La proposition de loi visant à "renforcer l’ancrage territorial des parlementaires", présentée par le groupe Horizons de l'Assemblée nationale, a été rejetée par la commission des lois, ce mercredi 6 mars. Le texte, qui prévoit un assouplissement de la loi sur le non-cumul des mandats, sera néanmoins débattu dans l'hémicycle jeudi 14 mars, dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire des députés du parti d'Edouard Philippe.
Mardi 5 mars, lors d'une conférence de presse organisée à l'Assemblée nationale, le président du groupe Horizons, Laurent Marcangeli, l'assumait clairement : "Il y a des députés de la majorité qui sont opposés à ce texte. Et alors ?", avait-il fait mine d'interroger, façon de dire qu'il n'y avait pas de débats interdits. Les membres du groupe émanant du parti de l'ex-Premier ministre, Edouard Philippe, souhaitent assouplir les règles relatives au non-cumul des mandats. Leur proposition de loi organique visant à "renforcer l’ancrage territorial des parlementaires" a été rejetée par la commission des lois, ce mercredi 6 mars. Elle sera néanmoins débattue dans l'hémicycle, jeudi 14 mars, lors de la journée d'initiative du groupe Horizons.
Le texte prévoit de limiter les effets de la loi de 2014 sur le non-cumul des mandats en redonnant la possibilité aux députés et sénateurs de cumuler leur mandat avec "un mandat exécutif local à l’exception des fonctions de maire et de président de conseils départementaux et régionaux". Un parlementaire pourrait donc aussi être adjoint au maire ou vice-président de département ou de région.
"Un constat s'impose dès à présent : la loi de 2014 n'a pas restauré le lien de confiance entre les citoyens et les parlementaires, a justifié le rapporteur du texte, Henri Alfandari (Horizons). Les Français ne cessent d'exprimer leur sentiment d'éloignement avec leurs parlementaires en les qualifiant trop souvent d'être déconnectés et hors sol." Selon le député d'Indre-et-Loire, la loi de 2014 a "coupé les racines locales des parlementaires" même si elle a peut-être permis de "faire émerger de nouveaux profils" et a "joué un rôle dans la féminisation" de la fonction.
Si la loi de 2014 a manqué son effet, c'est peut-être par son excès. Henri Alfandari
"Le cumul peut enrichir le travail du parlementaire en lui donnant une connaissance plus fine des enjeux de la décentralisation", a aussi expliqué Henri Alfandari soulignant, en revanche, qu'il n'était pas question de toucher aux règles en vigueur concernant la rémunération des élus. Le député a rappelé que, depuis 1992, le principe de l'"écrêtement" s'applique : celui-ci limite le cumul de rémunérations en cas de cumul des mandats. Pour un parlementaire, la somme plafond est de "8524 euros". "L'élu qui cumule coûtera donc moins cher à l’Etat que deux élus différents qui seraient rémunérés chacun par la totalité de l'indemnité", a conclu Henri Alfandari.
Fabien Di Filippo (Les Républicains) a défendu la proposition de loi qui permettrait, selon lui, un meilleur "ancrage", ainsi qu'une plus grande "proximité" avec les citoyens et la construction d'une meilleure "expertise". L'élu de Moselle a cependant jugé que le texte n'allait pas assez loin : "Il faudrait qu'un président d'exécutif local, un maire, puisse aussi siéger à l'Assemblée."
Pierre Morel-À-L'Huissier (LIOT) est du même avis. Partageant son expérience, le parlementaire a expliqué comment il a été pendant 18 ans député et "maire d'une petite commune rurale, président de communauté de communes et conseiller départemental". "Réélu cinq fois, je pense que je pouvais faire les quatre mandats sans grande difficulté", a-t-il affirmé.
A un moment donné, on ne parle bien que de ce qu'on a fait. Pierre Morel-À-L'Huissier
"La démocratie ne va pas mieux depuis la loi organique interdisant le cumul des mandats, au contraire, celle-ci a participé à éloigner les élus des citoyens", a quant à lui affirmé Bruno Bilde (Rassemblement national). Le député du Pas-de-Calais, qui estime que la proposition des députés Horizons "va dans le bon sens", en a profité pour défendre l'instauration du scrutin proportionnel aux élections législatives.
Au contraire, le texte a été durement critiquée par la gauche. "Cette proposition de loi va dans le sens inverse de ce que nous devons faire", a ainsi déclaré Jérémie Iordanoff (Ecologiste), qui s'est dit "stupéfait" par l'initiative des députés Horizons. De son côté, Cécile Untermaier (Socialistes) a évoqué une "régression" et affirmé que "le cumul est une plaie", tandis qu'Antoine Léaument (La France insoumise) a jugé que les députés Horizons étaient "à côté de la plaque" et qu'ils allaient "agacer les gens". Les élus LFI ont proposé une réforme des institutions "de la cave au plafond" et prôné une augmentation du nombre de collaborateurs mis à disposition des députés.
En revanche, Davy Rimane a expliqué que le groupe Gauche démocrate et républicaine n'avait pas encore fixé sa position de vote, tout en affirmant que la loi de 2014 sur le non-cumul avait été une "fausse bonne réponse par rapport à la réalité politique et démocratique de notre pays".
Comme l'avait laissé entendre le président du groupe Horizons Laurent Marcangeli lors de sa conférence de presse, les autres groupes de la majorité n'ont pas soutenu le texte. "La déconnexion des élus, je me permets de la réfuter fortement", a expliqué Elodie Jacquier Laforge (Démocrate), qui a rappelé que "50% des députés sont des élus locaux". "Revenir sur [les acquis du non-cumul des mandats] serait dramatique", a complété Erwan Balanant (Démocrate).
"Admettre comme seule solution suffisante le cumul des mandats pour se reconnecter à une réalité, c'est admettre qu'une partie substantielle d'entre-nous en est coupée, [or] je ne le crois pas", a ajouté Ludovic Mendes (Renaissance), qui a expliqué que son groupe s'abstiendrait au moment du vote. Plutôt que de changer les règles de non-cumul, des parlementaires de la majorité ont plutôt appuyé la création d'un statut de l'élu, comme le proposent notamment les députés Violette Spillebout (Renaissance) et Sébastien Jumel (GDR).
Dans une interview donnée au Figaro lundi 5 mars, la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, Dominique Faure, a exprimé sa volonté d'"avancer vers un statut de l'élu" avant "les prochaines élections municipales de 2026". Selon la ministre, la proposition de loi du groupe Horizons "arrive un peu trop vite", Eric Woerth (Renaissance) menant actuellement une mission sur la décentralisation et la valorisation des fonctions électives locales. Dominique Faure estime que le contenu de la proposition de loi Horizons "mérite sans doute que l'on se donne encore un peu de temps pour faire aboutir nos réflexions".
Une fin de non-recevoir qui ne devrait pas décourager Laurent Marcangeli, qui avait annoncé en conférence de presse sa volonté de présenter le texte dans l'hémicycle quoi qu'il arrive en commission. "Moi, j'ai toujours dit qu'une majorité se grandit lorsqu'elle débat", a affirmé le député de Corse-du-Sud. "Rien n'est pire que de refuser le débat", a-t-il ajouté, d'autant plus que selon lui "certaines enquêtes d'opinion montrent que les Français commencent un peu à évoluer sur cette question". Dès mardi, anticipant des échanges potentiellement intenses dans l'hémicycle le 14 mars, Laurent Marcangeli avait joué l'apaisement : "On ne va pas en faire une maladie, on ne va pas en faire un drame."