Lutte contre la récidive : déplorant "gâchis" et "coups tordus", Horizons retire sa proposition de loi

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par Léonard DERMARKARIAN, le Jeudi 2 mars 2023 à 17:19, mis à jour le Vendredi 3 mars 2023 à 09:48

Lors de sa première journée d'initiative parlementaire, le groupe Horizons de l'Assemblée nationale souhaitait rétablir une forme limitée de peines plancher pour "mieux lutter contre la récidive" des délits de violences contre les agents publics. Face à l'avis défavorable du gouvernement et à l'opposition des autres groupes de la majorité, Naïma Moutchou, qui portait le texte, a retiré la proposition de loi. 

Critiquée, contestée, retirée : tel a été le sort de la proposition de loi "visant à mieux lutter contre la récidive", présentée par Naïma Moutchou, députée Horizons et vice-présidente de l'Assemblée nationale, lors de la première journée d'initiative parlementaire du groupe Horizons, jeudi 2 mars. 

Actant l'absence de soutien, voire l'opposition, des deux autres groupes de la coalition présidentielle (Renaissance et Démocrate), ainsi que l'avis défavorable du ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, Naïma Moutchou a pris la parole après le rejet de l'article 1, principal article du texte. La députée Horizons a déploré un "gâchis" : "J'étais prête aux combats de conviction, j'étais moins prête aux coups tordus, aux manœuvres, aux coups de procédures [...]. Quel gâchis !", visant implicitement les autres groupes de la majorité et le gouvernement. 

"Prévenir et dissuader" la récidive

La proposition de loi visait à instaurer des peines minimales d'un an d'emprisonnement pour les délits de violences, commis en récidive, à l'encontre de forces de l'ordre ou de personnes exerçant une mission de service public (enseignants, chauffeurs de bus, etc.). Ce jeudi, le texte était examiné dans l'hémicycle après avoir été rejeté en commission

En séance, Naïma Moutchou a dénoncé les "fantasmes et inexactitudes" autour de sa proposition de loi assimilée, y compris au sein de la majorité, au retour d'une forme de peines plancher. Selon elle, la "peine minimale ciblée et mesurée" destinée à lutter contre la récidive qu'elle proposait ne pouvait pourtant pas être comparée aux peines plancher, créées sous Nicolas Sarkozy en 2007 et abrogées sous François Hollande en 2014, destinées aux récidivistes et aux primo-délinquants.

Malgré les critiques, Naïma Moutchou a donc défendu un texte destiné à mieux protéger "ceux qui incarnent, ceux qui défendent, ceux qui font la République" afin de "dissuader et prévenir la récidive [...] en hausse constante en dépit des efforts déployés". Avant de se rendre à l'évidence du rapport de force politique et de retirer sa proposition. 

Le gouvernement et Renaissance opposés au texte

Au-delà des différences qui ont pu apparaître depuis le début de la législature, aucun texte législatif n'avait encore refleté une divergence aussi nette au sein de la majorité, notamment entre le groupe Horizons, émanation du parti d'Edouard Philippe, et Renaissance, le parti présidentiel. Outre l'opposition du président de la commission des lois de l'Assemblée, Sacha Houlié (Renaissance), la proposition de loi a reçu un avis défavorable clair et net du gouvernement. 

Dans l'hémicycle, Eric Dupond-Moretti a répondu au texte d'Horizons en défendant la "politique pénale de fermeté, mais sans démagogie" menée par le gouvernement. Document à l'appui, le Garde des Sceaux souligné l'action déjà engagée - sans attendre cette proposition de loi - pour mieux lutter contre la récidive. Concernant la mesure proposée, il a par ailleurs estimé qu'une "expérimentation grandeur nature menée sous le quinquennat du président Sarkozy" a montré l'inefficacité des peines planchers. "La justice est plus sévère sans peines planchers qu’avec les peines planchers", a-t-il conclu. 

Horizons regrette une "absence de maturité politique"

A la sortie de la séance, juste après le retrait du texte, Laurent Marcangeli, le président du groupe Horizons, a déploré une issue qui va "à l'encontre de l'intérêt des Français". Tout en reconnaissant que le retrait constituait un "échec" pour son groupe, le député a critiqué le gouvernement, soupçonné d'avoir retardé l'examen du texte par de longues prises de parole, ainsi qu'"une majorité qui a boudé le débat".

"Je pense que le groupe Renaissance a tort aujourd'hui", a-t-il ajouté, pointant une "absence de maturité politique" et affirmant que sur le fond du sujet : "C'est un combat que nous continuerons de mener".