La commission des affaires sociales examinait ce mercredi la proposition de loi du groupe la France Insoumise réclamant une ouverture du RSA aux 18-25 ans. Son rapporteur François Ruffin a plaidé pour une mesure qui est un « minimum » au moment où la jeunesse subit de plein fouet la crise sanitaire. La majorité s’y est opposée, défendant plutôt l’universalisation de la garantie jeune, actuellement à l’étude par le gouvernement.
En présentant sa proposition de loi visant à étendre le RSA aux jeunes de 18 à 25 ans, François Ruffin ne se faisait guère d’illusion. Le député LFI de la Somme savait pertinemment que la majorité y opposerait son veto, comme elle l’avait fait deux mois plus tôt avec une proposition de loi similaire du groupe socialiste. Mais autant qu’un marqueur politique il a voulu défendre une « question de principe ».
Les débats ont très largement rappelés ceux entendus dans l'hémicycle le 18 février dernier, à l'occasion de la proposition de loi du député socialiste Boris Vallaud, en faveur d'un "minimum jeunesse".
Le constat d'abord. Prenant la parole François Ruffin a commencé par convoquer les images largement relayées ces derniers mois de ces jeunes "qui ont fait la queue pour des banques populaires", rappelant "les clichés en noir et blanc des États-Unis dans les années trente, au moment de la grande crise". Évoquant les "ailes brisées" de ceux qui "paient un prix affectif, psychologique, économique et social", il a déploré l'impact de la crise sur une génération qui "alors qu'elle devrait s'épanouir, se rétrécit". Dans ces conditions a-t-il fait valoir, il est urgent "d'améliorer des existences, de soulager des angoisses" : c'est le sens qu'a donné François Ruffin à l'élargissement du RSA aux 18-25 ans en défendant sa proposition de loi.
Pour le député de la France Insoumise, cette mesure serait un "minimum" : "personne ne rêve de vivre avec 497 euros par mois ; avec cette somme ne vit pas : on survit" a-t-il argué alors que les adversaires à ce dispositif lui reprochent une logique d'assistanat. Au contraire, "la désincitation [à trouver un emploi] est un mythe !" a argumenté l'élu de la Somme, citant les travaux de la prix Nobel d'Économie Esther Duflo.
Mais si le constat des effets de la crise sur la jeunesse a été largement partagé sur tous les bancs, les désaccords se sont apparus sur la nature des mesures destinées à y répondre.
Du côté des partisans de la mesure, l'argument de la justice sociale a une nouvelle fois été privilégié. "On peine à comprendre pourquoi la majorité pénale et civile est à 18 ans mais pas la majorité sociale" a résumé François Ruffin, parlant de "symbole de discrimination envers la jeunesse". C'est d’autant plus bizarre que la pauvreté est là. Et pourtant avec le RSA on choisit de viser ailleurs, de ne pas arroser là où c’est le plus sec".
De son côté le député socialiste Boris Vallaud a rappelé que 23 des 27 pays de l'Union européenne ouvraient leurs droits sociaux dès 18 ans. Pour le communiste Pierre Dharréville, il faut des "dispositifs pérennes". Valérie Petit (Agir ensemble) s'est quant à elle déclarée favorable à des droits sociaux à 18 ans, mais plutôt sous la forme d'un "socle citoyen, universel", proposition portée par son groupe. Enfin la mesure a reçu le soutien de Martine Wonner (Liberté et Territoires).
Pour ses opposants l'extension du RSA est, au contraire, une mauvaise méthode. "Si le RSA sortait de la pauvreté, cela se saurait" a réagi Monique Iborra (LaREM). "Plutôt que de nouveaux droits nous devons créer de nouvelles chances" a renchéri Josianne Corneloup (Les Républicains) tandis que pour son collègue Bertrand Perru, le RSA jeunes actifs introduit en 2010 (conditionné au fait d'avoir travaillé au moins deux ans) produit déjà des "effets d'aubaines". Son extension pose "la question du coût" [estimé à 13 milliads] a souligné le député LR. Enfin pour Philippe Vigier (MoDem), le RSA jeune n'est "pas la bonne solution, l'essentiel c'est l'accompagnement".
Sur ce point les débats ont été l'occasion pour la majorité de rappeler les mesures mises en place. Les 9 milliards alloués au dispositif "un jeune, une solution" ont été mis en avant par Christine Cloarec (LaREM), pour qui il "porte ses fruits". "Nous ne pouvons pas laisser dire que ces mesures ne sont que des sparadraps ou que nous serions indifférents à la jeunesse de ce pays" s'est-elle défendue.
Mais ces arguments n'ont pas convaincu le rapporteur du texte. Reprenant la parole à l'issue de la discussion générale, François Ruffin a déploré les insuffisances de la réponse gouvernementale. Il a une nouvelle fois défendu un dispositif universel face à un "maquis de mesures qui rendent les choses illisibles". Quant à l'extension de la garantie jeune, à l'étude par le gouvernement, elle ne va "rien avoir d'universel" selon lui. "Ce qu’on va avoir ce n’est pas un bouclier, c’est une passoire !" a-t-il ironisé.
Cette mesure semble cependant avoir les faveurs de la majorité qui l'a défendue. Pour Christine Cloarec elle sera "plus efficace" que le RSA jeune car elle permettra un véritable accompagnement. "Le but est d’éviter les ruptures et les renoncements" a-t-elle conclu.
Des annonces en ce sens pourraient intervenir très rapidement. La ministre du Travail, Elisabeth Borne, va multiplier les consultations ces prochains jours, laissant augurer d'un arbitrage à venir par Matignon, peut-être dès la semaine prochaine. Les modalités restent à définir mais si ce choix d'universalisation de la garantie jeune était confirmé, le dispositif, déjà passé de 100 000 à 200 000 jeunes, pourrait en toucher jusqu'à 750 000 par an selon le gouvernement.