Mayotte : le projet de loi d'urgence pour la reconstruction adopté par les députés en commission

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Aurélie Trouvé et Manuel Valls, le 14 janvier 2025. LCP
Aurélie Trouvé et Manuel Valls, le 14 janvier 2025. LCP
par Maxence Kagni, le Mercredi 15 janvier 2025 à 10:05, mis à jour le Mercredi 15 janvier 2025 à 11:48

Le projet de loi d'urgence pour la reconstruction de Mayotte, amendé par les députés qui ont notamment restreint la vente de tôles sur l'archipel dévasté par le cyclone Chido, a été adopté dans la nuit de mardi à mercredi 15 janvier, en commission des affaires économiques. Le projet de loi sera examiné dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale la semaine prochaine. 

La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a achevé, dans la nuit de mardi à ce mercredi, l'examen du projet de loi d'urgence pour Mayotte. Le texte, qui doit permettre d'accélérer la reconstruction de l'archipel dévasté par le cyclone Chido le 14 décembre, sera examiné dans l'hémicycle du Palais-Bourbon dès le lundi prochain, 20 janvier, à partir de 16 heures.

Ce projet de loi, qui vise à prendre des mesures pour répondre à l'urgence de la situation en matière de logement et d'infrastructures, ne comporte aucune disposition relative à l'immigration. Lors de son audition, lundi 13 janvier, le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a néanmoins promis que le Parlement serait saisi "dans les deux mois à venir" d'un autre texte contenant des mesures plus "structurelles"

Mardi matin, la rapporteure du texte, Estelle Youssouffa (LIOT), avait critiqué son contenu lors d'une conférence de presse : "La réception à Mayotte de ce qui est engagé est plutôt très, très réservée", a expliqué la députée mahoraise. "Nous estimons que cela ne correspond pas à une traduction législative du plan Mayotte Debout annoncé par le Premier ministre", a-t-elle ajouté.

Les communes davantage consultées

Les membres de la commission des affaires économiques ont adopté plusieurs amendements visant à permettre aux acteurs sociaux du territoire, ainsi qu'au comité de l’eau et de la biodiversité de Mayotte, d'être associés à l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (EPFAM), qui aura "la mission de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte".

Ils ont également modifié les dispositions relatives au bâti scolaire. Deux amendements écologistes précisent ainsi que les infrastructures scolaires devront suivre des "standards de construction adaptés à la situation mahoraise et aux besoins des élèves" et comprendre "plusieurs points d’eau potable".

L’urgence ne doit pas justifier une construction d’écoles "au rabais" à Mayotte. Exposé des motifs de l'amendement 209

Les députés ont aussi adopté deux amendements de la rapporteure, Estelle Youssouffa, qui protègent les communes mahoraises. Ainsi, le transfert du bâti scolaire de la commune à l’Etat, qui est permis par le texte, ne pourra se faire qu'après un avis conforme de la commune concernée. Par ailleurs, la construction de nouvelles écoles - et le choix de leur nombre de classes - devront faire l'objet d'un "accord exprès de la commune" d'implantation. 

Les communes seront également consultées en cas de proposition d'implantation sur leur territoire de constructions temporaires destinées à l’hébergement d’urgence. Ces constructions, qui pourront se maintenir pendant deux ans au maximum, devront par ailleurs contenir certaines prestations et équipements, qui seront précisés par arrêté : "Il faut a minima des pièces d’eau et des sanitaires individuels, une vraie cuisine permettant de faire à manger sur place (...) et une séparation entre les espaces de jour et de nuit", précise un amendement du groupe Gauche démocrate et républicaine.

Des ordonnances pour aller vite

Afin d'"accélérer la reconstruction", le gouvernement pourra bien prendre par ordonnances "toute mesure de nature législative permettant de déroger à certaines règles de construction". Les députés ont toutefois exclu du champ des ordonnances "la totalité" des règles relatives à la sécurité, les règles relatives à l'accessibilité des établissements recevant du public ainsi que les obligations de recours aux énergies renouvelables.

En outre, un amendement de René Pilato (La France insoumise) prévoit que les nouveaux logements et les logements reconstruits devront permettre la gestion "parcellaire" des eaux de pluie (récupération, stockage). Une disposition qui n'a pas été soutenue Manuel Valls : "La situation d'urgence sanitaire et sociale justifie de ne pas ajouter de complexités techniques ou administratives", a expliqué le ministre des Outre-mer.

Lutte contre l'habitat informel

Un amendement d'Estelle Youssouffa (LIOT) prévoit, par ailleurs, de soumettre la vente de tôles à la présentation de justificatifs attestant de la volonté de remettre en l'état un logement. "Cela devrait permettre d'exclure l'utilisation de ces tôles pour l'habitat informel", a justifié la rapporteure, qui souhaite ainsi "éviter la restauration des taudis et des bangas de fortune". L'élue de Mayotte a été soutenue par Manuel Valls : "Cet amendement va dans le sens de ce que le gouvernement souhaite c'est-à-dire (...) empêcher la reconstruction des bidonvilles."

En revanche, la disposition n'a pas convaincu Dominique Voynet (Ecologiste et social) : "Est-ce que les tôles vendues à des Français risquent moins de s'envoler (...) que les tôles qui seraient posées sur des bangas ?", a-t-elle demandé. 

Un autre amendement de la rapporteure Estelle Youssouffa précise que l'ensemble des dispositions relatives au droit à la reconstruction (dérogations au plan local d'urbanisme, raccourcissement des délais, début des travaux avant l'obtention de leur autorisation) ne s'appliquent pas à l'habitat informel. Les députés ont également supprimé les travaux de fondation et de terrassement de la liste des opérations pouvant être entamées avant obtention d'un permis et limité la sous-traitance sur les chantiers de la reconstruction.

Protection des entreprises locales

La commission des affaires économiques a enfin souhaité protéger les entreprises locales en supprimant l'article 12, qui permettait de s'affranchir du principe d'allotissement lors de l’attribution des marchés de reconstruction des équipements publics et des bâtiments. Les entreprises mahoraises étant "en très grande majorité de TPE et PME de moins de 10 salariés", celles-ci n'auraient pas été en capacité de participer à des travaux de trop grande ampleur.

Par ailleurs, les marchés publics permettant la reconstruction de Mayotte pourront faire l’objet d’une "clause spécifique réservant un pourcentage minimum des travaux à réaliser aux très petites entreprises locales". Et les entreprises domiciliées à Mayotte bénéficieront d'un report d’un an pour le paiement de leurs impôts et de leurs taxes, sans pénalités ni intérêts de retard.