Les députés ont adopté à l'unanimité, en première lecture, une proposition de loi pour lutter contre les pénuries de médicaments. Le texte - qui été examiné, jeudi 29 février, dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe Socialistes - vise à "renforcer les stocks de médicaments" et alourdir "les sanctions" à l'égard des industriels qui ne respecteraient pas leurs obligations.
"Ne pas pouvoir accéder aux médicaments dont on a besoin constitue une angoisse indescriptible, une angoisse pour les parents, une angoisse pour les patients", a déclaré en préambule de la discussion générale la rapporteure de cette proposition de loi, Valérie Rabault (Socialistes).
"Le nombre de médicaments en pénurie a été multiplié par 10 en dix ans : il y avait 500 ruptures en 2013 il y en a 4925 à la fin de l'année 2023", a-t-elle rappelé, relevant plusieurs facteurs à l'origine de ce phénomène : une hausse de la "demande mondiale" sans que la production ait augmenté dans les mêmes proportions, "une chaîne de production fragilisée par sa fragmentation", des prix sur certains médicaments "que les industriels jugent trop bas pour poursuivre les productions", et enfin une "connaissance des stocks insuffisante pour assurer un pilotage agile" de leur répartition.
Pour faire face à cette situation, le texte s'articule autour de trois mesures :
Dans sa version actuelle, le texte prévoit d'inscrire dans la loi un niveau de stock compris entre un et quatre mois, pour tous les médicaments, alors qu'il n'existe aujourd'hui que des dispositions réglementaires en matière de stock "plancher". Cette exigence serait, en outre, élevée de deux à quatre mois pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (à l'exemple de l'amoxicilline) et jusqu'à quatre à six mois pour certains "médicaments stratégiques" dont la liste est établie par le ministère de la Santé après avis de la Haute Autorité de Santé (HAS). Les sanctions, plafonnées actuellement à 30% du chiffre d'affaires sur le médicament concerné, dans la limite d'un million d'euros, passeront à 50% du chiffre d'affaires, dans la limite de 5 millions d'euros.
Malgré l'adoption du texte en commission des affaires sociales le 14 février dernier, le ministre délégué à la Santé Frédéric Valletoux a émis des réserves en amont de la discussion. "Bien que ses intentions soient louables" la proposition de loi "ne répond pas complètement au problème" a-t-il estimé, jugeant "inimaginable que chaque industriel ou exploitant ait deux mois de stocks pour chaque référence de médicaments", comme initialement prévu, notamment pour ceux "très courants dont les volumes sont très importants". "Augmenter les sanctions" représenterait un risque pour l'attractivité du marché français et pourrait inciter les industriels "à décommercialiser certains médicaments", a t-il mis en garde.
La volonté d'aboutir étant générale, un compromis été trouvé. Valérie Rabault (Socialistes) a présenté un amendement de réécriture de l'article 1, sous-amendé par Stéphanie Rist (Renaissance), afin de diminuer les obligations de constitution de stocks par rapport au texte initial et de donner à l'ANSM la possibilité de les augmenter en cas de besoin. À l'issue de l'examen du texte, Frédéric Valletoux a remercié la députée socialiste pour "son état d'esprit d'ouverture" qui a permis aux groupes de "converger sur le soutien à la proposition", dont il s'est dit "satisfait."
Après deux heures d'une discussion relativement rapide, la proposition de loi a ainsi pu être adoptée, juste avant la fin de la journée d'initiative parlementaire du groupe Socialistes. Le texte doit maintenant poursuivre son parcours législatif au Sénat.