L'Assemblée rejette le "minimum jeunesse" proposé par les députés socialistes

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Brigitte Klinkert, le 18 février 2021
par Maxence Kagni, le Jeudi 18 février 2021 à 08:34, mis à jour le Jeudi 15 avril 2021 à 16:43

Les députés n'ont pas adopté jeudi la proposition de loi socialiste "relative à la création d’une aide individuelle à l’émancipation solidaire". Ce texte proposait notamment de créer un revenu de base versé dès l'âge de 18 ans.

L'Assemblée nationale n'a pas donné son feu vert, jeudi, à la tentative du groupe "Socialistes" de créer un "revenu de base inconditionnel". Les élus PS ont défendu sans succès, dans le cadre de leur niche parlementaire, leur proposition de loi "relative à la création d’une aide individuelle à l’émancipation solidaire". Face à l'impasse constatée, ils l'ont finalement retirée avant même que son examen ne soit achevé.

Le texte, présenté par le député Boris Vallaud, avait pour objectif de répondre à la "détresse" et aux "appels au secours" d'une partie de la jeunesse, durement touchée par la crise. "La jeunesse s'enfonce dans la précarité et a le sentiment, parfois, de l'indifférence des adultes", a expliqué l'élu des Landes.

Boris Vallaud et son collègue Hervé Saulignac proposaient ainsi de créer un "minimum jeunesse" sous la forme d'un revenu de base de 564 euros versé automatiquement dès l'âge de 18 ans, ainsi qu'une dotation universelle de 5.000 euros attribuée au même âge. Leur proposition s'est heurtée à l'opposition du gouvernement et de la majorité : "Nous ne partageons pas votre vision de l'accompagnement des jeunes et des publics en difficulté", a expliqué la ministre déléguée chargée de l'Insertion, Brigitte Klinkert, selon qui "le travail doit aussi être au centre des dispositifs".

Mon ambition pour les jeunes, pour nos enfants, ce n'est pas d'être allocataire. Brigitte Klinkert

A partir de 18 ans

Ce revenu de base de 564 euros mensuels aurait fusionné le RSA et la prime d'activité. Versé automatiquement et sans condition à partir de 18 ans, son montant aurait été dégressif en fonction des revenus des personnes, afin de "garder une réelle incitation au travail".

"Il nous faut revenir de ce fantasme de l'assistanat et de cette idée que la bouée entraînerait par le fond celui à qui on la jette", a commenté jeudi Boris Vallaud. L'élu socialiste a été soutenu par Sylvia Pinel (Libertés et Territoires) : "Sortons de ce mythe selon lequel les aides sociales auraient un effet désincitatif sur le travail."

La proposition a également reçu le soutien de Valérie Petit (Agir ensemble), qui a défendu un dispositif de revenu de base qui "va dans le sens de l'histoire" : "Cette vieille utopie pourrait être la solution à la crise", a déclaré la députée, qui y voit même un dispositif "profondément macroniste". 

Le texte créait également une "dotation universelle" de 5.000 euros, versée sur le compte personnel d'activité (CPA) de toute personne âgée de 18 ans. Ce crédit aurait pu être utilisé librement pour "des projets de formation, de mobilité ou d'entrepreneuriat".

Boris Vallaud et Hervé Saulignac proposaient de financer ces mesures par une "réforme ambitieuse de la fiscalité des successions". Les deux députés souhaitaient aussi créer de nouvelles tranches d'impôt sur les revenus, dont une à 50% pour les revenus supérieurs ou égaux à 250.000 euros. Le groupe socialiste proposait enfin de maintenir la taxe d'habitation pour les foyers les plus aisés et de renforcer l'imposition des multinationales. 

Un "mirage" selon le gouvernement

"Nous sommes en désaccord avec les mesures de votre proposition de loi qui sont d'une philosophie diamétralement opposée à la nôtre", a réagi Brigitte Klinkert. La ministre déléguée chargée de l'Insertion s'est opposée au "mirage d'un minimum jeunesse" car "c'est le maximum que nous voulons faire pour elle".

