Au lendemain de la présentation par François Bayrou de son plan budgétaire pour redresser les finances publiques, les critiques sont vives sur la majorité des bancs de l'Assemblée nationale. Du côté des oppositions qui appellent le Premier ministre à revoir sa copie s'il veut éviter la censure à la rentrée. Mais aussi parmi les soutiens du gouvernement, les Républicains et Horizons en tête, qui entendent faire bouger certains curseurs dans les prochaines semaines.
"On ne vient pas ici en disant c'est nul, on n'en veut pas." Au lendemain de la présentation par François Bayrou de ses mesures budgétaires, le président du groupe de la Droite républicaine, Laurent Wauquiez, a fustigé, lors d'un point presse, l'attitude de ceux qui, du Rassemblement national à La France insoumise, "rejettent tout en bloc", alors que la situation des finances publiques est "catastrophique". Lui dit se vouloir constructif : "À nous d'améliorer la copie." Le député a ainsi listé les propositions qui vont "dans la bonne direction", mais aussi évoqué, dans la foulée, les "très grosses lacunes" du plan du Premier ministre, à savoir "le recours de façon importante à des augmentations d'impôts" et le fait que ce plan "pèse fortement sur la France qui travaille".
Un bilan en demi-teinte pour Les Républicains, qui sont pourtant membres du gouvernement de François Bayrou. S'il a "le mérite de chercher des solutions dans une situation compliquée", le plan annoncé par le Premier ministre doit "être corrigé et amélioré", "et c'est en ce sens que nous allons nous engager", a poursuivi Laurent Wauquiez.
Le groupe de la Droite républicaine entend donc faire bouger les équilibres, autour principalement de trois sujets : celui de l'assistanat, avec un "plan de lutte contre la fraude et les abus" qu'il souhaite voir adopter "dès l'automne", avant le vote sur les projets de loi de finances. Il veut aussi revenir sur les "dépenses liées à l'immigration", avec notamment la "restriction drastique" de l'Aide médicale d'Etat (AME) ; ainsi qu'une meilleure "limitation des dépenses publiques et (du) train de vie de l'Etat". "Nous faisons partie d'un gouvernement de coalition. Il y a des éléments qui nous vont et d'autres que nous souhaitons rediscuter", a résumé le député Philippe Juvin.
"C'est à l'aune de l'ensemble de ces équilibres qu'on jugera ce que sera notre position sur le plan de François Bayrou", a indiqué Laurent Wauquiez, pour qui par exemple, "les jours fériés sans rien contre l'assistanat, ce n'est pas possible". "Ce n'est pas de petites corrections qu'on demande", a-t-il insisté. "Le Sénat ne peut accepter l’effort demandé (5,3 milliards d'euros) aux collectivités locales", a également commenté auprès de l'AFP l'entourage du président du Sénat, Gérard Larcher (Les Républicains), qui ne veut pas que l'effort excède 2 milliards - il est actuellement de plus de 5 milliards.
Ce que propose François Bayrou est un plan d’urgence, avec tout le mérite d’un plan d’urgence, mais aussi ses limites. Edouard Philippe, le président d'HORIZONS
Un "oui, mais…" est également venu d'Edouard Philippe ce mercredi. Dans Le Parisien, le patron d'Horizons, candidat déclaré à l'élection présidentielle de 2027, voit dans les mesures de François Bayrou "un plan d'urgence", qui a "aussi ses limites". Face à cela, il affirme vouloir "proposer des mesures, essayer de faire prévaloir nos trois piliers" - à savoir "travailler plus, dépenser moins et taxer moins" - et "on verra à la fin de la discussion". L'ancien Premier ministre n'hésite pas non plus à rappeler que lorsqu'il était à Matignon, "on a réduit le déficit".
Quant à Gabriel Attal, il a réagi ce mercredi, peu après 17h30, sur X. Une réunion du groupe Ensemble pour la République qu'il préside à l'Assemblée nationale s'était tenue peu avant. "L'enjeu de redressement de nos finances publiques pour l'année qui vient est colossal. Et il est aussi vital", écrit le chef de file de Renaissance, pour qui "il est indispensable d'agir", "sans anathèmes ni faux semblants".
"Nous avons deux mois pour améliorer ce budget et nous, chez Renaissance, nous ferons un certain nombre de propositions", a précisé le député Jean-René Cazeneuve sur LCP.
