes, à la virgule près, par les députés et par les sénateurs. Deuxième étape : lors du Congrès qui sera convoqué si les conditions sont réunis, le texte devra être approuvé à une majorité représentant les "trois cinquièmes des suffrages exprimés", comme le prévoit la Constitution.
Or, selon nos informations, la rédaction actuelle du projet de loi ne garantit pas une adoption du texte au Sénat. Avant même l'examen du texte à l'Assemblée, des discussions ont donc lieu, entre le gouvernement et le Sénat, afin de permettre que le projet qui sera examiné par les députés le 24 janvier dans l'hémicycle du Palais Bourbon puisse être voté dans la même version par les sénateurs qui l'examineront le en février dans l'hémicycle du Palais du Luxembourg. Dans le cas contraire, une nouvelle lecture serait nécessaire, ce qui mettrait en péril le calendrier envisagé par l'exécutif.
A l'Assemblée, le gouvernement devrait obtenir un vote largement favorable. En novembre 2022, une proposition de loi déposée par La France insoumise avait déjà été largement approuvée par les députés, lors de la journée d'initiative parlementaire du groupe présidé par Mathilde Panot. La majorité présidentielle, qui avait elle-même présenté un texte sur ce sujet emblématique, avait finalement décidé de se rallier à cette proposition de loi visant à "protéger et garantir le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse".
Après des débats accrochés, jusqu'au sein de la majorité sénatoriale, la proposition de loi avait ensuite été adoptée au Palais du Luxembourg avec une autre rédaction. Plutôt que la notion de "droit", présente dans la version de l'Assemblée, le texte voté au Sénat privilégiait "la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse". Malgré cette modification la plupart des sénateurs du groupe Les Républicains avaient voté contre (détail du scrutin ici).
La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. Projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l’IVG
Compte tenu des conditions à réunir pour aboutir à une réforme, le projet de loi présenté par le gouvernement se rapproche de la rédaction sénatoriale. Dans son article unique, le texte affirme que : "La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse." Une rédaction qui pourrait donc encore évoluer de façon à essayer de garantir son adoption dans les deux Chambres du Parlement, puis lors de la réunion du Congrès.
"En 2024, la liberté des femmes de recourir à l'IVG sera irréversible", avait écrit sur X (ex-Twitter) Emmanuel Macron en octobre dernier.