A la tribune de l'Assemblée nationale, le président des députés socialistes, Boris Vallaud, a annoncé que son groupe faisait le "pari" du débat et ne voterait donc pas, à ce stade, la censure contre le gouvernement. Lors de sa déclaration de politique générale, ce mardi 14 octobre, le Premier ministre s'est engagé à proposer la suspension de la réforme des retraites au Parlement dès cet automne.
Ce mardi après-midi, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, plusieurs députés socialistes applaudissent Sébastien Lecornu. Le Premier ministre vient d'accéder à certaines de leurs demandes. Dans sa déclaration de politique générale, il a surtout annoncé la suspension de la réforme des retraites jusqu'à l'élection présidentielle de 2027. "Aucun relèvement de l'âge n’interviendra à partir de maintenant jusqu'à janvier 2028, comme l'avait précisément demandé la CFDT. En complément, la durée d'assurance sera elle aussi suspendue et restera à 170 trimestres jusqu'à janvier 2028", a-t-il déclaré, à la tribune.
Alors, forcément, dans le camp socialiste, l'heure est à la satisfaction. "Il a dit tout ce qu'on avait demandé", réagit dans la foulée une députée PS. "La messe est dite. (...) Normalement, l'affaire est réglée", complète l'un de ses collègues. "Si Sébastien Lecornu annonce une suspension de la réforme des retraites, personne ne pourra dire que ce n'est pas quelque chose d'énorme", anticipait un autre en début d'après-midi, alors que le Parti socialiste publiait un communiqué de presse récapitulant ses exigences.
Devant les députés, le locataire de Matignon a aussi confirmé qu'il n'utiliserait pas l'article 49.3 et laisserait les débats de dérouler au Parlement, notamment sur la justice fiscale, avec la perspective de "la création d'une contribution exceptionnelle des grandes fortunes". "Le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez", a répété à plusieurs reprises le Premier ministre.
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Après le discours de Sébastien Lecornu, vers 16h15, une réunion du groupe Socialistes est convoquée pour faire le point sur la réponse à apporter au gouvernement. C'est le président des députés PS, Boris Vallaud – avant-dernier orateur du jour lors du débat de politique générale – qui en a fait le compte rendu dans l'hémicycle. La suspension de la réforme des retraites est "une victoire assurément", lance-t-il, y voyant "la reconnaissance du combat mené par les organisations syndicales" et "une fissure dans le dogme macroniste". "Nous prenons cette suspension comme une victoire autant qu’un premier pas qui permet d’envisager les suivants : le blocage et l’abrogation", ajoute-t-il.
Alors ses troupes ne choisiront pas la censure. Parce que, poursuit-il, "les députés socialistes (..) assument de croire encore que le débat parlementaire entre forces républicaines est possible et peut changer la vie". A la tribune, Boris Vallaud le reconnaît : "Nous faisons un pari, un pari risqué dont seul l’avenir nous dira ce qu’il est."
Une position qui n'a, sans surprise, pas manqué de faire réagir ses alliés de gauche, qui ont besoin d'une vingtaine de voix supplémentaires pour faire adopter la motion de censure issue de la gauche qui sera examinée jeudi matin. "J'appelle les collègues socialistes à retrouver la raison. C'est un bidouillage de suspension, qui n'a rien à voir avec ce que les Français ont demandé : tourner la page" de la réforme des retraites, dénonce la députée Sarah Legrain (La France insoumise) auprès de LCP. "Les députés socialistes doivent désobéir et voter la censure", a écrit le député et coordinateur national de LFI, Manuel Bompard, sur X. Pour la présidente écologiste Cyrielle Chatelain, dont le groupe "ira à la censure", même si quelques voix pourraient manquer : "C'est une petite suspension. Pour une réforme qui n'avait pas de socle politique, c'est insuffisant."
Dans les rangs du groupe Socialistes, si le choix a été fait de ne pas censurer cette semaine, plusieurs députés assurent que la mise en garde reste d'actualité pour la suite. "Chaque chose en son temps. On va continuer à mettre la pression tout au long du débat parlementaire", explique Laurent Baumel, qui évoque un futur "chemin de croix" pour Sébastien Lecornu. Et de rappeler : "A la fin, on garde deux armes : le droit de vote et le droit de déposer une motion de censure".
Dans son intervention, Boris Vallaud a d'ailleurs prévenu le Premier ministre : "Vous renoncez au 49.3, nous n'en demeurons pas moins dans votre opposition et maîtres d'une sanction du gouvernement tout au long du débat budgétaire." Les porte-parole du groupe l'ont également répété face à la presse à la sortie de l'hémicycle : "Nous ne censurons pas à ce stade le gouvernement. (...) Nous nous réservons le choix de pouvoir censurer à tout moment", a ainsi affirmé Dieynaba Diop.
A quelques mètres de là, son collègue socialiste Guillaume Garot résume auprès de LCP la ligne des siens, se félicitant que ceux-ci aient "arraché de haute lutte" la suspension de la réforme des retraites, alors que "rien n'était écrit". "Cela méritait d'être reconnaissant", estime-t-il, considérant que ce mardi marque "le début des combats". Et d'ajouter : "Il faut qu'on puisse débattre au fond pour arracher d'autres victoires" au cours du débat parlementaire sur le budget.
Tous les députés PS suivront-ils la ligne du parti dirigé par Olivier Faure, jeudi matin, lors du vote sur la motion de censure qui sera défendue par LFI ? Selon plusieurs sources, ils pourraient être une poignée à s'affranchir de la décision de leur formation politique. Mais sauf énorme surprise, le gouvernement devrait échapper à la censure cette semaine.