Lors du compte-rendu du Conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, a pour sa part déclaré qu'Emmanuel Macron avait jugé que le budget de François Bayrou "avait la vertu du courage, de l'audace, de la lucidité et de regarder les objectifs d'investissement auxquels la France doit faire face".
Les députés de La France insoumise ne prendront, eux, pas part aux discussions à venir. Le ministre de l'Economie, Eric Lombard, a en effet indiqué sur France 2 mardi soir, que l'ensemble des propositions du gouvernement "feront l'objet d'échanges avec les formations et groupes politiques en septembre". La raison ? Le plan de François Bayrou "est une véritable déclaration de guerre sociale faite au peuple de France", a justifié la présidente du groupe Mathilde Panot lors d'une conférence de presse mercredi à la mi-journée. Elle déplore des mesures "injustes, dangereuses et anti-démocratiques", quand son collègue et président de la commission des Finances, Eric Coquerel, évoque un "tunnel de contre-vérités", voire "de mensonges".
A ses yeux, tout cela "cherche à cacher une réalité, les Français sont appelés à contribuer au déficit créé par les cadeaux aux plus riches depuis 2017", "des plus riches (qui) sont très peu mobilisés" dans les annonces de François Bayrou. "Nous censurerons ce gouvernement le plus vite possible", a renchéri Mathilde Panot. Quid de leurs alliés du Parti socialiste qui, en janvier, avaient choisi de ne pas censurer François Bayrou ? "J'espère que les socialistes n'iront pas", aux discussions à venir à la rentrée, a déclaré Eric Coquerel.
Car c'est bien vers les socialistes, et vers le Rassemblement national, que les regards vont se porter dans les prochaines semaines. "Les propositions du gouvernement ne sont pas acceptables et n’offrent pas de base de négociation", a tweeté le président du groupe socialiste Boris Vallaud, qui demande "une vraie discussion" et précise que d'ici la rentrée, les siens "poseront sur la table leurs propositions et les grands principes d’un budget juste qui prépare l’avenir". "C'est à eux de se bousculer et de se faire un peu mal, ils ont fait de la merde ! Ils ont foutu le pays en vrac", s'énervait auprès de LCP un cadre du groupe la semaine dernière, qui "ne se sent(ait) aucune responsabilité dans la situation actuelle".
Invité de BFMTV mardi soir, le premier secrétaire Olivier Faure s'est dit "toujours ouvert aux compromis", mais que "sur les bases actuelles, la seule perspective possible est la censure".
Pourtant, l'exécutif veut croire qu'il existe - une nouvelle fois - des marges de négociations avec les socialistes. "Nous allons discuter avec tous les partis. Evidemment, il y a probablement davantage de possibilités de parvenir à un accord avec le Parti socialiste", a reconnu le ministre de l'Economie, Eric Lombard. Ce sont "des gens raisonnables", "j'espère qu'ils viendront discuter, feront des propositions", a appuyé son collègue de la Justice, Gérald Darmanin.
Pour qu'une censure soit votée à l'automne, elle devra aussi récolter les voix du Rassemblement national. "Si François Bayrou ne revoit pas sa copie, nous le censurerons", a écrit Marine Le Pen sur X juste après l'allocution de François Bayrou. "Ce gouvernement préfère s’en prendre aux Français, les travailleurs et les retraités, plutôt que de faire la chasse aux gaspillages", a ajouté la présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale. Elle, demande notamment une baisse de la contribution de la France à l'Union européenne et souhaite voir "coupées les pompes aspirantes de l'immigration".
"François Bayrou s’est assis sur la catapulte et veut couper la corde. Les Français font des efforts, les migrants et les étrangers, jamais", a également dénoncé mercredi sur Sud Radio le porte-parole du Rassemblement national, le député Julien Odoul, en annonçant que son parti présentera à la rentrée "un contre-budget responsable". Parmi les autres lignes rouges avancées par Jean-Philippe Tanguy : la suppression de deux jours fériés. Pour éviter la censure, il faut, selon lui, "changer à peu près toute la copie". Ce qu'a confirmé son collègue Yoann Gillet sur LCP.
Entre des alliés critiques et des oppositions virulentes, le chemin budgétaire s'annonce - c'était écrit - bien périlleux pour François Bayrou, qui voit l'Himalaya se dresser chaque jour davantage devant lui. Face à la montagne de difficultés, pourrait-il jeter l'éponge avant l'examen budgétaire et une éventuelle censure ? Inimaginable pour un ministre en exercice pour qui le Premier ministre préférera, le cas échéant, "mourir sur scène".