Auditionné à l'Assemblée nationale mardi 28 février, le président-directeur général d'EDF, Luc Rémont, a appelé à une "prise de conscience collective" pour permettre à l'entreprise de "remonter" la pente. Il a notamment appelé à faire évoluer le dispositif de l'Arenh arrivé, selon lui, à "bout de souffle".
Nommé depuis 3 mois à la tête d'EDF, Luc Rémont se sait attendu au tournant. Le PDG du fleuron industriel français était auditionné ce mardi 28 février par les députés de la commission d'enquête "visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France", dix jours après les pertes records annoncées par EDF en 2022 - 17,9 milliards d'euros.
"Il y a une pente forte qui se présente devant nous", a reconnu le responsable, conscient des enjeux et de ses responsabilités dans les mois à venir. "Pour la remonter, il nous faut une prise de conscience collective, aussi bien au sein de l'entreprise que dans la façon dont elle interagit avec ses parties prenantes", a-t-il averti, décrivant aussi bien les chantiers qui attendent l'énergéticien que les contraintes dont il souhaiterait s'affranchir. Dans son viseur notamment : l'Arenh, le mécanisme de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique qui impose à EDF de vendre à ses concurrents son électricité nucléaire à un prix déterminé, et qui a été étrillé par les anciens dirigeants comme par certains représentants du personnel.
"Nous devons accepter qu'EDF doit pouvoir facturer son électricité au-delà de 42 euros le mégawattheure pour une partie significative de ses activités", a-t-il indiqué, jugeant que l'Arenh était à "bout de souffle". "Parmi les conditions du succès futur d'EDF, il y a le fait de réinventer ce dispositif".
Luc Rémont n'a guère été plus positif concernant le marché européen de l'électricité, selon lui "incomplet" car il ne permet pas une visibilité de long terme nécessaire à l'investissement, en plus d'être trop sujet à la volatilité liée au prix du gaz. "EDF doit pouvoir contractualiser à long terme avec ses clients." Des propos tout sauf anodins, alors que viennent de s'ouvrir des tractations en vue de la réforme du marché européen de l'électricité.
Le chef d'entreprise n'a, par ailleurs, pas éludé les difficultés internes du groupe, qui devront également être résolues. Elles concernent aussi bien la disponibilité du parc des 56 réacteurs - tombée à 54% en 2022, que la capacité de production à plein régime et de conduite des projets de développement en tenant les budgets et délais.
Plus globalement, Luc Rémont juge que la réussite de l'énergéticien passera par la quantité et la qualité des investissements réalisés afin de pouvoir assurer la production d'énergie décarbonée. Un futur qui passera par les énergies renouvelables, mais pas seulement. "Indépendamment des circonstances de 2022, il est nécessaire de faire reposer le modèle économique d'EDF sur le nucléaire", a-t-il assuré.
Dans cette optique, le PDG d'EDF a apporté de premiers éléments concrets au discours de Belfort d'Emmanuel Macron, au cours duquel le chef de l'État a fait part de sa volonté de construire 6 nouveaux EPR d'ici à 2050. Ce qui représenterait, à date, quelque 51 milliards d'euros d'investissements.
Selon lui, les premiers travaux pourraient être engagés début 2024, en cas d'adoption du projet de loi relatif à la construction de nouvelles installations nucléaires, actuellement en cours d'examen au Parlement. Afin de réussir au mieux le développement de ces futurs réacteurs, Luc Rémont a conseillé de particulièrement observer l'achèvement des chantiers de Flamanville dans la Manche, ainsi que des deux EPR britanniques de Hinkley Point, pour en tirer les leçons.
Luc Rémont s'est également prononcé sur le développement des SMR, ces réacteurs de petite taille, dont le président de la République souhaiterait un prototype d'ici à 2030. "L'objectif pour nous est d'arriver à structurer un programme dans les mois qui viennent", a-t-il confirmé, afin de pouvoir le proposer à la vente à l'international, où un "véritable marché" se dessinera selon lui au début des années 2030, notamment de la part de pays qui n'ont pas forcément une culture historique du nucléaire à l'heure actuelle.
Afin de réussir à tenir ces délais, le groupe a décidé de se porter sur la technologie des réacteurs à eau pressurisée, qui est déjà "bien maîtrisée". De même, a été retenue la logique d'un fonctionnement par paire, ce qui permet de bénéficier d'une "facilité de montée en cadence industrielle" et d'une "compacité relative". "Nous aurons une revue technique approfondie dans les semaines qui viennent avant de rentrer dans une phase de définition plus précise", a fait savoir Luc Rémont. Autant de projets qui doivent permettre d'assurer l'avenir d'EDF.