Défendant un gouvernement "entièrement mobilisé depuis le premier jour de la crise aux côtés des jeunes", la ministre a rejeté des "dispositifs qui enferment les jeunes dans des minimas". Brigitte Klinkert, qui préfère "accompagner tous les jeunes vers l'emploi", a évoqué "le plan un jeune, une solution", financé à hauteur de sept milliards d'euros ou encore la "garantie jeunes". La ministre a également dénoncé les "effets de bords incontrôlables et à ce stade incalculables" du dispositif des députés PS, ainsi que l'"augmentation d'impôts massive [nécessaire] pour le financer".

"Attendre la becquée"

La députée Monique Iborra (La République en marche) a elle aussi critiqué la proposition de loi des députés socialistes, qui favorise selon elle "l'assistanat et la charité" : l'élue a prôné la "mise en oeuvre de politiques sociales qui veulent sortir de la pauvreté ceux qui malheureusement s'y sont installés". "Ce n'est pas rendre service aux jeunes de les basculer dans l'idée qu'ils seraient une génération sinistrée attendant la becquée", a ajouté Sandrine Mörch (La République en marche).

Les Républicains ont également rejeté le texte : "Nous considérons résolument que la solution est d'accompagner la jeunesse vers l'emploi durable", a estimé Stéphane Viry (Les Républicains). Le groupe UDI et indépendants a quant à lui jugé, par le biais d'Agnès Thill, les mesures "démagogiques" : "Nous ne serons jamais convaincus que le versement d'une aide monétaire puisse remplacer la perspective d'un emploi."

Il ne faudrait pas laisser à penser qu'il existe de l'argent magique. Michèle de Vaucouleurs (MoDem)

Le député La France insoumise Adrien Quatennens a profité de son passage à la tribune de l'Assemblée nationale pour lancer un "message d'alerte" : "Il y a urgence absolue à endiguer la pauvreté dans laquelle s'enfonce chaque jour un peu plus la jeunesse de ce pays." L'élu a toutefois évoqué ses "divergences" avec la proposition socialiste, refusant que "l'Etat compense le salaire trop bas versé par l'employeur". La communiste Elsa Faucillon a également déclaré être "opposée à tout projet fusionnant les prestations sociales", tout en saluant certaines dispositions du texte, comme "l'ouverture d'un revenu de base dès 18 ans".

Pas de RSA pour les moins de 25 ans

Une fois la proposition de "minimum jeunesse" rejetée, les députés socialistes ont tenté, sans succès, de faire adopter un "amendement de repli" visant à ouvrir, le temps de la crise, le RSA aux jeunes de 18 à 25 ans. "La majorité pénale est à 18 ans, on peut aller en prison, la majorité politique est à 18 ans, on peut voter, on ne voit pas pourquoi la majorité sociale serait repoussée à 25 ans", a regretté François Ruffin (La France insoumise).

"Nous considérons que ce n'est pas en permettant aux jeunes de 18 à 25 ans d'avoir accès au RSA que vous lutterez efficacement contre la pauvreté des jeunes", a répondu Brigitte Klinkert. La ministre préfère "créer les conditions d'une meilleure insertion sociale et professionnelle" en créant un "véritable service public de l'insertion et de l'emploi dont l'Etat serait le garant".

Après le rejet de cet amendement, Boris Vallaud, "le cœur serré et révolté", a pris la parole pour retirer le texte, anticipant son rejet annoncé. Le député socialiste a dit préférer "céder [la place] aux autres textes du groupe Socialistes et apparentés", dont la loi sur les violences sexuelles envers les mineurs. Un procédé qui a déplu à la majorité, la député Monique Iborra (La République en marche) jugeant la méthode "peu respectueuse de l'Assemblée et des jeunes".