La proposition de loi destinée à renforcer le droit à l'IVG adoptée en commission

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IVG Commission des lois
par Soizic BONVARLET, le Mercredi 10 février 2021 à 15:29, mis à jour le Mercredi 10 février 2021 à 20:43

La commission des affaires sociales s'est penchée, mercredi 10 février, en deuxième lecture, sur la proposition de loi "visant à renforcer le droit à l’avortement". Les députés ont une nouvelle fois adopté le texte, présageant d'un vote favorable en séance le 18 février prochain. 

La proposition de loi "visant à renforcer le droit à l'avortement", adoptée le 8 octobre en séance à l'Assemblée, était restée inchangée par rapport à son examen en première lecture. Et pour cause, quand les sénateurs avaient été invités à se prononcer à son propos en janvier dernier, ils l'avaient frappée d'une motion de rejet préalable, procédure permettant de se prononcer contre le texte avant même son examen au fond. De retour à l'Assemblée en deuxième lecture, la commission des affaires sociales y a apporté quelques modifications.

Des mesures concrètes et symboliques

La co-rapporteure du texte, Albane Gaillot (non inscrite), qui avait été à l'initiative de son dépôt, et donc de son examen en octobre dernier, en a rappelé l'objectif crucial, à savoir "améliorer l'effectivité de ce droit fondamental qu'est l'avortement". "Cette ambition se traduit au sein du présent texte par des mesures concrètes mais également des mesures permettant un changement des mentalités. L'un ne va pas sans l'autre", a ajouté la députée du Val-de-Marne.

La grande mesure "concrète" du texte est l'allongement des délais de recours à l'IVG de douze à quatorze semaines. Albane Gaillot a rappelé que deux mille femmes se rendent chaque année à l'étranger à défaut de pouvoir avorter en temps et en heure en France, en plus du nombre inquantifiable de celles qui poursuivent une grossesse non désirée, ou qui se livrent à des avortements de manière clandestine, mettant leur vie en danger. Par ailleurs, elle a souligné que le Conseil consultatif national d'éthique (CCNE), saisi par le gouvernement, avait conclu à "peu voire pas de différence entre douze et quatorze semaines de grossesse".

En termes de mesures symboliques, Albane Gaillot estime que la suppression de la double-clause de conscience - dispositif qu'elle juge "superfétatoire" -, permettra avant tout de cesser de considérer l'IVG "comme un acte médical à part", puisque les praticiens pourront continuer de faire usage de la clause de conscience générale pour, le cas échéant, ne pas pratiquer d'IVG.

Des freins exacerbés par le contexte sanitaire actuel

Pour l'autre rapporteure du texte, Marie-Noëlle Battistel (Socialistes et apparentés), le texte vise à répondre aux nombreuses difficultés qui se dressent sur le chemin des femmes qui souhaitent avorter. : "Difficultés pour accéder à une information claire et exacte, difficultés pour savoir à qui s'adresser, difficultés pour trouver un professionnel acceptant de pratiquer l'IVG (...) difficultés pour trouver des rendez-vous rapidement, difficultés d'être prise en charge dans les délais impartis." S'ajoutent à cet inventaire des inégalités sociales et territoriales, créant les conditions d'une "application à géométrie variable d'un droit absolument fondamental".

Par ailleurs, la députée socialiste a évoqué une exacerbation de ces freins liée à la crise sanitaire. "Au cours du premier confinement, par rapport à la même période en 2019, le numéro vert national 'Sexualités, contraception, IVG', a connu des augmentations spectaculaires du nombre d'appels", indique Marie-Noëlle Battistel. "Une augmentation de 330% des appels concernait des difficultés d'accès à l'IVG. Une augmentation de 100% des appels concernait une demande d'aide ou d'information pour avorter hors délais à l'étranger." D'où l'impérieuse nécessité, pour les deux co-rapporteures, de rallonger le temps imparti pour les IVG dites "instrumentales". Elles ont en outre fait adopter un amendement permettant de pérenniser l'extension de 5 à 7 semaines du délai pour l'avortement médicamenteux, mis en place en raison de la crise sanitaire.

Un consensus transpartisan allant de la gauche à la majorité

L'article 1, relatif aux quatorze semaines, a été adopté malgré les amendements de suppression du groupe "Les Républicains", la députée Geneviève Lévy évoquant "une réponse inappropriée au constat d'un manque d'information et d'éducation et d'un besoin de moyens qui ne peut plus être ignoré". "S'il y a une notion de délais dans ce droit à l'IVG, c'est qu'il y a bien des incidences au fur et à mesure de la grossesse", a pour sa part considéré Thibault Bazin.

Les groupes "Les Républicains" et "UDI et Indépendants" se sont également opposés à la suppression de la clause de conscience spécifique, "ligne rouge" pour Valérie Six (UDI). L'amendement de suppression de l'article 1er bis, qui concerne la possibilité pour les sages-femmes de pratiquer des IVG jusqu'à la dixième semaine de grossesse et qui, pour Thibault Bazin, n'avait plus de raison d'être en raison de l'expérimentation votée dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), a également été rejeté. Albane Gaillot a dit comprendre les motivations de cette suppression, mais justifié le maintien de la mesure dans le texte par la nécessité d'"aller vite".

En revanche, la disposition relative au bénéfice du tiers-payant pour les femmes qui avortent a été l'objet d'un amendement de suppression des co-rapporteures, au motif que la mesure avait déjà été satisfaite dans le cadre de ce même PLFSS.

Ainsi modifiée en commission, et malgré un relatif consensus, la proposition de loi devrait faire l'objet de débats passionnés dans l'hémicycle, le 18 février, lors de la journée d'initiative parlementaire du groupe "Socialistes et apparentés".