La commission des finances de l'Assemblée nationale a validé la publication, ce mercredi 14 mai, du rapport d'information sur "la rémunération de l'épargne populaire et des classes moyennes". Les deux rapporteurs Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national) et François Jolivet (Horizons) déplorent le faible rendement de l'épargne populaire, particulièrement pénalisée par l'érosion monétaire provoquée par la forte inflation au cours de la période récente.
Au terme d'un an et demi de travail, les députés qui ont mené la mission d'information sur "la rémunération de l'épargne populaire et des classes moyennes" tirent la sonnette d'alarme. "Jamais les Français n'ont autant épargné alors que rarement l'épargne n'a aussi peu rapporté, et même coûté !", indique le rapport cosigné par Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national) et François Jolivet (Horizons) qui a été présenté, ce mercredi 14 mai, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale. Un rapport de 97 pages, publié en fin d'examen par l'ensemble des députés de la commission, qui met "un petit coup derrière les oreilles de la profession", estime auprès de LCP un conseiller parlementaire qui connaît bien le dossier.
Le constat des deux rapporteurs est sans appel. D'une part, la France est l'un des pays de l'OCDE qui épargne le plus, "en particulier au sein des classes moyennes", soulignent-ils dans leurs conclusions, précisant que "La quasi-totalité des Français possèdent un ou plusieurs livrets d’épargne réglementée, en particulier un livret A ou des plans d’épargne logement (PEL)", ainsi que des contrats d'assurance-vie répandus dans "40 % des ménages". Au total, "l'encours des placements financiers des ménages résidents français a dépassé les 6 000 milliards d'euros" depuis trois années consécutives.
Mais d'autre part, il font état d'un poison qui vient altérer cette dynamique et le rendement de cette épargne : l'érosion monétaire. C'est-à-dire, la détérioration de la valeur du pouvoir d'achat de l'épargne quand son rendement est inférieur à l'inflation. Jean-Philippe Tanguy et François Jolivet apportent des chiffres édifiants. Selon la Fédération des associations indépendantes de défense des épargnants pour la retraite (Faider), les épargnants auraient perdu 300 milliards d'euros de pouvoir d'achat entre 2021 et 2023 sur les actifs qualifiés "d’épargne populaire" constitués des seuls dépôts bancaires, livrets A et assurances-vie en euros. L'inflation a été particulièrement forte en 2022 et 2023, la guerre en Ukraine ayant entraîné de fortes hausses de prix. En outre, s'appuyant sur des données de la Banque de France, le rapport indique que le rendement réel du livret A est systématiquement négatif depuis 2016 et qu'entre 1999 et 2021, les contrats d’assurance-vie en unités de compte ont perdu près de 8%.
Une rémunération de leur épargne souvent décevante sans que le phénomène d'érosion monétaire leur soit clairement exposée. Rapport d'information
Le rapport précise que les premiers affectés par l'érosion monétaire, sont les classes moyennes et populaires, qui continuent - par habitude ou méconnaissance - de placer leur épargne sur le moyen et long terme dans "des supports très sécurisés", conduisant à "une rémunération souvent décevante sans que le phénomène d'érosion monétaire leur soit clairement exposée".
Si les banques ne sont pas d'assez bons conseils aux yeux des rapporteurs, ces derniers font 19 recommandations (voir l'encadré ci-dessous) pour changer la donne. Avec l'idée que certaines d'entre elles puissent aboutir via des amendements au projet de finances 2026.
Principales recommandations du rapport :
- Recommandation n° 1 : simplifier les produits d’épargne réglementée, en réduisant leur nombre et en unifiant leur régime fiscal. Les rapporteurs s’interrogent sur la possibilité de ne créer qu’un ou deux produits d’épargne réglementée afin d’améliorer sa visibilité et son rendement.
- Recommandation n° 2 : ne pas augmenter la rémunération des banques pour la gestion du livret A et à terme, la supprimer.
- Recommandation n° 3 : simplifier les critères permettant d’ouvrir un Livret d'épargne populaire.
- Recommandation n° 4 : obliger les banques à proposer le meilleur placement d’épargne aux personnes et aux ménages.
- Recommandation n° 5 : modifier les modalités de fonctionnement du livret jeune en permettant de l’ouvrir beaucoup plus jeune avec un plafond beaucoup plus élevé et un taux supérieur au livret A assis sur une "prise de risque" selon la durée entre l’ouverture du compte et la majorité du détenteur.
- Recommandation n° 7 : supprimer le livret d’épargne entreprise, qui n’a pas fait la preuve de son utilité.
- Recommandation n° 9 : garantir à l’épargne réglementée un niveau de rémunération la protégeant de l’érosion monétaire.
- Recommandation n° 10 : consacrer les emplois de l’épargne réglementée populaire et des classes modestes au financement d’actifs associant rentabilité et solidité plutôt que actifs non rentables.
- Recommandation n° 19 : instaurer chaque année un débat au Parlement sur l’épargne des Français et créer un rapport spécial sur le sujet.