La proposition de loi visant à limiter l'exposition de la population aux perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, connus sous le nom de PFAS, fait son retour à l'Assemblée nationale. Les députés de la commission du développement durable examineront en deuxième lecture, ce mercredi 12 février, la proposition de loi du groupe Ecologiste et social qui devrait être définitivement adopté la semaine prochaine.
Lutter contre les "polluants éternels". C'est l'objectif de la proposition de loi visant à "protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées", plus connus sous le nom de PFAS. Le texte, inscrit à l'ordre du jour de l'hémicycle de l'Assemblée nationale le 20 février, dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe Ecologiste et social, sera d'abord examiné en commission ce mercredi 12 février.
La proposition de loi, déposée il y a un an par les députés écologistes, prévoit une interdiction progressive de nombreux produits contenant des PFAS, cette vaste famille de composés chimiques qui persistent sur de très longues durées dans l'environnement. Des "polluants éternels" qui se retrouvent dans de nombreux produits de consommation courante : des cosmétiques, des vêtements, des chaussures, etc. Selon l'Anses, ils peuvent notamment être responsables d'une hausse du taux de cholestérol, de la survenue de cancers et sont suspectés d'interférer sur le système endocrinien et immunitaire.
On voit que les jeunes filles se maquillent de plus en plus jeunes, c'est un enjeu de santé publique. Nicolas Thierry, rapporteur du texte
Après son adoption en première lecture par l'Assemblée nationale, en avril 2024, puis par le Sénat, en mai 2024, le texte fait son retour au Palais-Bourbon. Signe du large consensus qui devrait se dégager sur le sujet, c'est la procédure de "législation en commission" qui a été choisie, ce qui veut dire que la séance consacrée à cette proposition de loi dans l'hémicycle, la semaine prochaine, sera essentiellement consacrée à son vote.
"Nous visons une adoption du texte conforme à la version adoptée par les sénateurs", explique le rapporteur Nicolas Thierry (Ecologiste et Social). Si tel est le cas, cela vaudra adoption définitive par le Parlement. "L'urgence sanitaire est indéniable, les scientifiques tirent la sonnette d'alarme, les victimes attendent ce texte", souligne l'élu de Gironde.
Concrètement, le texte interdira, à partir du 1er janvier 2026, la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit :
Cette interdiction ne concernera pas les tenues et chaussures conçus pour "la protection et la sécurité des personnes". "Il peut s'agir d'équipements de pompiers par exemple", explique Nicolas Thierry.
Le texte interdira également, à partir du 1er janvier 2030, la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit :
Cette interdiction ne concernera pas les produits textiles "nécessaires à des utilisations essentielles", ceux "contribuant à l'exercice de la souveraineté nationale et pour lesquels il n'existe pas de solution de substitution" ou les "textiles techniques à usage industriel".
En avril 2024, contrairement à ce que proposait la proposition de loi initiale, l'Assemblée avait choisi d'exclure les ustensiles de cuisine du dispositif : pour cela, les députés avaient adopté des amendements issus des rangs d'Ensemble pour la République, du Rassemblement national, et des Républicains Une exclusion maintenue dans la version issue du Sénat.
Prenant acte du rapport de force actuel au Parlement, Nicolas Thierry (Ecologiste et social) ne souhaite pas tenter de modifier la copie du Sénat, assumant un "choix de raison" : "Il n'y a pas de majorité possible aujourd'hui sur cette disposition, ni à l'Assemblée, ni au Sénat." Ce qui ne l'empêche pas d'avouer sa "déception" et de dénoncer le "lobbying du groupe Seb" (Tefal, Moulinex, Krups...). "Ils continuent à faire le tour des députés, alors qu'ils ne sont pas concernés" par le texte actuel, déplore l'élu du groupe présidé par Cyrielle Chatelain.
Lors de l'examen de la proposition de loi en première lecture dans l'hémicycle, le ministre délégué chargé de l'Industrie de l'époque, Roland Lescure (Ensemble pour la République), avait pris la défense de l'entreprise, la jugeant "exemplaire d'un point de vue de l'environnement, y compris d'ailleurs sur le traitement des PFAS". Le ministre avait notamment rappelé que le groupe Seb était "sorti du PFOA [un type de PFAS, ndlr.] en 2012".
Par ailleurs, le texte instaure une redevance assise sur les rejets de PFAS dans l'eau, afin d'appliquer le principe "pollueur-payeur à l'effort de dépollution". La proposition de loi introduit également la vérification de la présence de PFAS dans le contrôle sanitaire de la qualité des eaux potables et instaure une cartographie annuelle et publique "des sites ayant pu émettre ou émettant des substances [PFAS] dans l’environnement".
Les sénateurs ont, en outre, ajouté une disposition obligeant les agences régionales de santé à rendre publiques les analyses des eaux en bouteilles destinées à la consommation humaine. Une manière de répondre au "scandale des Nestlé waters".
Enfin, le texte inscrit dans la loi une "trajectoire nationale de réduction progressive des rejets aqueux de [PFAS]" dans le but de "tendre vers la fin de ces rejets dans un délai de cinq ans" et laisse un an au gouvernement pour se doter "d’un plan d’action interministériel pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation humaine gérées par les collectivités territoriales".